L’ancien chef du cabinet de militaires pouvait-il ignorer, en se rendant à Washington pour défendre l’adoption du Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act, qu’il franchissait le Rubicon ? On peut en douter, et son côté baroudeur a dû jouir de la transgression de cet interdit politique.
En s’attaquant au général Aoun, le pouvoir judiciaire a-t-il commis un erreur ? Certains ne sont pas loin de le penser, dans la mesure où le conflit opposant le pouvoir en place à l’un des chefs de l’opposition devient ainsi irréversible, avec ce que ce développement implique : l’élargissement du fossé entre le pouvoir et une partie de la population, qui tient les constatations du général Aoun pour des évidences. Il n’y aura bientôt plus que la magistrature pour penser que demander le départ de l’armée syrienne du Liban nuit aux relations entre le Liban et un pays frère.
Car il n’est pas inutile à ce stade de relever, en particulier, l’identité totale de vues entre le patriarche maronite et le général Michel Aoun sur la nécessité d’un retrait de l’armée syrienne et d’un arrêt des ingérences de Damas dans les affaires internes du Liban. Le chef de l’Église maronite l’a franchement exprimée, tout au long de sa tournée pastorale européenne, et en présence de personnalités politiques bien plus importantes que des membres du Congrès US. Avec le général Michel Aoun, il n’est en désaccord que sur les moyens, a-t-il bien précisé.
Pour juger de l’affaire, il faut aussi garder à l’esprit les remarques formulées par les États-Unis au lendemain du tollé politique soulevé au Liban, dans les milieux proches de Damas, par la déposition du général Aoun.
« L’enquête des autorités libanaises à propos de la table ronde du général Aoun avec des membres du Congrès met en question l’engagement (du Liban) vers la liberté d’expression et la tolérance envers les diverses opinions politiques », avait déclaré le 30 septembre un porte-parole du département d’État, Ronald Shore.
Sur quoi peuvent donc déboucher l’acte d’accusation et le jugement qui se profile derrière lui ? On assure, de bonne source, que les choses s’arrêteront là, et que l’affaire se limitera à consacrer l’exil français du général Michel Aoun.
Les autorités françaises auraient en effet discrètement fait savoir au Liban qu’une fin de non-recevoir sera opposée à toute demande d’extradition du général Aoun, et qu’il vaut donc mieux ne pas engager une telle procédure, pour ne pas provoquer de tension inutile dans les relations bilatérales entre les deux pays.
En fin de compte, que la décision judiciaire qui menace le général Aoun ait été une erreur ou pas importe bien peu. Une fois l’émotion retombée, ses conséquences resteront limitées. En particulier, assure-t-on, elles n’auront pas d’effet sur la participation des partisans du Courant patriotique libre aux élections municipales et législatives.
Fady NOUN
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