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Actualités - REPORTAGE

Développement - Le diplomate en tournée au Liban-Sud Patrick Renauld visite les bénéficiaires des projets financés par l’UE

L’idée n’est pas nouvelle, mais le défi est de taille : aider les populations à faibles revenus à améliorer leurs conditions de vie et surtout à se familiariser avec la culture des affaires et les outils de la gestion moderne. Une tâche à laquelle s’est attelée la délégation de la Commission européenne au Liban depuis plusieurs années en démarchant les petits entrepreneurs du Liban-Sud et du Liban-Nord dans le cadre d’une politique de soutien à toute initiative de développement économique. En octroyant des microcrédits et des prêts à tous les candidats désireux de faire fructifier leurs revenus ou d’agrandir leur entreprise, l’UE a voulu contribuer à la création d’emplois tout en inculquant une culture de rationalisation économique aux personnes pleines de bonne volonté mais qui sont peu ou pas préparées à la gestion quotidienne de leurs affaires. C’est dans ce cadre que s’inscrit la visite du chef de la délégation de la Commission européenne au Liban, Patrick Renauld, qui a visité mardi les bénéficiaires des projets financés par l’UE, en compagnie de plusieurs experts de la Commission. Accompagné d’un groupe de journalistes, le diplomate s’est rendu d’abord à Tyr, où il a visité deux bénéficiaires du projet de « Réinsertion économique au Liban-Sud », mis en œuvre par l’association Aide au développement rural. Réalisé entre 1999 et 2002, ce projet visait à octroyer des crédits pour développer des opportunités de travail en intensifiant la participation des femmes à la vie économique. Rou’aya Istambouli Chahine est mère de six enfants. Elle gère depuis près de vingt ans une petite boulangerie artisanale à Hay el-Joura, au centre de Tyr. Grâce à un microcrédit de 3 000 euros qu’elle a pu obtenir de l’UE, elle a réussi à acquérir un nouveau matériel et à réparer son pétrin. Spécialisée dans la confection des galettes pour knafé, Rou’aya a réussi trois ans plus tard à rembourser son microcrédit avec un intérêt dégressif de 12 %. Aujourd’hui, elle affirme fièrement « avoir doublé mon revenu, embauché trois distributeurs et marié cinq de mes enfants ». Une réussite qui l’encourage désormais à agrandir sa boulangerie et à diversifier sa production. À l’instar de plusieurs autres bénéficiaires de Tyr, Rou’aya a su faire bon usage de la somme modique obtenue, notamment grâce au soutien d’une ONG locale qui lui a prodigué les conseils et le suivi nécessaires pour l’expansion de son entreprise artisanale. Majed Mahmoud Bawab, lui, est pêcheur. À l’instar de ceux qui pratiquent ce métier, il n’arrivait plus à joindre les deux bouts, surtout après que sa barque eut coulé. Animé d’une détermination à toute épreuve, il décide de reconstruire une nouvelle embarcation avec l’aide de ses frères, un projet qui lui coûte 25 000 $. Il obtient 3 000 euros sous forme de microcrédit. Un coup de pouce qui l’encourage à élargir ses horizons en convertissant son bateau au tourisme durant l’été. Incapable de dire dans quelle proportion il a pu améliorer ses revenus, le pêcheur sait en tout cas qu’à ce stade, il n’a pas encore pu amortir les 30 % de son investissement. Mais il n’abdique pas pour autant et espère arrondir ses fins de mois en amenant les groupes d’écoliers en randonnée de mer. Convaincu que Bawab est sur la bonne voie, M. Renauld lui a assuré qu’une fois le prêt remboursé, il pourra envisager un autre investissement, en achetant notamment une seconde et peut-être même une troisième barque. Pour le diplomate, bien que ces microcrédits soient ponctuellement bénéfiques, ils restent insuffisants pour résoudre le problème de fonds auquel fait face la majorité des pêcheurs, qui n’ont ni les moyens ni la formation nécessaires pour moderniser leurs techniques de pêche. Pour l’UE, l’objectif d’octroyer 412 microcrédits sur une période de trois ans a été atteint. Le montant des crédits variait entre 250 et 3 500 euros, à un taux régressif de 12 %. Aujourd’hui, le projet est devenu un fonds rotatif qui continue à fonctionner et à profiter à d’autres initiatives, ce qui assure sa durabilité. L’UE a consacré à ce projet un budget de 340 000 euros, et l’association Aide au développement rural a conclu un partenariat avec la Banque Audi, qui participe au projet à hauteur du même montant. Même principe mais exécuté avec des modalités différentes, le projet « Fonds de développement économique et social » a également eu son lot de bénéficiaires dans les différentes régions du Liban-Sud, notamment à Nabatiyé, où s’est aussi rendu le diplomate européen. Financé par l’UE à concurrence de 25 millions d’euros et par le gouvernement libanais qui a contribué pour la somme de 6 millions d’euros, le projet comprend une composante dite « création d’emplois » (12 millions d’euros) qui, comme son nom l’indique, vise à octroyer des prêts aux petites entreprises en multipliant localement les opportunités de travail. C’est le cas par exemple de Mona Olleik, qui a eu l’idée de créer une crèche à Nabatiyé, une idée favorablement accueillie par les bailleurs de fonds et par l’ICU (Istituto per la Cooperazione Universitaria), une ONG de soutien qui pilote les projets sur place en offrant notamment des services de développement d’entreprises aux bénéficiaires des crédits. Ces derniers reçoivent ainsi un appui dans le développement de leur plan d’affaires, ce qui leur donne de meilleures chances de réussite. C’est d’ailleurs en suivant leur conseil que Mme Olleik, une jeune femme de 38 ans, pourra espérer rembourser à temps son prêt de 18 millions de livres libanaises et agrandir sa crèche, qui emploie maintenant 5 personnes spécialisées, dont deux jardinières, une infirmière et une « maman » pour les tout-petits. Conçue dans l’esprit d’une garderie moderne, La Crèche des kangourous est un exemple réussi d’entreprise gérée par une femme et placée au service d’autres femmes, puisqu’elle accueille près de 30 enfants dont les mères exercent une profession à plein-temps. Divisée par thèmes et par sections d’activités, la crèche offre aux enfants qui ont entre 2 mois et 4 ans des ateliers de jeux et d’éducation pour les occuper en même temps qu’un supplément pédagogique. Dans ce projet, les crédits sont gérés par la Société générale de banque au Liban (SGBL). Le montant des prêts varie de 6 à 30 millions de LL, avec remboursement sur une période de 5 ans à un taux d’intérêt (pour le client) de 12,75 % régressif pour une nouvelle entreprise, et 10,75 % pour le développement d’une entreprise existante. C’est ce que paie actuellement Abbas Nehmé, un fermier de Nabatiyé qui, grâce à un prêt de 13 millions de LL, a pu s’acheter 6 autres vaches et employer une personne supplémentaire. Avec une production qui a atteint aujourd’hui près de 150 litres de lait par jour, Abbas espère d’ici à quelques années pouvoir acquérir jusqu’à 25 vaches. Pour Nadim Moujaès, responsable du projet au sein de la SGBL, cette initiative est d’autant plus importante qu’elle a donné à des couches sociales très défavorisées l’accès au crédit, chose qui était impossible auparavant. Outre l’impact économique immédiat sur le niveau de vie des bénéficiaires, le projet a permis de familiariser une certaine catégorie sociale avec les opérations bancaires et la gestion de leurs comptes. « Il faut savoir que la notion de crédit reste, dans certains milieux libanais, un thème tabou. Grâce à ce projet, l’équipe a réussi à introduire une nouvelle culture qui ne pourra que profiter à long terme à ses bénéficiaires », a-t-il affirmé. Pour M. Renauld, ces réussites individuelles et ponctuelles sont certes louables, mais leur impact reste localisé géographiquement. « Toute initiative d’aide doit désormais s’inscrire dans le cadre d’une stratégie nationale de développement social qui permet de situer tout projet dans le temps en lui assurant une certaine pérennité », a souligné le diplomate, en indiquant que les grands donateurs tels que la BM et l’UE rechignent désormais à financer des projets par thèmes sectoriels. « Ils s’intéressent par contre à des projets qui sont le fruit d’une vision stratégique et globale du développement », a expliqué le diplomate. C’est à ce débat qu’est d’ailleurs invité aujourd’hui le ministre des Affaires sociales, Assaad Diab, et les responsables du CDR qui doivent, en collaboration avec l’UE, définir les grandes lignes de cette stratégie nationale. Un rendez-vous à ne pas manquer. Jeanine JALKH
L’idée n’est pas nouvelle, mais le défi est de taille : aider les populations à faibles revenus à améliorer leurs conditions de vie et surtout à se familiariser avec la culture des affaires et les outils de la gestion moderne. Une tâche à laquelle s’est attelée la délégation de la Commission européenne au Liban depuis plusieurs années en démarchant les petits entrepreneurs du...