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RETROSPECTIVE 2003 Démocratie et droits de l’homme : une mission mal assumée



« Si la démocratie n’avance pas, elle recule », rappelle l’avocat et défenseur des droits de l’homme Ziad Baroud. Or, à la lumière de l’évolution du monde arabe, notamment depuis l’invasion de l’Irak par les États-Unis, les régimes du Proche-Orient ne semblent pas avoir progressé d’un iota sur le plan de la participation politique, du respect de la justice et des droits de l’homme, des ingrédients fondamentaux pour une bonne santé démocratique. Cette régression est d’autant plus manifeste qu’elle va à contre courant des promesses faites par la superpuissance américaine qui avait dessiné, il y a quelque temps, un avenir plus reluisant pour la région en matière de démocratie. Lancé sous le label de la « fin des systèmes autoritaires », ce chantier de réforme devait être initié à partir d’un exemple type, à savoir la chute du régime de Saddam Hussein. Toutefois, et face à l’échec des Américains à pouvoir rétablir un semblant de sécurité en Irak et à geler un tant soit peu la violence dans les territoires palestiniens, les changements annoncés sont apparus de plus en plus chimériques et irréalistes. Le fossé créé par le choc des cultures s’est ainsi élargi, entraînant dans son sillage la quasi-totalité des pays de la planète, désormais appelés à se mobiliser d’un côté ou de l’autre des frontières culturo-religieuses tracées par les rapports de forces en présence.
Au Liban, le constat est encore plus décevant tant il est vrai que des espoirs immenses ont été placés en ce petit pays.
Loué pour sa position médiane entre les « deux mondes » en conflit, vanté pour son pluralisme communautaire qui devait servir de modèle de convivialité parfaite entre les religions, le Liban n’a pas réussi, à ce jour, à assumer son rôle de carrefour des dialogues entre les peuples.
Et pour cause : sa démocratie est toujours en panne et ses systèmes politique et juridique restent dysfonctionnels et ne peuvent, dans l’état actuel des choses, servir une aussi noble mission que celle de la conciliation des différences. Car, avant de pouvoir exporter un système réussi, « charité bien ordonnée commence par soi-même », dit l’adage. C’est-à-dire par le biais du rétablissement d’un dialogue qui, dans le fond, n’a jamais véritablement existé, et par la redynamisation d’une démocratie qui n’a pas encore mérité son titre.
Force est de constater qu’au lieu de renforcer les ponts de communication et les espaces de réconciliation entre les gouvernants et les gouvernés, la distance s’est élargie pour laisser place au dialogue des sourds.
Sur un fond de crise économique qui n’épargne plus personne – sauf peut-être la caste politique qui s’est immunisée, avec les moyens de bord, contre ce mal endémique – la poigne de l’État s’est renforcée, les libertés se sont fragilisées à l’épreuve de la contestation, et l’opposition politique a continué d’être pernicieusement marginalisée.
Plus grave encore, a été le dévoiement du rôle de la justice. Alors qu’elle est censée servir le droit, celle-ci a été exploitée, dans une pléthore de cas, à d’autres fins. Depuis pratiquement la réforme en 2001 du Code de procédure pénale qui a abouti au renforcement des prérogatives du Parquet, « la mission sécuritaire de l’État a été transférée au sein de la justice, transformée depuis en un outil de répression », comme l’ont relevé à plusieurs reprises les associations de défense des droits de l’homme, dont la FDHDH (Fondation des droits de l’homme et des droits humanitaires). « L’exploitation de la justice à des fins sécuritaires et politiques » est ainsi devenue un lieu commun. La dénonciation, par Hurriyat Khassat, du projet de réforme du Code pénal, est venu étayer la thèse de la transformation des textes juridiques en un outil au service du pouvoir, le nouveau projet étant « une atteinte à la dignité humaine et une ingérence dans la vie privée du citoyen, alors que la vie publique reste le monopole des autorités en place », avait alors asséné l’ONG.
Sur le plan des libertés publiques et des droits de l’homme, le bilan est tout aussi lourd : multiplication des arrestations d’opposants politiques, répression des manifestants, poursuite de centaines de procès civils par les tribunaux militaires, muselage des médias, improvisation de procès – dont celui intenté contre le général Michel Aoun – à des fins politiques, interdiction de la publication de l’ouvrage, rédigé en prison par Adonis Acra, etc. Autant d’atteintes à l’esprit même de la justice censée être au service du droit et non des personnes ou des intérêts particuliers.
La réhabilitation, depuis quelques semaines, de la sanction de la peine de mort pour des considérations politiques voire confessionnelles, a achevé de décrédibiliser un sytème judiciaire de plus en plus « versatile ».
L’ hérésie sera en outre renforcée en cours d’année par la fameuse campagne sécuritaire organisée contre ceux qu’on a baptisés « les adorateurs de satan », et contre lesquels – des jeunes originaux pour la plupart – les forces de sécurité ont pratiqué une véritable politique de terreur. « Cette chasse aux sorcières était d’autant plus inquiétante que les autorités ont exploité la fibre religieuse à travers les notions de Bien et de Mal, à des fins de politique dite sécuritaire », dira le président de Hurriyat, Nizar Saghiyé.
Enfin, les scandales de corruption qui ont éclaté ici et là ont contribué à miner la confiance déjà compromise, entre l’État et les citoyens, en consacrant « le droit à la désinformation » et l’absence de transparence.
En bref, une année pour laquelle les analystes et les défenseurs des droits de l’homme accorderont généreusement la mention « passable », avant d’adresser aux gouvernants la recommandation suivante : « Peuvent nettement mieux faire » pour un Liban en devenir, qui aspire à être « plus qu’une nation », un véritable « message ».

Jeanine JALKH
« Si la démocratie n’avance pas, elle recule », rappelle l’avocat et défenseur des droits de l’homme Ziad Baroud. Or, à la lumière de l’évolution du monde arabe, notamment depuis l’invasion de l’Irak par les États-Unis, les régimes du Proche-Orient ne semblent pas avoir progressé d’un iota sur le plan de la participation politique, du respect de la justice et des droits de...