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Actualités - CHRONOLOGIE

Les dépouilles de soixante combattants martyrs remises au Liban De Naqoura à Ouzaï, le Hezbollah savoure sa victoire

La Croix-Rouge internationale a remis hier, au poste frontière de Naqoura, soixante dépouilles mortelles aux autorités libanaises et au Hezbollah. Il s’agit de combattants martyrs anti-israéliens, libanais pour la plupart appartenant à divers mouvement de résistance, notamment le Parti communiste libanais (23 dépouilles mortelles), le mouvement Amal (7), le Hezbollah (6), le Fateh, la Saïka, le FDLP et le FPLP. C’est une brève cérémonie qui s’est tenue à Naqoura. Mais il a fallu exactement cinq heures pour que le convoi transportant les dépouilles mortelles arrive à la banlieue sud. Hier aussi, le Hezbollah a tenu à crier sa victoire. L’entrée de la localité de Naqoura, une heure avant l’arrivée des dépouilles mortelles. Les commandos du Hezbollah, habillés de noir, vérifient à plusieurs reprises, sous les yeux de l’armée libanaise – discrètement présente sur place – l’identité de ceux qui pourront franchir ce qui formait, il y a un peu plus de trois ans, « la porte de Naqoura ». À quelques dizaines de mètres de ladite porte, des gradins et des chaises ont été placés. Une partie est réservée aux femmes vêtues majoritairement de tchadors noirs, une autre aux hommes, et une troisième aux officiels. Peu avant d’arriver au poste frontière de la Sûreté générale libanaise, une trentaine d’ambulances du comité sanitaire islamique, en d’autres termes de la Défense civile relevant du Hezbollah, ont été stationnées des deux côtés de la route. Mais ce ne sont pas ces véhicules qui transporteront les dépouilles mortelles jusqu’à Ouzaï. Au poste frontière, les membres du parti intégriste règlent les derniers détails, expliquent que même si « la plupart des martyrs que l’on accueille sont originaires de la zone méridionale du pays, les cadavres devraient être ramenés à Beyrouth pour identification ». Nabil Kaouk, responsable du Hezbollah pour le Liban-Sud, vient d’arriver, et le chef de délégation du CICR au Liban, Antoine Blayer, s’apprête à franchir la frontière pour accompagner les sept camions – arrivés la veille d’Israël et stationnés durant 24 heures entre les deux postes frontières – qui transporteront jusqu’au territoire libanais les dépouilles mortelles. Il est 9 heures. Le premier camion du CICR franchit la frontière. Les 60 cercueils ont été déchargés puis installés par les hommes du Hezbollah à l’intérieur de trois grands conteneurs en verre, tirés par des camions remorques, conçus tout juste pour l’occasion. Ils entourent chaque cercueil du drapeau libanais et y épinglent une petite couronne de fleurs artificielles. Mais après avoir déchargé quelques cercueils, les partisans du mouvement intégriste se rendent comptent que chaque caisse en bois porte le nom du militant, le lieu et la date de sa mort, l’opération dans laquelle il avait péri et surtout l’organisation à laquelle il appartenait. Et bien rares étaient les cercueils où le nom du Hezbollah était inscrit. Quelques militants empêchent donc les journalistes de prendre des photos, les rappellent un peu plus tard, les invitant à filmer en gros plan les cercueils où des fiches portant le nom du mouvement intégriste ont été collées. À la tribune officielle, plusieurs responsables sont déjà présents, notamment le ministre de l’Information Michel Samaha représentant le président de la République, le député Ali Khreiss représentant le chef du Parlement et le ministre du Tourisme Ali Abdallah représentant le président du Conseil, le numéro 2 du Hezbollah Naïm Kassem, une délégation iranienne, le secrétaire général du Parti communiste Khaled Hadadé, l’ancien numéro 1 du PCL Georges Haoui, ainsi que plusieurs députés du Hezbollah et d’Amal, des délégués de l’armée libanaise, de la Finul et des diverses communautés religieuses de la région. S’adressant à la presse, le ministre de l’Information a rendu hommage à la Résistance et aux prisonniers fraîchement libérés. Cheikh Kassem a pour sa part indiqué que « le Hezbollah ne baissera pas les bras et suivra encore de plus près le dossier des détenus ». Précédé d’ambulances du Hezbollah, le convoi a longé la route jusqu’à la tribune officielle pour une brève cérémonie. Une unité de l’armée libanaise a entonné l’hymne national et une marche funèbre. Sur les gradins consacrés aux familles, rares étaient les proches des « martyrs » n’appartenant pas au Hezbollah. Les chaises étaient majoritairement occupées par les supporters du mouvement intégriste. Les militants du PCL écartés Les familles de disparus appartenant au Fateh et au PCL attendaient bien en retrait. C’est le cas de Aïcha Naaha, originaire de Chébaa, qui patientait pour savoir si la dépouille de son mari Mohammed (membre du Fateh) figurait parmi les cadavres remis à la Croix-Rouge. « Il est mort le 16 août 1988, mes filles ont vu son nom sur un site Internet hier. Sa dépouille pourrait arriver aujourd’hui », dit-elle, séchant ses larmes et évoquant les longues années de résistance dans les villages du Arkoub. Un peu plus loin et toujours en retrait, un groupe de femmes discutent en brandissant un grand drapeau du PCL frappé aussi du cèdre du Liban. « La majorité des martyrs est des nôtres. Nous sommes les premiers à avoir versé notre sang pour la libération du Sud, bien avant la naissance du Hezbollah », lancent-elles. Elles racontent que beaucoup de convois arrivés des villages de la zone anciennement occupée, notamment Houla et Kfarkila, et de Nabatiyeh (Aïn Baal et de Kfarremmane), dès six heures du matin à Naqoura, ont été empêchés de poursuivre leur chemin. « Certains parents de martyrs attendent jusqu’à présent à l’entrée de la localité », relève Aliyé de Aïn Baal et dont deux des frères sont tombés en 1981 et 1987. « Je me suis couvert la tête pour me protéger du soleil, mais quand j’ai vu que celles qui portaient le voile franchissaient plus facilement la porte de Naqoura, j’ai enlevé mon foulard. Je refuse que l’on m’associe à elles », s’insurge-t-elle. Neemat, originaire de Nabatiyeh, déclare : « Hier à l’AIB, le gouvernement libanais nous a empêchés de célébrer l’arrivée de Anouar Yassine, aujourd’hui c’est le gouvernement islamique qui nous empêche de récupérer nos martyrs. » Entourée de plusieurs femmes dont les dépouilles des fils communistes sont arrivées hier au poste frontière, la mère de Farjalla Fouani, originaire de Houla, qui avait péri dans une opération anti-israélienne en 1987, brandit la photo de son fils en pleurant : « La terre du Liban mérite ton sang, pas ses dirigeants », dit-elle. Il est 10 h 30, les trois camions remorques transportant les 60 dépouilles mortelles quittent Naqoura. Des deux côtés de la route, les membres du Hezbollah habillés en noir montent la garde, et des centaines de voitures aux couleurs du parti intégriste rejoignent le convoi... qui arrive à Tyr à midi 30. Dans cette ville du Liban-Sud, connue pour être l’un des piliers du mouvement Amal, c’est la cacophonie : des jeeps aux haut-parleurs géants diffusent le nom « des martyrs de la Résistance libanaise – le mouvement Amal » et des chansons partisanes, alors que d’autres véhicules du Hezbollah optent pour des discours de sayyed Hassan Nasrallah et des chants de la Résistance islamique. Une fois n’est pas coutume, dans la foule qui attendait le convoi à Tyr, les drapeaux du Hezbollah étaient presque aussi nombreux hier que ceux du mouvement Amal. Il faut passer un peu moins de deux heures en voiture pour franchir les villages côtiers de Zahrani. À l’entrée de Kharayeb, localité qui avait depuis longtemps prêté allégeance au mouvement Amal, les habitants, massés sur un côté de la route, ont décidé de brandir dès l’entrée et jusqu’à la sortie du village de grands drapeaux jaunes frappés à l’emblème du mouvement intégriste. Rappelons dans ce cadre que onze personnes originaires de Kharayeb avaient péri en décembre dernier dans le crash de Cotonou. À Adloun, le PCL réserve un accueil émouvant aux dépouilles mortelles. Le convoi grossit encore, ne quitte pas la vieille route côtière jusqu’à son arrivée à Saïda où il est accueilli par des délégations nassériennes. L’autoroute enfin. Le convoi s’arrête encore à Barja et Naamé. Et Ouzaï enfin. Klaxons de voitures, sirènes des ambulances des membres du Hezbollah qui ont accompagné le convoi, et haut-parleurs qui diffusent des chansons partisanes. Des milliers d’habitants de la banlieue sud sont sortis dans la rue. Et la scène qui s’est répétée dans des vingtaines de villages recommence encore : on jette du riz et des fleurs sur les conteneurs en verre et on agite les drapeaux. Des hommes et des femmes âgés, déplacés du Liban-Sud, versent des larmes en silence. Les plus jeunes sont moins émus. Savourant la victoire de leur parti, ils sont occupés à chanter les hymnes du Hezbollah et à allumer des feux d’artifice. Il est 15 heures 30. Et il a fallu exactement cinq heures pour arriver de Naqoura à Ouzaï. Dans le même secteur, celui de l’hôpital al-Rassoul al-Aazam, les trois véhicules géants s’engouffrent dans le complexe Shahed. C’est ici que les cadavres ont été triés en début de soirée et envoyés dans leurs villages respectifs, au Liban-Sud, à la Békaa et au Akkar. Jusqu’à hier soir, dix-huit corps demeuraient non identifiés. La prière des morts pour les combattants du Hezbollah doit être récitée aujourd’hui. Patricia KHODER
La Croix-Rouge internationale a remis hier, au poste frontière de Naqoura, soixante dépouilles mortelles aux autorités libanaises et au Hezbollah. Il s’agit de combattants martyrs anti-israéliens, libanais pour la plupart appartenant à divers mouvement de résistance, notamment le Parti communiste libanais (23 dépouilles mortelles), le mouvement Amal (7), le Hezbollah (6), le Fateh, la...