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La diaspora libanaise de Cotonou met en cause la surcharge de l’avion(photos)

Il était presque 14 heures 30 jeudi à Cotonou quand l’avion de l’UTA qui venait de décoller a percuté un mur de l’aéroport de la ville la plus importante du Bénin avant de s’écraser en mer.
Les Libanais qui avaient tenu à saluer leurs proches et leurs amis à leur départ étaient en train de déjeuner quand ils ont appris la nouvelle. Et ils sont accourus à nouveau à l’aéroport.
« La communauté libanaise au Bénin compte 3 000 personnes et nous nous sommes retrouvés en quelque temps plus de 1 500 Libanais au bord de la mer, à la recherche de nos proches et de nos amis », indique Tony Baaklini, commerçant, originaire de Aïntoura (Metn), joint au téléphone par L’Orient-Le Jour.
Il relate le cauchemar : l’avion s’était disloqué, une partie était tombée sur le rivage non loin de l’aéroport, une autre flottait à presque 100 mètres de la côte, à 10 mètres de profondeur. « Nous avons couru, nagé et plongé pour pouvoir sauver les passagers », indique-t-il. Certains survivants tentaient de rejoindre à la nage le rivage, alors que quelques corps flottaient entre les débris de l’avion.
Et il semble, selon des témoignages, que beaucoup de victimes soient mortes noyées, n’ayant pas réussi à défaire leur ceinture de sécurité. « Les corps sont presque intacts... », souligne Baaklini, rapportant également que d’autres victimes, moins nombreuses, étaient complètement défigurées.
Abdo Azar, qui a, lui aussi, pris part aux secours, raconte que les Libanais sont restés jusqu’à 3 heures vendredi matin sur le rivage. « On courait sans se voir, à la recherche des nôtres et à chaque fois que l’on parvenait à identifier une victime, on la tirait vers le rivage et on replongeait à nouveau », dit-il, soulignant que « les autorités béninoises ont fait de leur mieux, mais le Bénin n’a pas la capacité de gérer ce genre de catastrophes. »
Dans la nuit de jeudi donc et jusqu’à vendredi à l’aube, c’est à la lumière de quelques torches de fortune que les opérations de secours se sont poursuivies dans les eaux de l’Atlantique. La police et l’armée béninoises entreprenaient de hisser hors de l’eau une partie de la carlingue, ainsi que la queue de l’avion, qui s’était enfoncée dans le sable, à l’aide de cordes de fortune. Les tracteurs et bulldozers dépêchés plus tard sur place ont été immobilisés, leurs roues s’embourbant dans le sable.
Durant plus de 36 heures donc, les Libanais du Bénin n’ont presque pas dormi. Ceux qui sont rentrés chez eux vendredi à l’aube ont attendu le matin et l’avion officiel qui venait de Beyrouth pour connaître les démarches à suivre en vue de rapatrier les corps des victimes et les blessés. Plusieurs témoins rapportent que quatre blessés libanais ont péri peu après leur arrivée à l’hôpital par manque de soins. Parmi eux, un homme qui souffrait d’une hémorragie interne.

Scènes de pillage
Quand ils se sont rendus le matin sur le lieu du drame, les Libanais qui n’avaient pas pu transporter les corps des victimes dans les morgues de la ville, le plus grand hôpital comptant uniquement une trentaine de places à la morgue, ont retrouvé les cadavres complètement dépouillés de leurs vêtements. Les bagages que les flots avaient ramenés sur le sable avaient disparu.
Hier matin à Cotonou, il fallait parer au plus urgent : trouver des morgues capables d’accueillir tous les cadavres de la catastrophe aérienne. Certains avaient transporté les corps de leurs proches dans des hôpitaux situés à des dizaines de kilomètres de Cotonou, alors que dans la ville la plus importante du Bénin, un homme d’affaires libanais avait mis à la disposition de la diaspora un conteneur frigorifié.
Tony Baaklini indique encore à L’Orient-Le Jour que jusqu’à hier soir, « la plupart des Libanais ayant emprunté le vol à partir du Cotonou (environ soixante-dix) avaient été identifiés, leurs familles et amis se trouvant sur place, alors que l’on n’avait pas réussi à identifier les autres passagers libanais ayant pris le vol de Freetown (Sierra Leone) et de Conakry (Guinée) ». L’aéroport de Cotonou avait été endommagé par le crash de l’avion et les vols interafricains avaient été suspendus durant toute la matinée. Et les liaisons terrestres entre la Sierra Leone et la Guinée d’une part, le Bénin d’autre part, pouvant durer plus de 24 heures.
Au Bénin hier, rares étaient les Libanais qui s’interrogeaient encore sur les circonstances du crash. Pour eux, c’est la surcharge qui était à l’origine de la catastrophe. « L’erreur n’était pas technique », affirment-ils.
Plusieurs témoins interrogés par L’Orient-Le Jour au téléphone et par les correspondants des télévisions dépêchés sur place affirment que « l’UTA utilisait ses avions uniquement pour le transport des marchandises, notamment des crevettes, des ananas et des mangues que l’on acheminait vers le Liban. En transportant les passagers, ils n’ont sûrement pas réduit leurs cargaisons de fruits exotiques », soulignent-ils encore, ajoutant que « beaucoup de passagers qui ont droit uniquement à 30 kilogrammes de bagages n’hésitent pas à embarquer avec une centaine de kilos ». « Ces avions cargos sont fonctionnels pour les passagers depuis uniquement quelques mois. On les emprunte comme les bus ou les taxis-service », ajoutent-ils.
Le jeune Abdo Azar explique : « Normalement, le billet de la MEA ou d’Air France Cotonou-Beyrouth-Cotonou coûte 1 600 dollars alors qu’avec l’UTA le billet n’est que de 650 dollars. Au début, les Libanais n’empruntaient pas ce nouveau vol, mais ils étaient de plus en plus nombreux à le faire dernièrement. »
Interrogés dans les hôpitaux de Cotonou, des rescapés racontent : Quand il a percuté l’un des bâtiments de l’aéroport, l’avion a commencé à trembler avant de s’écraser dans la mer. Pouvait-on prévenir les passagers, les appeler à défaire les boucles de leurs ceintures de sécurité et à porter leur gilet de sauvetage ? On ne le saura pas pour le moment.
Dans l’après-midi, selon des témoins, quelques corps avaient été retrouvés à 40 kilomètres de Cotonou alors qu’une vingtaine de passagers libanais étaient toujours portés disparus.
Hier matin, bien avant que les autorités béninoises ne décrètent trois jours de deuil, tous les Libanais de Cotonou, en majorité des commerçants, ne se sont pas rendus au travail. Ils ont passé la journée entre le lieu du drame et les hôpitaux. En soirée, beaucoup d’entre eux étaient à l’aéroport de la ville, comptant et préparant les cercueils de ceux qui devraient être rapatriés, dans des caisses en zinc, à Beyrouth.

Patricia KHODER
Il était presque 14 heures 30 jeudi à Cotonou quand l’avion de l’UTA qui venait de décoller a percuté un mur de l’aéroport de la ville la plus importante du Bénin avant de s’écraser en mer.Les Libanais qui avaient tenu à saluer leurs proches et leurs amis à leur départ étaient en train de déjeuner quand ils ont appris la nouvelle. Et ils sont accourus à nouveau à...