RETROSPECTIVE 2003 Frappée par deux attentats, l’Arabie prête l’oreille aux demandes de réformes

Victime cette année de deux attentats meurtriers revendiqués par el-Qaëda, l’Arabie saoudite dit avoir engagé une guerre sans merci contre les islamistes extrémistes et promis, sous la pression du courant réformateur dans le pays, une ouverture politique aux contours incertains.
Le 12 mai, un triple attentat contre des complexes résidentiels à Ryad a fait 35 morts dont 8 Américains. L’alerte est donnée : les dirigeants saoudiens réalisent la gravité de la situation. Ils accélèrent la traque des radicaux, lancée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis dont 15 des 19 auteurs étaient des Saoudiens et qui ont jeté un froid dans les relations avec Washington.
Ces relations se sont encore tendues avec le refus des autorités de Ryad au début de l’année de participer à la guerre en Irak. Conséquence : le QG des forces aériennes américaines dans le Golfe est transféré du royaume vers le Qatar, désigné aussi siège du Commandement central (Centcom) qui a dirigé la guerre en Irak.
Mais cela n’a pas calmé les jihadistes qui, appartenant à el-Qaëda ou inspirés du réseau terroriste d’Oussama Ben Laden, déchu de sa nationalité saoudienne, ont poursuivi leur bras de fer avec les autorités. Un nouvel attentat à la voiture piégée frappe le 8 novembre un complexe résidentiel à Ryad. Il fait 17 tués, majoritairement des Arabes.
« La riposte sera ferme », a aussitôt averti le roi Fahd, ajoutant que les autorités « agiront d’une main de fer contre tous ceux qui portent atteinte à la sécurité du pays » d’autant que les jihadistes ont cherché, selon les autorités, à porter leur combat à La Mecque, premier lieu de l’islam, où Ryad a annoncé le démantèlement d’une cellule terroriste.
Des manifestations – phénomène rare dans le royaume – ont été organisées en octobre à Ryad et en province à l’appel d’un groupe d’opposition en exil, le Mouvement islamique pour la réforme en Arabie (Mira, basé à Londres). Des dizaines de protestataires ont été arrêtés.
Mais la phobie des attentats s’est emparée du royaume notamment dans les complexes résidentiels, habités généralement par des expatriés et devenus une cible de choix des auteurs des attaques dans un pays où vivent quelque 7 millions d’étrangers sur une population totale de 23 millions.
Malgré le renforcement des mesures de sécurité, les avertissements contre le risque d’attentats sont lancés épisodiquement par certaines ambassades occidentales, notamment américaine.
Constatant les limites de la riposte sécuritaire, marquée de multiples affrontements, parfois mortels, entre policiers et suspects, les autorités se sont pour la première fois mises à l’écoute du courant réformateur dans le royaume.
Elles ont ainsi annoncé la création d’un « centre de dialogue national », puis promis pour 2004 des élections municipales partielles. Des élections similaires pourraient suivre pour les Conseils régionaux et le Majlis al-Choura (Conseil consultatif) respectivement dans deux et trois ans.
« C’est un pas sur la bonne voie, mais nous voulons plus (...). Un calmant ne suffit pas, nous avons besoin d’intiatives audacieuses », a confié cheikh Mohsen al-Awaji, un activiste, témoignant des attentes du courant réformateur qui, à coup de pétitions, s’est publiquement adressé aux dirigeants.
Mais le poids du wahhabisme, interprétation rigoriste de l’islam en vigueur dans le royaume depuis le XVIIIe siècle, se fait toujours sentir dans le pays malgré les efforts du gouvernement de contrôler le financement du terrorisme, à travers de multiples agences caritatives, et de réformer le secteur de l’éducation, accusé en Occident d’entretenir le fanatisme et l’extrémisme religieux, selon des diplomates.