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Justice - Les rumeurs s’amplifient au sujet de la peine capitale Amnesty International exhorte les autorités à suspendre les exécutions

Les rumeurs les plus folles continuent de circuler autour de la condamnation à mort de quatre prisonniers parmi les 31 passibles de cette sanction. Hier, c’était au tour d’Amnesty International de tirer la sonnette d’alarme en organisant une conférence de presse pour dénoncer ce qu’elle croit être des signes précurseurs de la réactivation de la potence.
Alors que l’on croyait ce dossier « suspendu » par un moratoire de fait qui dure depuis pratiquement l’an 2000 – notamment depuis que le chef de l’État Émile Lahoud avait solennellement affirmé à la secrétaire générale d’Amnesty, Irène Khan, qu’aucune exécution n’aura lieu sous son mandat –, le débat a été relancé il y a quelques semaines avec l’annonce du transfert, par la commission des grâces issue du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), de 28 dossiers au ministre de la Justice, Bahige Tabbarah. Ce retournement de situation ne finit pas d’étonner les experts, qui ne comprennent pas la remise en question d’un moratoire obtenu à la suite d’intenses efforts déployés par les abolitionnistes. Le gel effectif des exécutions avait d’ailleurs été confirmé par Samir el-Jisr, alors ministre de la Justice, qui avait déclaré que « la peine de mort n’était plus appliquée ».
Or, depuis quelque temps, des informations multiples font état de l’imminence des exécutions. Ghassan Moukheiber, député du Metn et membre de la commission parlementaire des Droits de l’homme, croit savoir que des pressions auraient été exercées par les familles des victimes, dont certaines seraient déterminées à aller jusqu’au bout. C’est le cas notamment des parents des victimes de la tuerie de l’Unesco, ou de l’assassinat de non-civils, dans les deux affaires de Aïn el-Héloué et de l’attaque contre les convoyeurs de fonds de la Défense civile. Des crimes qui avaient choqué l’opinion publique et mis dans l’embarras certains responsables et chefs religieux.

Tabbarah injoignable
De source informée, on apprenait hier que les trois prisonniers passibles de la peine capitale – Badih Walid Hamadé alias Abou Obeida (qui avait abattu trois militaires), Ahmed Mansour, accusé de l’odieux carnage de l’Unesco, et Rami Zaatar qui avait abattu les trois convoyeurs – seraient « en phase de préparation dans la prison de Roumieh » – (ils auraient été transférés dans des cellules plus confortables) – en vue d’être exécutés. Selon un diplomate européen qui a voulu garder l’anonymat, cette information est d’autant plus douteuse que les décrets de condamnation à mort, qui doivent être signés par le ministre de la Justice, le Premier ministre et le chef de l’État, « n’ont pas encore été promulgués ». D’autres diplomates européens affirment toutefois avoir été reçus il y a quelques jours par M. Rafic Hariri qui aurait plaidé devant eux en faveur de la potence, « seule solution valable pour le Liban », aurait-il dit.
Un diplomate français affirme pour sa part que rien n’est encore joué, et que « l’Union européenne pèsera de tout son poids pour dissuader le gouvernement libanais de recourir à une telle mesure ».
Le ministre de la Justice, Bahige Tabbarah, injoignable depuis plusieurs jours, continue d’entretenir le flou le plus total sur cette affaire après avoir indiqué à certains médias « ne pas être au courant du dossier ».
S’abstenant de confirmer ou d’infirmer ces informations, Amnesty International a voulu prendre les devants en condamnant, lors de la conférence de presse, ce qu’elle considère être « le crime le plus pernicieux, à savoir celui qui est légalisé, légitimé, programmé et justifié au nom du peuple, de la loi, de la Constitution ».

« Le jeu de la mort »
Rappelant que les assassinats les plus odieux sont étroitement liés aux conditions sociales, économiques et psychologiques dans lesquelles a évolué le meurtrier, telles que la pauvreté, le chômage, l’alcoolisme, la drogue, etc., le directeur de la section Liban d’Amnesty International, Charles Nasrallah, s’est demandé si la peine de mort pouvait résoudre ce type de problèmes. Il a rappelé au passage que 112 pays sur un total de 195 ont déjà annulé la peine capitale dans les textes ou dans la pratique. S’adressant au chef de l’État et aux responsables, M. Nasrallah a souligné que le moratoire de fait qui a abouti à geler les condamnations « était un bon choix qu’il faut maintenir ». Dans un communiqué lu par sa repésentante au Liban, Salma Kojok, la coalition mondiale contre la peine de mort a tenu à affirmer son soutien aux participants à la conférence en demandant solennellement aux autorités libanaises « de suspendre toute exécution et de poursuivre les efforts de réforme du code pénal en vue d’en abolir la peine de mort », a souligné le communiqué.
Prenant à son tour la parole, Nizar Saghiyé, juriste et président de Hurriyat Khassat, une ONG abolitionniste qui fait campagne depuis un an pour la modification du code pénal, a stigmatisé ce qu’il appelait « le jeu de la mort », en invitant les Libanais à opérer « une objection de conscience ». Estimant que les « crimes de guerre et ceux liés à la corruption constituent des délits graves qui sont restés, à ce jour, impunis », l’avocat s’est interrogé sur la signification réelle de ce revirement. « Est-ce une manière (pour les autorités) de se dérober à leurs responsabilités en en faisant porter le poids à quelques personnes – des misérables dans leur grande majorité – à qui ils font assumer leurs erreurs et celles de toute la société ? » s’est demandé M. Saghiyé.
Jeanine JALKH
Les rumeurs les plus folles continuent de circuler autour de la condamnation à mort de quatre prisonniers parmi les 31 passibles de cette sanction. Hier, c’était au tour d’Amnesty International de tirer la sonnette d’alarme en organisant une conférence de presse pour dénoncer ce qu’elle croit être des signes précurseurs de la réactivation de la potence.Alors que l’on...