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Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence - Le dignitaire sunnite, précurseur de la convivialité libanaise L’imam Ouzaï, témoin de son siècle

«Il nous faut savoir réveiller certains morts, et en faire les alliés de la vie. » C’est par ces propos, inspirés d’un auteur colombien, que le recteur de l’Université Saint-Joseph, père René Chamussy, a introduit la conférence donnée mardi soir, à l’USJ, sur la vie et l’œuvre de l’imam Ouzaï, un des plus grands juristes de l’islam du huitième siècle. « Témoin » du chevauchement de deux siècles fondamentaux dans l’islam, celui des Omeyyades et des Abbassides, et ayant vécu sous le règne de plusieurs souverains de l’époque, l’imam Ouzaï a transmis un héritage culturel et juridique riche en enseignements et en éthique de vie. « Il était libanais, de manière spécifique, surtout quand il a pris la défense des habitants du Liban en soutenant le droit face à l’arbitraire des walis, jetant ainsi les fondements de la convivialité libanaise », a poursuivi le recteur, en citant les écrits de Sobhi Mahmassani sur l’imam. Organisée conjointement par Dar el-Fatwa et le Centre d’études des droits du monde arabe (Cedroma), la conférence a été présentée par cheikh Mohhammed Nokkari, directeur général de Dar el-Fatwa et chef du cabinet du mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabbani, qui a choisi ce soir-là d’introduire auprès du public libanais « une des plus belles figures de l’islam libanais », selon le père Chamussy. Né au Liban, à Baalbeck, en l’an 707 ou 88 de l’hégire, l’année au cours de laquelle est mort saint Maron, premier patriarche maronite, l’imam Ouzaï s’est distingué par « ses qualités scientifiques et son pragmatisme », a souligné cheikh Nokkari, qui a choisi de s’exprimer en français pour l’occasion. Dès lors, indique l’intervenant, « le droit musulman n’était pas pour lui un ensemble de lois et dispositions à être étudiées et analysées, mais à être appliquées ». Considéré unanimement par les jurisconsultes musulmans et par les historiens comme « un des plus grands savants » de son époque, l’imam s’est fait connaître et apprécier par tous les musulmans ainsi que par les juifs et les chrétiens pour « ses qualités spirituelles et morales très élevées ». L’intervenant relate notamment qu’il refusait souvent « d’accepter les donations et les cadeaux qu’on lui offrait en vue d’obtenir des services. » Il évoque en outre « sa révolte contre toute sorte de mensonge », mais aussi « sa défense pour la liberté de croyance : tous les écrits sur l’imam Ouzaï mentionnaient qu’il était le premier grand défenseur de la liberté des croyances parmi les jurisconsultes musulmans ». « Dès lors, il était le défenseur des droits des chrétiens du Liban et n’a cessé d’intervenir pour soutenir leur cause devant les souverains locaux », poursuit cheikh Nokkari. Le conférencier raconte l’histoire de la révolte qui s’était déclenchée à Monaytra, près d’Afqa, en 753, sous le règne de l’émir Saleh ben Ali qui venait de décider des taxes très élevées imposées aux chrétiens du Mont-Liban. Ce dernier avait ordonné à ses soldats de réprimer la révolte et d’expulser les habitants de leur village et de les déposséder de leurs biens, ce à quoi l’imam Ouzaï réagit en stigmatisant en des termes virulents les actes de l’émir. Dans une lettre adressée à ben Ali, il dénonce l’expulsion des chrétiens, en accusant l’émir d’avoir puni « l’ensemble des habitants pour une faute commise par des particuliers », en allusion à tous ceux qui n’avaient pas participé à la révolte. « Il ressort de cette lettre que l’imam a demandé que les chrétiens soient traités avec égalité et justice dans le respect des libertés individuelles et des traités conclus », poursuit le conférencier, en faisant remarquer que l’imam Ouzaï avait en outre évoqué le principe de la « responsabilité individuelle et s’était déclaré pour l’interdiction de faire subir des peines collectives à l’encontre des innocents ». Cheikh Noukkari rappelle d’ailleurs qu’un grand nombre de chrétiens et de juifs avaient pris part aux obsèques de l’imam, qui repose toujours à Hantous, connu aujourd’hui sous le nom de al-Ouzaï, un choix « souhaité par les chrétiens du Liban en signe de reconnaissance pour son soutien à leur cause vis-à-vis des gouverneurs abbassides », explique l’intervenant. Le conférencier relève au passage l’attachement particulier de l’imam au Liban illustré par sa décision de s’installer définitivement à Beyrouth « pour participer au renforcement des remparts construits sur la côté libanaise pour défendre le pays contre les attaques extérieures ». Autant de caractéristiques qui ne devraient pas toutefois faire oublier l’apport extrêmement riche de ce savant au droit islamique. Ayant réuni toutes les conditions de l’« ijtihad », l’imam Ouzaï a institué sa propre école juridique intermédiaire entre l’école traditionaliste de Médine et l’école rationaliste d’Irak. La spécificité de l’école al-Ouzaï se résumait par l’admission de plusieurs sources de droit notamment les sources coraniques, les textes de la sunna, le consensus ou ijma’, la parole des compagnons et le raisonnement analogique, précise cheikh Nokkari. L’école al-Ouzaï s’est ainsi répandue en Syrie, en Irak, en Arabie saoudite, en Égypte, au Maroc et en Andalousie. « Elle était la seule doctrine pratiquée en Syrie durant deux cent vingt ans. Elle fut ensuite remplacée par l’école chaféite », conclut le conférencier. Je.J.

«Il nous faut savoir réveiller certains morts, et en faire les alliés de la vie. » C’est par ces propos, inspirés d’un auteur colombien, que le recteur de l’Université Saint-Joseph, père René Chamussy, a introduit la conférence donnée mardi soir, à l’USJ, sur la vie et l’œuvre de l’imam Ouzaï, un des plus grands juristes de l’islam du huitième siècle. « Témoin »...