Tout indique donc que la réunion du Conseil des ministres demain, mardi, ne sera pas une simple formalité. Elle pourrait être suivie d’autres séances consacrées à l’examen du projet de budget sans pour autant que ce débat prolongé s’accompagne nécessairement d’esclandres ou d’une recrudescence de la guerre verbale entre le président Lahoud et le camp haririen. Il reste que si le chef de l’État parvient réellement dans les prochains jours à imposer des amendements majeurs à la loi de finances élaborée par l’équipe de M. Fouad Siniora, cela apportera une preuve supplémentaire de la détermination du président Lahoud à transposer son bras de fer avec M. Hariri sur le terrain même du chef du gouvernement, à savoir la gestion économique et financière du pays, considérée jusque-là comme la chasse gardée de Koraytem. C’est sans doute dans ce cadre que s’inscrit la proposition du chef de l’État de redonner vie au ministère du Plan, ce qui aurait forcément pour conséquence de rogner les ailes au Conseil du développement et de la reconstruction, principal instrument de la politique de développement initiée par M. Hariri depuis près d’une décennie.
Les observateurs s’accordent à estimer qu’au stade actuel, la « bataille du projet de budget » ne débouchera pas sur un dérapage incontrôlé et restera limitée aux traditionnels garde-fous imposés, bien évidemment, par Damas. Le tuteur syrien, par le biais du général Restom Ghazalé, est en effet intervenu directement il y a quelques jours pour calmer le jeu entre les deux camps en présence. Mais indépendamment de cette nouvelle (et classique) intervention syrienne dans une affaire libanaise purement interne, aussi bien le Premier ministre que le chef de l’État semblent avoir un certain intérêt à juguler leurs divergences dans les circonstances présentes. Les milieux de Koraytem affirment à ce sujet que si M. Hariri accepte d’avaler des couleuvres, c’est essentiellement parce que de sérieuses menaces pèsent sur la région et le Liban à court terme. Mais il pourrait ne s’agir là que de la partie visible de l’iceberg. M. Hariri peut-il risquer d’être écarté du pouvoir, et donc de voir son influence quelque peu atténuée, à l’approche de l’échéance présidentielle de l’année prochaine ?
C’est en raison de cette même échéance présidentielle que le général Lahoud pourrait être incité à gérer rationnellement son bras de fer avec Koryatem. Si les chances de prorogation ou de reconduction de son mandat s’avèrent appréciables, le chef de l’État a intérêt, en effet, à démontrer qu’il est en mesure de garder l’initiative au niveau de l’exercice du pouvoir sans pour autant que son attitude à cet égard soit un facteur de déstabilisation. En clair, si l’option d’un nouveau mandat est réellement envisagée, le président Lahoud a tout intérêt à apporter la preuve de sa capacité à gérer une cohabitation avec M. Hariri, en maintenant ses divergences avec le Premier ministre dans les limites du jeu des institutions constitutionnelles. D’où l’insistance de Baabda à souligner qu’un éventuel débat concernant certains aspects du projet de budget, à partir de demain, sera tranché dans le cadre du Conseil des ministres.
Il reste que ce jeu subtil, s’il se confirme dans la réalité, demeure tributaire du paramètre dont le Liban ne parvient toujours pas à se défaire : la tutelle et l’arbitrage de Damas. Car on ne peut se bercer d’illusions. La vie politique au plan local est encore loin d’avoir atteint un stade acceptable de maturité, d’autonomie de décision et de souveraineté bien comprise.
Michel TOUMA
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