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Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence à l’USJ sur « le défi euro-méditerranéen : pour un partenariat des deux rives » Pour une mare nostrum une et plurielle (Photo)

Suite à la conférence internationale tenue en 2003 par la Chaire d’anthropologie interculturelle sur le thème « Le dialogue des cultures et la résolution des conflits : les horizons de la paix », l’Université Saint-Joseph organise cette année un colloque autour de la même problématique envisagée néanmoins dans une perspective plus précise. Ainsi, sous le thème du « défi euro-méditerranéen : pour un partenariat des deux rives », les différentes relations entre les pays du pourtour méditerranéen, qui représentent selon le père Sélim Abou, « un défi et un espoir », ont été abordées. «La Méditerranée rassemble des peuples qui se reconnaissent comme riverains, mais ont du mal à cohabiter comme voisins ». Tel est le « paradoxe » que Joseph Maïla, recteur de l’Institut catholique de Paris, a voulu mettre en exergue lors de son allocution hier. Selon lui, les cultures et les civilisations ne dialoguent pas. Ce sont les individus qui dialoguent entre eux, à travers notamment des échanges de natures différentes, les voyages, les médias… Ce n’est donc pas uniquement les accords internationaux ou les traités entre les États qui seront la source du dialogue entre le Nord et le Sud de la Méditerranée, mais la rencontre des diverses sociétés civiles. M. Maïla souligne en outre que, « une et plurielle, la Méditerranée dans l’histoire a été le lieu de trois paradigmes ». Le premier est celui de la connaissance fondée sur un axe commun de pensée, qu’elle soit « l’intuition de l’unité représentée par le monothéisme » ou l’argumentation rationnelle fondée sur la raison. Ainsi, « raison et foi se sont répandues dans l’histoire de l’Orient comme de l’Occident méditerranéens ». Le deuxième paradigme est celui de la puissance. C’est en Méditerranée que les civilisations se sont affrontées à travers le temps dans des moments de ruptures et de choc. Enfin, le troisième paradigme, celui « de la coopération et de l’intégration », pose toutefois une multitude de problèmes à l’heure actuelle pour une « Union européenne qui se fait et un monde arabe qui se défait ». André Laronde, professeur à l’Université Paris IV et membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, s’est, pour sa part, attaché à retracer l’histoire de la Méditerranée antique depuis les Phéniciens, à qui l’on doit le premier échange réel sur les côtes méditerranéennes, à l’Empire de Rome en passant par Alexandre le Grand, jusqu’aux conquêtes arabes. M. Laronde insiste toutefois sur le fait que, malgré les dominations politiques successives, la mare nostrum ( nom donné par les Romains à la Méditerranée) a toujours eu un caractère multiculturel illustré par un échange permanent entre les différentes cultures. De son côté, Henry Laurens, professeur au Collège de France, esquisse le rôle géopolitique de la Méditerranée à partir du XVIe siècle, période à laquelle le bassin méditerranéen devint un espace économique vital pour l’Europe et, par conséquent, un enjeu de rivalité. Ces nouvelles puissances industrielles joueront un rôle primordial dans la modification du paysage méditerranéen, surtout avec le colonialisme en Afrique du Nord, l’introduction de l’idée de nationalisme dans les Balkans et enfin avec le mouvement de réformes enclenché par certains pays pour survivre. L’Europe, synonyme de modernité, étendra peu à peu son influence à toute la Méditerranée, conclut M. Laurens. Un foyer d’instabilité C’est autour de l’idée de « puissance » que Bertrand Badie, professeur des universités à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP), a articulé son analyse. Tout en soulignant la difficulté d’un politologue à analyser « une situation non close », par rapport aux historiens, qui analysent des « situations closes », M. Badie a expliqué que si « la Méditerranée était un espace de puissance, elle est devenue aujourd’hui un foyer d’instabilité ». « Aujourd’hui, affirme M. Badie, la puissance devient incertaine, parfois même impuissance ». Pour lui, « la domination cherche tout naturellement à s’exercer dans les espaces de rupture ou de fracture ». La partie orientale du bassin méditerranéen illustre le mieux cette instabilité née après la fin de l’ère de la bipolarité et l’avènement de l’unipolarité. Cette situation inédite a considérablement affaibli le rôle des États au Proche-Orient, qui se protégeaient naguère derrière l’une ou l’autre puissance créant un certain équilibre. Aujourd’hui, face à l’impuissance ou à l’indifférence des États, la violence étatique se transforme en une violence sociale. Une situation on ne peut plus dangereuse, car celle-ci se concrétise pratiquement par le terrorisme qui devient incontrôlable. M. Badie explique enfin les raisons du mauvais fonctionnement de l’intégration sociale : l’aliénation, c’est-à-dire l’échec de l’occidentalisation, l’anomie, qui consiste en une absence de règles sociales communes, l’humiliation, « qui tend à se construire sur une inégalité postulée », et l’échec du processus de redistribution, créant un « déficit criant de développement humain ». La deuxième partie du colloque, intitulée « La Méditerranée, des Méditerranées », est consacrée, selon père Abou, à la diversité des traditions culturelles des pays méditerranéens. L’ancien recteur de l’USJ affirme d’abord que le processus de Barcelone part du principe d’une politique européenne de voisinage fondée sur l’État de droit, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme, en plus de son volet économique. Après avoir brossé rapidement l’historique et les caractéristiques des trois espaces religieux, juif, chrétien et musulman, du bassin méditerranéen, le père Abou s’arrête sur les résistances de certains pays du sud et de l’est de la Méditerranée à s’engager en faveur du respect des droits de l’homme. Cette résistance est fondée sur la mise en cause des origines et des fondements des droits de l’homme : sont-ils religieux ou laïcs ? Or, selon le père Abou, ce malaise occulte le déficit de modernité du sud et de l’est méditerranéens illustré par un écart de plus en plus grand du niveau de vie entre le Nord et le Sud, se doublant d’un déficit de démocratie. La résistance de ces pays s’accompagne généralement d’une demande d’adaptation des droits de l’homme à leur culture. Le père Abou énumère toutefois les améliorations enregistrées dernièrement telles que l’interdiction de l’excision et du crime d’honneur, tout en affirmant qu’il reste beaucoup à faire dans les domaines de la liberté religieuse et de la liberté d’expression. Il conclut en lançant une mise en garde contre deux dangers : d’abord que l’Europe se contente de s’intéresser uniquement au volet économique, ensuite que les relations se cantonnent au niveau étatique sans atteindre la société civile. Antoine AJOURY
Suite à la conférence internationale tenue en 2003 par la Chaire d’anthropologie interculturelle sur le thème « Le dialogue des cultures et la résolution des conflits : les horizons de la paix », l’Université Saint-Joseph organise cette année un colloque autour de la même problématique envisagée néanmoins dans une perspective plus précise. Ainsi, sous le thème du « défi...