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État des lieux de l’agriculture libanaise (1re partie) Homme, terre, capital : trois facteurs de production en crise

Par Riad Fouad Saadé * La politique d’un secteur correspond au système de gouvernement de ce secteur visant à optimiser l’exploitation de ses ressources, d’abord dans l’intérêt de ceux qui y travaillent et toujours dans le cadre de l’intérêt national. Normalement, cette politique fait l’objet d’une « loi d’orientation » étudiée et votée par les élus du peuple. L’orientation saine d’un secteur est conçue à partir d’options sociales et des ressources naturelles locales ou importées. Sur le plan des options sociales, quelle société envisage-t-on pour le secteur agricole ? Au lendemain de la guerre, le Liban disposait d’une occasion unique de se reconstruire. Mais après 13 ans de « reconstruction », force est de constater qu’il n’existe pas une vision unique et raisonnée pour la société libanaise à partir de laquelle nous pourrions définir la société agricole et rurale. Celle-ci est largement marginalisée, presque oubliée dans les programmes collectifs de développement du pays. Sur le plan des ressources : l’agriculteur libanais naît dans un environnement naturel sain et dans un milieu qui, en général, a préservé les valeurs culturelles et le respect du patrimoine. Cependant, le cadre de son développement a souffert de l’absence chronique des services minimum qui reviennent de droit au monde rural (éducation, santé, communication, loisirs etc.). Par ailleurs, les producteurs ont été traditionnellement privés d’un encadrement officiel technique valable et d’un support économique adéquat, tous deux destinés à les maintenir à jour pour une meilleure rentabilisation de leur activité. La proximité des villes a très tôt encouragé un exode rural naturel qui a été accentué par la crise continue que connaît l’agriculture libanaise depuis le début des années 1970. Ce sont principalement les jeunes qui partent laissant leurs parents vieillissants exploiter la terre. Le Liban dispose donc d’une population agricole ignorée des pouvoirs publics et ayant – dans sa grande majorité – rompu avec le progrès depuis plus de 30 ans. Si le Liban ne dispose pas de vastes superficies de terres agricoles, il bénéficie d’une richesse rare dans la région : l’eau. L’absence d’un plan d’aménagement du territoire et, partant, d’un plan d’occupation des sols, a livré la terre libanaise à la conception urbaine de la gestion du foncier. Cette attitude devient très grave dans un pays surpeuplé et dont les habitants sont limités à certaines zones par suite du relief montagneux. Il n’est donc pas surprenant d’avoir assisté depuis le milieu du XXe siècle à la disparition progressive des meilleures terres alluvionnaires des plaines côtières, jadis berceau d’une agriculture florissante. La préservation des orangeraies et autres oliveraies remplacées par une forêt immonde de béton aurait doté l’environnement de la côte libanaise d’un cadre unique à l’heure où le pays s’oriente irréversiblement vers une activité de services. Le même phénomène menace sérieusement les terres fertiles de la Békaa et celles du Akkar. Quant à l’eau, son abondance saisonnière ne vaut que par une gestion intelligente des réserves à constituer en saison de pluies et par la création d’un réseau de distribution adéquat, deux aspects dont l’absence est dramatique au Liban. Mais les bonnes terres agricoles libanaises rétrécissent comme une peau de chagrin devant l’avance sauvage du béton alors que le pays continue à souffrir d’une mauvaise gestion de l’eau. Nerf de toute activité économique, le capital a déserté le secteur agricole libanais qui s’est progressivement très appauvri. Aux dommages et pertes de guerre s’ajoutent les pertes saisonnières cumulées par les producteurs. Le secteur bancaire a depuis longtemps réduit ses crédits à l’agriculture sous la barre des 1 % du total de ses prêts. En amont, les sociétés d’intrants échaudées par des crédits inconsidérés entre 1992 et 2000 limitent leurs crédits de campagne. En aval les canaux de commercialisation mis en quasi-faillite par le revers monétaire d’août 1992, n’interviennent presque plus pour financer l’agriculteur. La Banque nationale pour le développement agricole créée en 1977 puis renflouée en 1995 n’existe encore que sur le papier. Les ONG de microcrédit ont un impact très limité alors que nombre de prêts obtenus auprès de Kafalat sont utilisés par l’agriculteur pour couvrir d’anciennes dettes plutôt que pour exécuter le projet du dossier présenté. En l’absence de carburant, il est difficile dans ces conditions d’envisager de faire tourner le moteur de l’agriculture. Ainsi les facteurs de production : homme, terre et capital représentent dans leur situation actuelle un sérieux handicap au développement de l’agriculture libanaise. * Directeur général du Centre libanais de recherches d’études agricoles .
Par Riad Fouad Saadé *

La politique d’un secteur correspond au système de gouvernement de ce secteur visant à optimiser l’exploitation de ses ressources, d’abord dans l’intérêt de ceux qui y travaillent et toujours dans le cadre de l’intérêt national. Normalement, cette politique fait l’objet d’une « loi d’orientation » étudiée et votée par les élus du peuple....