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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE - L’État maintenait au Sud un abcès de fixation pour poser le problème des réfugiés palestiniens Le pouvoir en passe de perdre une carte de marchandage qu’il pensait détenir

Au lendemain du retrait de l’armée israélienne du Liban-Sud, en mai 2000, le pouvoir a opté pour une stratégie qui a été largement contestée aussi bien dans les cercles diplomatiques occidentaux que dans divers milieux politiques sur la scène locale. Les grandes lignes de cette stratégie, qui se font ressentir jusqu’à ce jour, se résument en trois points : refus de déployer l’armée libanaise dans la région méridionale, notamment le long de la frontière avec Israël ; blanc-seing au Hezbollah qui est resté – et qui demeure – pratiquement seul maître du terrain au Sud ; campagne politico-médiatique axée sur la libération des prisonniers libanais détenus en Israël et sur le retrait des forces de l’État hébreu des hameaux de Chebaa. Ces options reflètent à l’évidence le soutien continu apporté par les hautes sphères du pouvoir au parti intégriste, en sa qualité de « mouvement de résistance ». L’objectif recherché par le régime sur ce plan s’explique par des considérations de realpolitik liées au contexte régional. Il s’agit en l’occurrence, aux yeux des responsables, de maintenir (ne fut-ce qu’artificiellement et de façon peu convaincante) un abcès de fixation au Sud, un facteur d’instabilité, en posant le problème des fermes de Chebaa et des prisonniers afin que nul ne prétende que le contentieux entre Israël et le Liban a été clos avec le retrait de la « zone de sécurité ». En entretenant cette illusion de situation conflictuelle persistante avec l’État hébreu, l’objectif est de pouvoir poser un jour, dans le cadre d’éventuelles négociations portant sur une stabilisation à la frontière et une normalisation des relations, le problème des réfugiés palestiniens. Maintenir la pression en laissant sur la sellette le Hezbollah, en appuyant tacitement des opérations anti-israéliennes épisodiques savamment « dosées », et en posant de manière agressive le cas des fermes de Chebaa et des prisonniers, avait donc (dans l’optique du régime) un but à peine voilé : conserver entre les mains du pouvoir une carte de marchandage qui serait utilisée, lorsque l’heure de la solution aura sonné, pour remettre sur la table de négociations le dossier des réfugiés. À ces considérations purement libanaises venait s’ajouter évidemment la raison d’État syrienne qui imposait au pouvoir d’entretenir cette tension afin de permettre à Damas de bénéficier d’un instrument de manœuvre supplémentaire dans son jeu régional. Le problème des prisonniers est aujourd’hui quasiment réglé. Focaliser désormais toute la campagne du Liban sur le cas des hameaux de Chebaa ne convaincrait personne. En tout cas pas les chancelleries occidentales et les Nations unies, qui ont rappelé à plusieurs reprises que le secteur en question avait été occupé par les forces israéliennes en juin 1967 lorsqu’il était contrôlé à l’époque par la gendarmerie syrienne (et nullement par l’autorité libanaise). Et en tout état de cause, selon certaines informations en provenance d’Israël, cette zone pourrait être évacuée à son tour d’une manière unilatérale, à plus ou moins brève échéance. Les forces de l’État hébreu auraient d’ailleurs déjà aménagé une nouvelle ligne de défense au-delà du périmètre des fermes de Chebaa. Si ce nouveau retrait unilatéral se confirme, le Liban n’aurait plus aucun contentieux en suspens avec Israël. Du même coup, si l’on se place dans la logique suivie par le pouvoir, la marge de manœuvre permettant de soulever la question des réfugiés serait réduite à néant, ou presque. D’autant que Beyrouth pourrait difficilement monnayer, le jour venu, une éventuelle paix bilatérale si un accord est conclu entre Tel Aviv et Damas. Visiblement, l’objectif que le pouvoir affirmait vouloir atteindre en maintenant la pression après le retrait survenu en mai 2000 n’a pas abouti aux résultats escomptés. À la lumière des données objectives actuelles, ce n’est donc plus avec l’État hébreu que le Liban pourrait tenter d’obtenir un règlement du problème des réfugiés, si tant est qu’une telle négociation était possible ou envisageable sur ce plan avec le gouvernement israélien. C’est donc beaucoup plus auprès de Washington et des principales capitales européennes, et peut-être accessoirement au niveau de certains pays arabes, que Beyrouth devrait tenter de trouver une formule lui permettant d’écarter le spectre de l’implantation. L’échange des prisonniers aura sans doute pour conséquence de pousser le Hezbollah, à moyen terme, à repenser son positionnement et son rôle sur la scène locale. Dans la même foulée, le pouvoir devrait lui aussi s’atteler à une révision drastique de la stratégie qu’il a suivie ces trois dernières années. Dans les négociations menées par le médiateur allemand, l’État a brillé par son absence. Avec la nouvelle donne qui pointe à l’horizon, peut-on espérer que nos dirigeants songeront enfin à réimposer la présence du Liban officiel sur l’échiquier proche-oriental ? Michel TOUMA
Au lendemain du retrait de l’armée israélienne du Liban-Sud, en mai 2000, le pouvoir a opté pour une stratégie qui a été largement contestée aussi bien dans les cercles diplomatiques occidentaux que dans divers milieux politiques sur la scène locale. Les grandes lignes de cette stratégie, qui se font ressentir jusqu’à ce jour, se résument en trois points : refus de déployer...