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Actualités - OPINION

TRIBUNE Agadir: la voie de la prospérité

Par Chris Patten * Les Européens ont tiré au moins un enseignement clair de l’histoire de l’après-guerre, à savoir qu’ils ont réussi à préserver la paix et à engendrer la prospérité en créant des partenariats et en mettant en place un marché commun libéralisé. Ces réussites découlent de l’exécution d’un projet novateur d’intégration économique sous-tendant une intégration politique plus poussée. De l’Union douanière des années 60 à l’Union monétaire européenne et à un dispositif naissant de politique extérieure et de sécurité commune, un processus s’étendant sur 40 années a apporté la paix, la stabilité et la prospérité en Europe. Tout a commencé par la décision d’un groupe de six pays de mettre en commun leurs ressources en charbon et en acier mais, à l’issue d’une évolution progressive, dès le 1er mai 2004, ce sont 25 pays de l’Europe de l’Ouest, du Nord, de l’Est et du Sud qui auront uni leur destin dans un projet sans précédent qui renforcera encore leur cohésion, tant politique qu’économique. En 1995, les membres de l’Union européenne se sont efforcés d’étendre leur expérience d’une paix réalisée par la prospérité et par la liberté à leurs partenaires méditerranéens, en signant ensemble la déclaration de Barcelone. Le partenariat euro-méditerranéen qui en est issu a conféré une dimension politique à l’ambition partagée de 27 pays de créer une zone méditerranéenne paisible et prospère, en proposant un partenariat entre pays souverains et entre citoyens désireux – et non contraints – d’engager un vaste processus impliquant réformes, résultats, défis et possibilités. Aujourd’hui, à Agadir, quatre pays arabes méditerranéens – l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie – comptent signer un accord de libre-échange, témoignage de leur volonté politique de flanquer le partenariat euro-méditerranéen d’un nouveau pôle austral et d’insuffler une nouvelle dynamique à l’objectif consistant à réaliser le libre-échange à l’échelle de l’ensemble des partenaires méditerranéens du Sud d’ici à 2010. En conjuguant leurs efforts dans un projet commun de développement économique, les quatre parties signataires établiront un marché englobant à la fois le Maghreb et le Machrek, regroupant plus de 100 millions de personnes et réalisant un produit intérieur cumulé de près de 150 milliards d’euros. La zone bénéficiera d’un accès en exonération des droits pour la totalité de ses produits industriels à un marché communautaire qui, après l’élargissement, comptera 455 millions d’habitants et réalisera un PIB de 9 500 milliards d’euros. Ce nouveau marché méditerranéen intégré attirera des flux substantiels d’investissement européen qui seront source d’emplois ardemment souhaités et de stimulation de la croissance économique. À mesure que ces avantages commenceront à se concrétiser, j’ai la conviction que d’autres pays méditerranéens prendront conscience des possibilités d’une intégration intrarégionale comme instrument de progrès économique, et qu’ils adhéreront à l’accord d’Agadir, ce qui en fera les membres d’une zone ouverte et coopérative, dotée des mêmes règles d’origine. De même que l’intégration économique a été le point de départ de l’Union européenne, l’accord de libre-échange conclu entre les pays méditerranéens devrait être, lui aussi, le fondement d’un projet plus ambitieux, augurant d’un avenir prospère, fondé sur la compréhension et la tolérance mutuelles entre populations de cultures et de traditions différentes. L’Europe a appris par expérience que l’intégration économique peut produire un partenariat durable créateur de paix, et que l’intégration régionale permet de constituer un ensemble plus puissant que la somme des parties qui le composent. Parallèlement au soutien accordé à l’initiative d’Agadir, l’UE compte mettre au point des modalités plus sophistiquées pour porter au-delà de ses frontières la stabilité, la sécurité et la prospérité dont elle jouit. C’est le souci qui anime l’initiative de l’Europe élargie, lancée en mars 2003. Notre objectif est de définir une politique qui propose à nos voisins de progresser dans la réalisation des quatre libertés fondamentales de l’UE : la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes en échange de réformes politiques et économiques tangibles qui sont attendues d’eux, pour leur propre bénéfice. Nous souhaitons mettre en œuvre avec chacun de nos voisins, sur la base de notre expérience et des obligations que nous avons contractées, des plans d’action concertés qui exposent le projet que nous entendons mener à bien ensemble. Ibn Khaldoun, un des plus grands historiens et spécialistes des sciences sociales, a écrit, il y a plus de 600 ans, que « la civilisation et la prospérité dépendent de la productivité et des efforts, déployés dans toutes les directions, de personnes conscientes de leur intérêt et soucieuses de leur profit». L’éloge ainsi porté à l’initiative individuelle n’a cependant pas toujours été de mise, de même que les idées des pères fondateurs de l’intégration européenne ont rencontré le scepticisme de bon nombre de leurs contemporains. L’Union européenne d’aujourd’hui est toutefois la preuve que la coopération régionale débouche sur la paix et la prospérité. La conclusion de l’accord d’Agadir offre aux pays méditerranéens la possibilité d’étoffer cette preuve. * Commissaire européen chargé des relations extérieures.
Par Chris Patten *

Les Européens ont tiré au moins un enseignement clair de l’histoire de l’après-guerre, à savoir qu’ils ont réussi à préserver la paix et à engendrer la prospérité en créant des partenariats et en mettant en place un marché commun libéralisé. Ces réussites découlent de l’exécution d’un projet novateur d’intégration économique sous-tendant une...