Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Tribune Cinq années à bâtir l’édifice euro-méditerranéen

Par Chris Patten, Commissaire européen chargé des relations extérieures Un architecte travaillant à la restauration de la Médina de Tunis, un agriculteur marocain trouvant de nouvelles méthodes pour exploiter au mieux ses terres, un professeur d’université jordanien participant à un séminaire en Europe, une ONG algérienne promouvant les droits civiques, un fonctionnaire égyptien apprenant les modalités d’entrée dans le marché intérieur de l’Union européenne – toutes ces personnes sont la preuve vivante de la coopération actuelle entre l’Europe et le bassin méditerranéen, et de l’envergure du travail que nous effectuons ensemble. Au moment où se termine mon mandat de commissaire européen, je me félicite du long chemin parcouru au cours des cinq dernières années dans le cadre du processus de Barcelone, même s’il reste tant à faire. Aux yeux de l’Europe, le bassin méditerranéen est bien plus qu’une notion géopolitique ; il est l’origine de trois éléments essentiels de notre culture : les religions monothéistes, la philosophie grecque avec ses idées anthropocentriques, telles que la liberté de l’être humain et le droit romain. Nos voisins arabes et juifs ont beaucoup contribué à la diffusion de ces idées en Europe occidentale. Au cours des décennies les plus obscures du Moyen Âge, Avicenne, Averroès ou Maïmonide ont enrichi la philosophie grecque et l’ont transmise à l’Europe occidentale, tandis que leurs travaux sur l’algèbre et la médecine ont profondément influencé l’évolution et l’identité de l’Europe. Il est important de garder à l’esprit cette perspective historique face aux événements récents : l’inertie du processus de paix au Moyen-Orient, la guerre en Irak et les effroyables attaques terroristes qui, depuis septembre 2001, à New York, Istanbul, Casablanca ou Madrid, ont été perpétrées par ceux qui essaient de creuser un fossé de peur et de méfiance entre l’Europe et le monde arabe. Ils ne doivent pas parvenir à leurs fins. Nous ne saurions envisager un avenir dans lequel la haine d’une minorité d’extrémistes créerait de nouvelles lignes de fracture. La détermination des gouvernements et, surtout, celle des sociétés civiles du bassin méditerranéen doivent les en empêcher. Ces années ont montré combien la coopération entre les deux rives de la Méditerranée était indispensable, et combien notre engagement aux côtés de nos voisins du Sud était essentiel. Tandis que les journaux conjecturaient sur un affrontement entre nos civilisations, le partenariat euro-méditerranéen réalisait des progrès discrets, mais réalistes et concrets, dans la construction de l’édifice euro-méditerranéen qui trouve son origine dans la déclaration de Barcelone. Prenons l’exemple du libre-échange. À une exception près, l’ensemble des pays de la région ont convenu d’un calendrier de réductions tarifaires devant déboucher sur la mise en place d’une zone de libre-échange avec l’Union européenne, ainsi que d’un accord avec la Syrie qui a été conclu et doit encore être signé. Parallèlement à ces progrès en matière d’échanges Nord-Sud, en 2004, le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et la Jordanie ont conclu entre eux un accord de libre-échange qui constitue une étape importante dans la libéralisation du commerce Sud-Sud. Une grande zone de libre-échange, allant de Rabat à Ankara et de Helsinki à Amman, prend forme progressivement. Toutefois, nos politiques ne sont pas seulement commerciales. Le partenariat développé dans le cadre du processus de Barcelone et, plus récemment et de manière plus approfondie, par la politique européenne de voisinage, porte sur les réformes, la promotion de changements progressifs et la transition stable dans les pays disposés à s’engager auprès de l’Union européenne. Une aide est liée à ce partenariat : depuis l’année 2000, la Commission européenne a octroyé un montant de plus de trois milliards d’euros dans la région, et elle fait preuve de plus en plus d’efficacité quand il s’agit d’acheminer l’argent là où il est le plus nécessaire. Au cours des cinq dernières années, nous avons proposé notre coopération à nos partenaires méditerranéens pour les aider à relever les défis de la mondialisation, à moderniser leurs législations, à adapter leurs régimes de protection sociale, à améliorer leurs transports et leurs télécommunications, à réformer leurs systèmes judiciaires ou à promouvoir et à préserver leur patrimoine culturel. La nouvelle fondation euro-méditerranéenne pour le dialogue entre les cultures constituera une démonstration supplémentaire de notre détermination à promouvoir les principes de tolérance et de compréhension mutuelle. Tout cela a été possible parce que nos partenaires méditerranéens ressentent la même nécessité de construire des ponts avec nous. Il existe une nouvelle conscience de l’urgence qu’il y a à relever les défis de la région, de la démographie à l’éducation, en passant par le chômage et l’environnement. Les déclarations faites par des organisations de la société civile à Alexandrie et à Sanaa, et, surtout, par les gouvernements arabes lors du sommet de Tunis de la Ligue arabe en mai de cette année, montrent clairement que la question des réformes n’est pas taboue pour le monde arabe. Certaines mesures, telles que la démocratisation accrue et la participation de la population à la gouvernance, s’avèrent encore difficiles à prendre. Le processus de réformes démocratiques dans les pays méditerranéens a été trop lent et trop modeste, mais ce sont les populations de ces pays qui doivent conduire les réformes, et ce n’est pas à l’Europe qu’il revient de décider du rythme et de l’ordre des changements. La démocratie n’est pas un article de luxe destiné aux pays riches, mais bien la principale matière première grâce à laquelle tant les pays développés que ceux en voie de développement déterminent leur avenir, répondent aux attentes de leurs sociétés et évitent les conflits en respectant les droits des minorités. Nous avons l’espoir que la démocratie, qui est l’un des principes de l’intégration européenne, apportera paix et prospérité au Moyen-Orient et au bassin méditerranéen. Bien évidemment, nous avons aussi besoin de mesures concrètes pour assurer la paix. Nous souhaitons que nos enfants héritent d’une Méditerranée dépourvue d’armes de destruction massive et nous participons à un processus de dialogue intense avec nos partenaires de la région, dans le but de construire une région dans laquelle tous les pays respectent pleinement leurs obligations internationales à cet égard. La paix, la prospérité et la démocratie comptent parmi les composantes de l’édifice euro-méditerranéen qui est en construction. Je suis certain que l’habileté de mon successeur, Mme Benita Ferrero-Waldner, permettra à la Commission de poursuivre son travail de construction avec patience et détermination.
Par Chris Patten,
Commissaire européen chargé des relations extérieures
Un architecte travaillant à la restauration de la Médina de Tunis, un agriculteur marocain trouvant de nouvelles méthodes pour exploiter au mieux ses terres, un professeur d’université jordanien participant à un séminaire en Europe, une ONG algérienne promouvant les droits civiques, un fonctionnaire égyptien...