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Actualités - interview

Le député UMP s’expliquera aujourd’hui devant l’Assemblée nationale sur sa mission visant à la libération des otages français Didier Julia à « L’Orient-Le jour » : « Je rapporte des documents, des choses qui n’ont pas encore été dites »

Il y a quelques jours encore, Georges Malbrunot et Christian Chesnot étaient les deux principaux et malheureux acteurs du dossier des otages français en Irak. Le 1er octobre, le député français de l’UMP, Didier Julia, entrait en scène et leur volait la vedette. Se présentant comme un émissaire indépendant, il laissait entendre, d’abord à Beyrouth puis à Damas, que la libération des deux journalistes était proche. De rebondissements en manipulations, l’affaire a pourtant tourné au fiasco. Aujourd’hui, le député se retrouvera devant ses collègues de l’Assemblée nationale pour s’expliquer et se dépêtrer d’une affaire mêlant réseaux souterrains, marchands d’armes et intérêts ivoiriens. À l’aéroport de Beyrouth, à quelques minutes de son départ pour Paris où il doit intervenir aujourd’hui devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Didier Julia affichait une mine sereine hier. « Je n’appréhende pas ce retour. Je vais présenter mes arguments et écouter ceux de Michel Barnier (le ministre français des Affaires étrangères). Je rapporte des documents, ce sont des faits, des choses qui n’ont pas encore été dites », assure-t-il. Le député UMP devrait pourtant passer quelques heures houleuses à l’Assemblée dont plusieurs membres ont vertement critiqué son initiative privée et très médiatisée visant à libérer les otages français. Face à la crise suscitée par la mission Julia, le gouvernement a d’ailleurs tenu hier soir une réunion extraordinaire. Plus tôt le porte-parole de l’UMP qualifiait de « farce tragique » la « mission » parallèle, alors que le porte-parole de la présidence précisait pour sa part que l’Élysée n’avait ni approuvé ni soutenu l’initiative de M. Julia. Le Monde soulignait de son côté, dans son édition datée du 5 octobre, que les autorités françaises étaient au courant de l’initiative du député frondeur. M. Julia se sent-il lâché par les siens ? « La question n’est pas là, explique-t-il. Tout est variable, un jour vous êtes jeté aux orties, le lendemain porté au pinacle. » Nombreux sont ceux qui lui ont reproché d’avoir mis en jeu la vie des otages. Hier encore, une source anonyme proche du dossier à Bagdad affirmait à l’AFP que l’intervention de Julia avait perturbé le processus de libération des otages. « C’est grotesque, stupide, lâche M. Julia. Je ne vois pas en quoi j’aurais mis la vie des otages en jeu en essayant de les faire sortir ! » Reste que la mission Julia comporte de larges zones d’ombre. Le Monde en met d’ailleurs certaines en lumière. Derrière la mission de bonne volonté apparaissent alors un marchand d’armes, aujourd’hui fâché avec M. Julia, des réseaux arabes (M. Julia entretient depuis 20 ans des relations avec l’Irak, et son partenaire, Philippe Brett, ex-commando de marine, est cofondateur d’une structure de lobbying qui officiait sous Saddam Hussein) et des réseaux franco-africains. C’est d’ailleurs dans un avion du président ivoirien, Laurent Gbagbo, obtenu en seulement quelques heures, que le député UMP a effectué plusieurs voyages à Amman dans le cadre de sa mission. Plusieurs mensonges ont, en outre, été mis en évidence dans les déclarations du député. Alors que son adjoint, Philippe Brett, affirmait vendredi dernier donner une interview à Europe 1 à partir de l’Irak, le traçage de son téléphone portable révélait qu’il se trouvait dans la banlieue de Damas. Une fin de non-recevoir a d’ailleurs été opposée aux journalistes demandant à voir le passeport de M. Brett pour vérifier si celui-ci, présent samedi soir à Damas, avait effectivement passé la frontière syro-irakienne. « J’ai les photocopies des tampons des visas, affirme aujourd’hui M. Julia. Et que M. Brett ne veuille pas montrer son passeport est compréhensible : le passeport, vous ne le voyez plus une fois que vous le donnez à tout le monde. » Que répond-il aux journalistes qui se sont sentis manipulés par son groupe ? « Je n’ai convoqué personne dans cette affaire. Les journalistes sont venus et ont suivi les événements. » Interrogé sur le sort des otages, M. Julia reconnaît aujourd’hui « ne pas savoir exactement où ils sont ». Le fait qu’il ait entretenu des relations avec l’Irak de Saddam Hussein signifie-t-il que les otages français sont aux mains d’anciens baassistes ? « Vous trouvez de tout dans la résistance irakienne. Et je vous signale qu’en France, nous avons eu d’anciens pétainistes, comme Mitterrand, qui sont devenus membres de la Résistance, et ce n’était pas dramatique de passer de l’un à l’autre. » « Je ne suis utilisé par personne » Le Journal du dimanche, citant des experts français, a par ailleurs souligné que le député UMP aurait été utilisé par les services de renseignements syriens, Damas voulant faire payer à Paris son implication dans l’élaboration de la résolution 1559 critiquant la Syrie. « Je ne suis utilisé par personne, soyez tranquilles ! » affirme-t-il. Reste, après quatre jours d’une mission rocambolesque, le fiasco de la mission Julia. Un échec que le député attribue aux bombardements américains. Une accusation démentie par Washington et également critiquée à Paris. Didier Julia et son équipe ont créé « une nouvelle crise avec Washington à un moment où ce n’est peut-être pas franchement utile », regrettait hier Pierre Lellouch, député de l’UMP. M. Julia reste toutefois ferme sur ses positions. La responsabilité américaine est « indiscutable », martèle-t-il. « Ils ont bombardé au moment où Brett se trouvait avec les otages. » Interrogé sur le lieu exact où étaient détenus les otages, M. Julia répond, laconique : « Vous voulez la maison ? Les six maisons qu’ont habitées les otages ont déjà été détruites par l’aviation américaine. S’il y en a une septième, ils ne la rateront pas. » Si l’on suivait cette logique, les bombardements américains seraient donc intentionnels ? « C’est vous qui le dites. Personnellement, je constate simplement que chaque fois que les Américains ont l’impression que les otages sont quelque part, ils pilonnent. » M. Julia laisse également poindre une certaine exaspération sur le constat d’échec de sa mission. « Nous travaillons sur le terrain depuis quatre jours, et on parle d’échec (la mission avait débuté il y a trois semaines à Amman, mais M. Julia souligne qu’il ne s’agissait que « de rassembler des informations »). La mission officielle a débuté depuis plus de 40 jours, et pour eux on ne parle pas d’échec ! » Émilie SUEUR
Il y a quelques jours encore, Georges Malbrunot et Christian Chesnot étaient les deux principaux et malheureux acteurs du dossier des otages français en Irak. Le 1er octobre, le député français de l’UMP, Didier Julia, entrait en scène et leur volait la vedette. Se présentant comme un émissaire indépendant, il laissait entendre, d’abord à Beyrouth puis à Damas, que la libération...