Des journalistes et des hommes avant tout

Magnifique, cette mobilisation pour les deux journalistes français enlevés en Irak. Exemplaires ces condamnations venues du monde entier, et notamment des régions arabes et musulmanes. Monde politique, associations, organisation, chaînes de télévision : la défense de Georges Malbrunot et de Christian Chesnot a pris une rare ampleur. De cette mobilisation, nous ne pouvons que nous réjouir et espérer qu’elle porte ses fruits. Car finalement, ces deux professionnels de l’information ne faisaient que leur travail en Irak. Comme Enzo Baldoni, qui en est mort il y a quelques jours seulement. Assassiné par les mêmes islamistes qui menacent aujourd’hui les deux Français. Enzo Baldoni dont la funeste aventure avait été médiatisée certes, mais qui n’avait pas bénéficié d’un tel soutien international et surtout arabe. Quelle est donc la différence entre M. Baldoni, et MM. Chesnot et Malbrunot ? Ils sont tous trois journalistiques, tous trois professionnels, tous trois dévoués à la quête de la vérité, à la dénonciation des abus et des souffrances des Irakiens. M. Baldoni avait même poussé son engagement jusqu’à aider la Croix-Rouge à faire parvenir des vivres et des médicaments à Najaf. Certes, Paris a, fort à propos, lancé une grande offensive médiatique. Mais la différence entre l’Italien et les deux Français tient surtout à leur nationalité, ou plutôt à la ligne politique adoptée par leurs gouvernements respectifs. Au sein du monde arabe, la France bénéficie d’une image positive : soutien à la cause arabe en général, palestinienne en particulier, opposition à la guerre américaine contre l’Irak. L’Italie de Berlusconi, elle, a décidé d’envoyer des troupes en Irak aux côtés des GI. Voilà la différence qui a perdu Baldoni. Baldoni l’Italien dont l’équipe de football a joué contre l’Irak aux Jeux olympiques d’Athènes. À l’époque, on aurait aimé entendre le Conseil des ambassadeurs des pays arabes, l’Organisation de la conférence islamique, l’Observatoire islamique ou même al-Jazira dénoncer l’assassinat d’Enzo Baldoni, un Italien certes, mais un journaliste et un homme avant tout. Émilie SUEUR