URGENCES - Un centre pour répondre à vos appels nuit et jour « Info-santé »: un médecin et des conseils en ligne

Il est des questions tabous dont on n’a pas nécessairement envie de discuter ouvertement avec son médecin traitant. Il y a également des situations où le médecin de famille n’est pas joignable à un moment où on a le plus besoin de ses conseils. C’est à ce type de lacunes qu’a voulu pallier le groupe de gestion des programmes d’assurance-santé, Mednet, en mettant en place un centre d’appels destinés aux personnes en détresse, ou en quête d’un renseignement médical à une heure tardive de la nuit, un service que le groupe met à la disposition de ses adhérents mais aussi du grand public. Inspiré du système canadien initié au début des années 80 pour gérer les cas d’urgence lors de la visite du pape Jean-Paul II à ce pays, le « Contact center » dit également « Info-santé », a repris le modèle pour mieux l’adapter aux besoins des Libanais. Alors que l’équivalent canadien est tenu par des infirmières diplômées, au Liban, ce sont des médecins de famille, des pédiatres et des internistes qui gèrent le centre, histoire de donner un supplément de confiance à ceux qui appellent. Ce centre, qui est opérationnel 24 heures sur 24, est géré par une équipe de dix médecins mobilisés en permanence. Conçu au départ pour guider, conseiller et orienter une personne en quête d’informations médicales, le centre, qui a démarré depuis près de trois ans, accueille de plus en plus des appels effectués par des personnes qui ont besoin de conseils ou d’une aide immédiate. Le principe adopté est celui du « triage », à savoir que l’équipe médicale répond aux sollicitations en opérant un classement des différents cas selon la gravité de la situation qui se présente. Il peut s’agir d’une situation « nécessitant une hospitalisation immédiate », d’un cas qui « peut attendre» ou encore d’un problème minime qui peut être « traité chez soi », des situations que les médecins tentent de gérer en ligne en offrant à leurs correspondants toutes les informations adéquates. « Le triage se fait à partir des questions posées par l’équipe médicale au patient sur base de protocoles internationaux à partir desquels les médecins peuvent déterminer la gravité des symptômes et par conséquent la démarche à suivre par le malade », explique le responsable du centre, le Dr Élia Abdel-Massih, qui insiste toutefois pour préciser qu’il ne s’agit en aucun cas d’établir un diagnostic, ni de prescrire un traitement quelconque mais tout simplement de prodiguer des conseils utiles en l’absence du médecin traitant. Il donne l’exemple de cette octogénaire qui a failli se déshydrater à la suite d’un dérangement intestinal si son courtier n’était pas intervenu à temps en appelant « Info-santé » qui s’est chargé de faire le nécessaire pour qu’elle soit hospitalisée. Les conseils prodigués par l’équipe en place peuvent notamment porter sur un vaccin à prévoir avant le voyage, une prescription médicale, voire sur les effets secondaires d’un médicament ou tout simplement sur les mesures préventives à prendre dans des situations particulières. L’idée est de pouvoir aider le correspondant sur place en lui évitant un déplacement souvent inutile à l’hôpital. Aux États-Unis et au Canada, le système de triage permet d’éviter en moyenne à 50% des correspondants de se diriger immédiatement vers les urgences. Au Liban, le taux est de 60%, explique l’équipe responsable. Toutefois, les médecins de garde ne reçoivent pas que des appels portant sur des questions de santé générale. Ces derniers sont souvent sollicités pour des sujets dits « tabous » ou qui relèvent de la vie privée. « Trente pour cent de nos appels portent sur des cas qui sont à la frontière du social et du médical », nous confie le Dr Abdel-Massih, qui raconte que les interlocuteurs soulèvent très souvent des problèmes relatifs à la drogue, à la sexualité et parfois à des problèmes socio-affectifs graves. « Grâce à un appel que nous avions reçu il y a quelque temps de la part de la copine d’un jeune qui venait de se piquer à l’héroïne, nous avons pu le sauver in extremis à la suite d’une overdose », précise le médecin. L’intervention des praticiens a souvent été décisive dans des cas de tentatives de suicide qu’ils ont réussi à faire échouer à plus d’une reprise. Le contact s’établit en général avec un proche à qui l’on prodigue des conseils utiles sur la manière de dissuader la personne qui tente de se suicider avant de les référer à un psychiatre ou d’envoyer directement de l’aide sur place. D’autres appels en provenance des jeunes surtout consistent à se renseigner sur les effets de telle ou telle substance ou sur les maladies transmises par voie sexuelle, notamment le sida. « Les questions dites tabous constituent 30 % des appels effectués », explique le responsable du centre. « Nous sommes souvent sollicités pour des questions d’ordre sexuel, que les gens n’osent pas aborder ouvertement avec leur médecin, comme les effets secondaires du Viagra, les moyens de contraception ou le sexe sans risque », précise le médecin. Si les risques d’un tel service sont réduits au minimum, grâce aux protocoles internationaux qui évitent aux médecins de commettre des erreurs, les mauvaises surprises sont inévitables dans ce type de communication qui est, après tout, anonyme. Outre quelques obsédés qui usent et abusent parfois d’un service qui ne leur est pas destiné, les appels des hypocondriaques qui téléphonent pour un tout ou pour un rien ne sont pas moins nombreux. « Au bout d’un certain temps, nous finissons par les reconnaître et par gérer la situation en fonction », souligne le Dr Abdel-Massih en signifiant que les médecins en place tentent de ménager, dans la mesure du possible, cette catégorie de gens. Destiné à l’origine aux adhérents de Mednet, le service s’est élargi pour englober tout demandeur « d’Info-santé ». Les adhérents peuvent appeler au 01/484484, un numéro qui permet aux médecins en poste de consulter immédiatement le dossier médical en cas de besoin. Mednet a toutefois mis à la disposition du grand public un autre numéro – le 1453 – que l’on peut composer à partir d’un téléphone mobile qui garantit l’anonymat de l’appel. Taxé à raison de 35 cents supplémentaires par rapport à un appel fait à partir du téléphone fixe, cet appel coûte en moyenne 2 dollars les 6 minutes. « Le centre reçoit entre 20 et 30 appels par jour. Cette moyenne est multipliée en week-end surtout à partir de 20 heures », indique le responsable qui précise que ce taux augmente également en hiver et durant les saisons d’épidémies. Jeanine JALKH