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Elle participe au Forum régional arabe de la femme qui se tient à Beyrouth L’Irakienne Rajaa Habib Khouzaï, une femme d’une autre trempe(photo)

La cinquantaine, de grands yeux bleu-gris et un léger voile rouge et blanc sur la tête. Rajaa Habib Kouzaï est une femme d’une autre trempe. Membre de l’ancien Conseil du gouvernement provisoire – mis en place à l’issue de l’occupation américaine de Bagdad –, Rajaa a pris sa revanche sur les années vécues sous le régime de Saddam Hussein. Tenace et fière, elle est à l’image de beaucoup d’Irakiens qui ont observé un profil bas sous le régime de Saddam. Pour L’Orient-Le Jour, Rajaa Khouzaï, première femme directrice d’un hôpital en Irak, a raconté son histoire et ses souvenirs sous le régime de Saddam. Elle participe au Forum régional arabe de la femme, organisé par l’Escwa et qui se tient à Beyrouth. « Tout a commencé en 1977, je rentrais avec mon mari au pays, les soldats nous ont arrêtés à la frontière, prétendant que l’on était recherchés par la justice », relève-t-elle. « J’avais deux enfants sur les bras », dit-elle. Rajaa rentrait avec sa petite famille de Londres, où elle séjournait depuis 1971 pour suivre des études en gynécologie. Remise en liberté, elle intègre – avec son époux chirurgien – l’hôpital de sa ville natale de Diwanié, au sud de Bagdad. En 1983, elle perd deux de ses frères, exécutés par le régime. « Je suis l’aînée de la famille ; le plus jeune avait 22 ans, on m’a remis son corps dans la nuit avec une circulaire m’obligeant à l’enterrer avant l’aube et à ne pas porter le deuil… à ne pas en parler. J’ai suivi les directives et le lendemain je me suis rendue, comme d’habitude, le visage maquillé, à l’hôpital », dit-elle. Vingt et un ans plus tard, Khouzaï évoque son frère avec les larmes aux yeux. Pourquoi n’a-t-elle pas décidé de plier bagage et de partir ? N’avait-elle pas travaillé à l’hôpital de Westminster à Londres avant de rentrer au pays ? La question la surprend, elle écarquille les yeux et répond : « J’aime l’Irak, mon pays ; malgré tout ce que j’ai enduré, je n’ai jamais voulu m’établir ailleurs. » Elle évoque la torture, les peines infligées aux opposants... des cas qu’elle traitait à l’hôpital. « Mon troisième frère est mort en août 1990. Il était obligé d’aller à la guerre. Le pouvoir nous avait dit qu’il avait été électrocuté. Je suis médecin, je l’ai vu, son corps était intact, il n’y avait aucune trace d’électrochoc », raconte-t-elle. Juste avant la guerre, elle est nommée directrice générale de l’hôpital où elle avait été en charge, des années durant, du service gynécologique. « J’étais la première femme dans tout l’Irak à occuper un tel poste », dit-elle fièrement. Et elle ajoute, sarcastique : « Les baassistes avaient besoin de moi. » Rajaa Khouzaï relève le défi. La guerre du Koweït éclate et il fallait parer aux urgences, distribuer des masques à gaz, s’occuper des blessés, soutenir les familles des victimes et surtout économiser... « même les fils qu’on utilisait pour les points de suture », dit-elle. Les années passent. Après la libération de l’Irak, Rajaa reçoit un coup de fil des Américains. « Ils voulaient m’interviewer, j’y suis allée », raconte-t-elle, se souvenant : « Ils m’ont posé des questions de toutes sortes, par exemple, “es-tu familière avec la démocratie ?” » Elle répondra par : « Bien sûr, j’ai vécu durant six ans au Royaume-Uni. » Elle aura le droit de poser une seule question. Elle demande alors : « Pourquoi suis-je ici ? » « Vous êtes une femme de caractère », lui dit-on. Une semaine plus tard, on l’informe qu’elle aura une place au Conseil du gouvernement provisoire. « ça les arrangeait. Les Américains voulaient représenter tous les clans ; non seulement je viens d’une grande tribu, je suis aussi une femme », indique-t-elle. Rajaa Khouzaï a récemment tenu tête à d’autres membres du gouvernement provisoire, s’opposant à une loi discriminatoire envers les femmes. Elle a remporté cette bataille. Elle est actuellement membre du comité consultatif pour l’organisation des prochaines élections et s’occupe d’une association qu’elle a fondée, en 2003, à l’intention des jeunes veuves. Et de conclure : « Même si j’ai vécu les années les plus sombres de ma vie sous le régime de Saddam, je n’ai jamais oublié la place que l’Irak avait occupée dans le monde arabe avant l’arrivée du Baas au pouvoir, encore moins la civilisation chargée d’histoire à laquelle j’appartiens. » C’est ce qui lui a probablement donné du courage. Patricia KHODER
La cinquantaine, de grands yeux bleu-gris et un léger voile rouge et blanc sur la tête. Rajaa Habib Kouzaï est une femme d’une autre trempe. Membre de l’ancien Conseil du gouvernement provisoire – mis en place à l’issue de l’occupation américaine de Bagdad –, Rajaa a pris sa revanche sur les années vécues sous le régime de Saddam Hussein. Tenace et fière, elle est à...