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Actualités - ANALYSE

perspectives La dimension souverainiste, une des principales caractéristiques de l’opposition plurielle Face aux débordements sécuritaires, une nouvelle bataille d’indépendance paraît engagée

L’incident qui s’est produit vendredi dernier à Tripoli en dit long sur le climat politique que le pouvoir – ou d’une manière plus précise les « décideurs » – cherche à entretenir sur la scène locale. Lors d’une cérémonie organisée sous le patronage du « bloc tripolitain » (regroupant les députés Mohammed Safadi, Maurice Fadel et Mohammed Kabbarah), en présence de représentants de Mme Nayla Moawad et du PSP, des éléments armés ont fait irruption dans la salle, tirant des coups de feu en l’air en criant, sur un ton menaçant, qu’ils ne voulaient pas de la présence d’orateurs parlant au nom de Kornet Chehwane et de Walid Joumblatt. Dans le contexte présent, cet esclandre ne saurait être perçu simplement comme l’un de ces nombreux faits divers du même genre dont les Libanais sont accoutumés depuis de nombreuses années. Après l’attentat contre Marwan Hamadé et à quelques mois des élections législatives du printemps prochain, l’incident remet, une fois de plus, sur le tapis un problème de fond soulevé sans détour lors du rassemblement de l’opposition plurielle au Bristol, lundi dernier, à savoir : l’orientation sécuritaire du régime. L’immixtion des services dans la vie publique (et privée) n’est, certes, pas un phénomène nouveau au Liban. Le précédent du célèbre « Deuxième Bureau » sous l’ère chéhabiste – qui avait débouché sur un raz de marée du Helf tripartite lors du scrutin de 1968 – est toujours présent dans les esprits. À l’époque, c’étaient essentiellement le président Camille Chamoun et ses alliés que les forces de l’ombre cherchaient à occulter. Aujourd’hui, la cible est, à l’évidence, beaucoup plus large et complexe (beaucoup plus « plurielle », précisément), mais la différence réside aussi, et surtout, dans la nature même des immixtions, puisque celles-ci sont le fait des services tant locaux que syriens, comme le souligne ouvertement (et avec insistance) le document du Bristol. Ce paramètre régional qui fait toute la différence avec l’expérience des années 60 confère au bras de fer actuel la tournure d’une nouvelle bataille d’indépendance. Une telle dimension souverainiste, qui constitue l’une des principales caractéristiques de l’opposition plurielle naissante, a été clairement mise en évidence lorsque le chef du PSP a rappelé, fort à propos, que c’est, entre autres, en raison du comportement erroné de certains responsables égyptiens à Damas que les Syriens ont rompu, au début des années 60, l’union qui les liait à l’Égypte de Nasser dans le cadre de la République arabe unie (RAU), entre 1958 et 1961. En clair, les Syriens de l’époque ne pouvaient plus tolérer l’immixtion intempestive des services égyptiens dans leurs affaires intérieures. Près de quarante ans plus tard, l’histoire se répète ; mais cette fois-ci, le rôle de la Syrie est inversé... À quelque chose malheur est bon... Les débordements de la « grande sœur » sur la scène libanaise ont manifestement constitué un catalyseur pour le rapprochement qui s’est progressivement opéré entre les diverses fractions de l’opposition. De sorte que le cheval de bataille du large éventail de courants et de personnalités qui se sont retrouvés autour du document du Bristol n’est plus uniquement la défense des libertés publiques et la lutte contre l’ingérence des services, mais aussi la révision des accords bilatéraux conclus ces dernières années avec la Syrie, le rééquilibrage des rapports avec Damas et, d’une manière plus générale, le recouvrement de l’indépendance politique du pays et le rétablissement de la liberté de décision du pouvoir central. Un discours qui était jusqu’à récemment l’apanage de ce qu’il avait été convenu d’appeler durant la guerre « l’Est politique ». Il reste que l’incident de Tripoli et, surtout, l’attentat contre Marwan Hamadé illustrent – s’il en était besoin – l’ampleur des risques grandissants de débordements sécuritaires, face à l’émergence d’un mouvement d’opposition dont la consistance, la cohésion et le caractère pluriel paraissent se consolider de jour en jour. Interrompre manu militari un meeting pour faire comprendre à des adversaires qu’ils sont indésirables – comme ce fut le cas, vendredi soir, dans la capitale du Nord – reflète dans ce contexte un état d’esprit peu rassurant quant aux conditions dans lesquelles risquent de se dérouler les prochaines élections législatives. Le pays est ainsi résolument engagé sur la voie d’une bipolarisation politiquement malsaine. Et lorsque les services s’en mêlent, les dérapages deviennent alors inéluctablement monnaie courante. Michel TOUMA

L’incident qui s’est produit vendredi dernier à Tripoli en dit long sur le climat politique que le pouvoir – ou d’une manière plus précise les « décideurs » – cherche à entretenir sur la scène locale. Lors d’une cérémonie organisée sous le patronage du « bloc tripolitain » (regroupant les députés Mohammed Safadi, Maurice Fadel et Mohammed Kabbarah), en présence de...