Fléchettes La bascule

Qu’est-ce qui distingue Lupin d’Arsène ? Le gentleman du cambrioleur ? Le sens moral ? Pas tellement. Ils ont tous les deux leur code d’honneur. Alors ? Un choix de vie. Le confort longue durée. Contre l’incandescence fugace de l’instant aventureux. En somme, toute la différence entre la stratégie et la tactique. C’est tout pareil pour les hommes politiques. Il y a les partisans des constantes. Et ceux du provisoire, terme par lequel les loyalistes (à qui ?) eux-mêmes décrivent la présence militaire syrienne. Sans faire d’amalgame, toutefois, avec sa tutelle politique. Qu’ils souhaiteraient, intérêts obligent, maintenir indéfiniment. Mais les temps changent. Certains s’en aperçoivent à temps. Changent leur fusil d’épaule. Haute tactique : ces tacticiens passent dans le camp des stratèges. Parfois d’un seul coup, avec les risques que cela comporte, comme Joumblatt. Mais le plus souvent en amorçant leur virage en douceur. Par crainte, sans doute, que l’évolution vers l’indépendance ne s’inverse brusquement. À la faveur d’un éventuel arrangement syro-américain. Ou d’un pacte tacite israélo-syrien. Car ces deux puissances régionales ont toujours eu tendance à barrer l’hégémonie US. On entend ainsi, du côté des ministres (et peut-on être plus loyaliste ?), des sons de cloches (c’est le mot) pour le moins nuancés. Tel minoritaire, qui a (traditionnellement) besoin avant tout de la protection du pouvoir en place, se range résolument aux côtés de Addoum. De son côté, tel autre, qui voit en ce dernier un rival potentiel pour le Sérail, déplore par contre le polémisme du justicier. Même dirigé contre cette bête noire, aussi honnie aujourd’hui qu’honorée hier, qu’est le joumblattisme. Bref, au fur et à mesure que s’avancera la 1559, on verra se multiplier les ralliements à la vraie cause nationale. Pas du tout au nom de la stratégie, ni à celui de la tactique. Mais à celui de la caractéristique la plus marquante de notre politique. L’opportunisme. J. I.