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MALAISES CHRONIQUES - Semaine européenne contre la souffrance La douleur n’est plus une fatalité et son traitement n’est pas un luxe (photo)

D’une simple migraine aux douleurs fantômes en passant par les maux de dos, l’arthrose, le zona et l’angine de poitrine… les douleurs chroniques sont légion. Sournoises et latentes, elles sont infligées tel un supplice. Et pourtant la souffrance n’est plus une fatalité et la femme ne doit forcément pas enfanter dans la douleur. Jusqu’au 19 octobre, et pour la troisième année consécutive, les pays membres de l’EFIC (Fédération européenne des chapitres de l’Association internationale pour l’étude de la douleur) organisent des activités permettant à l’opinion publique de ressentir l’importance de la douleur chronique et de prendre conscience des procédures à mettre en place pour la gérer. Au Liban, cette semaine se traduira par une campagne médiatique visant, en premier lieu, à rallier le plus grand nombre de spécialistes au sein de la Société libanaise pour l’étude de la douleur.
Depuis 1960, la prise en charge de la douleur est devenue possible grâce aux « Pain Clinics » ou cliniques antidouleur disséminées en grand nombre aux États-Unis et en Europe. Dans l’Hexagone, depuis la promulgation de la loi Kouchner, mettant à la disposition du corps médical des moyens pour le traitement de la douleur, la prise en charge de ces souffrances est devenue primordiale dans les hôpitaux. Au Liban, une Société pour l’étude de la douleur et son évaluation (LSSP), un chapitre de l’International Association for the Study of Pain (IASP), a vu le jour en 2000. Elle compte quelque quarante membres et son activité est principalement axée sur la recherche.
« Nous sommes toujours au stade embryonnaire et à court de moyens financiers car les organismes officiels refusent de nous aider, déplore le Dr Marie-Claire Antakly, anesthésiste et présidente de la société. Seuls les laboratoires pharmacologiques nous soutiennent de temps à autre, car ils ont intérêt à promouvoir leurs médicaments. Le travail que nous effectuons actuellement est purement scientifique, dans le sens où nous menons des recherches dans le domaine de la douleur. Nous œuvrons de même à faire intégrer dans notre société le plus grand nombre de spécialistes, car le traitement de la douleur est pluridisciplinaire. D’ailleurs, la LSSP est rattachée au Conseil national de recherche scientifique et non à l’Ordre des médecins, car c’est un domaine qui implique des médecins des différentes spécialisations en plus des infirmières, des psychologues et des kinesthésistes. »

Un traitement de luxe
La LSSP est intéressée par la douleur sous ses formes aiguës, post-opératoires et chroniques. « Un malade opéré ne doit plus souffrir, d’autant qu’il existe plusieurs moyens pour atténuer la douleur, insiste le Dr Antakly. Suite aux grandes opérations, à titre d’exemple, on peut implanter des cathéters soit dans le dos du patient soit dans les plexus périphériques. Des drogues anesthésiques y seront constamment injectées, ce qui aura pour effet de soulager le malade. Il existe également une technique baptisée le PCA ou le Patient Control Analgesia. Il s’agit d’une pompe qui contient une drogue apaisante et réglée par le médecin pour éviter les surdoses. Quand le patient a mal, il appuie sur cette pompe et s’injecte une dose du médicament. Il pourra ainsi gérer sa douleur. Ce sont des techniques formidables, qui ont fait leurs preuves dans les cliniques antidouleur à travers le monde. Malheureusement, elles ne sont pas reconnues par les sociétés tierces payantes. Ces dernières ne veulent pas avoir des frais supplémentaires à régler et refusent surtout de suivre l’évolution de la médecine. Elles estiment que les médicaments conventionnels sont suffisants. Même la péridurale n’est pas approuvée par la majorité de ces sociétés, qui considèrent qu’il s’agit d’un luxe. Cela n’est pas normal. Tout le monde a le droit de ne pas souffrir, d’autant qu’il s’agit de techniques et de traitements bien maîtrisés par les spécialistes ! »
Dans sa forme chronique, la douleur continue à être ressentie par le patient même après la fin de la convalescence, tels la migraine ou le mal de dos. C’est une douleur qui n’a aucun aspect bénéfique, qui gêne l’individu dont le comportement dépend désormais de sa souffrance. Elle perturbe ses fonctions et nuit à sa qualité de vie.
« C’est une douleur qui va au-delà d’un simple désagrément physique, note le Dr Antakly. Elle limite la capacité de l’individu à travailler et à s’amuser. Nombreux sont ceux qui perdent leur emploi à cause de leur douleur, ce qui crée des problèmes financiers. Sans oublier que plus la douleur persiste dans le temps, plus ces personnes se replient sur elles-mêmes et deviennent déprimées. Elles deviennent intolérables et sont traitées d’égocentriques par les membres de leur famille et leurs amis. »
Aujourd’hui, la douleur chronique est considérée comme une maladie à part entière (Déclaration de l’EFIC). Elle peut être une arthrose (rhumatisme génératif), une polyarthrite (rhumatisme qui déforme les articulations), une douleur de la partie lombaire basse, des épaules ou du cou, un mal de tête ou une migraine, une douleur due à un cancer, une névralgie faciale, une douleur suivant une opération au thorax, une douleur neuropathique, un zona, un herpès, une neuropathie diabétique (douleur dans les membres inférieurs qui rend le sujet quasi impotent), un trouble de l’articulation temporo-mandibulaire, une douleur post-mastectomie, une angine de poitrine ou une douleur des membres fantômes (douleur à la place d’un membre amputé, comme si ce dernier était toujours présent).

Un large éventail
de traitements
Les traitements pour maîtriser ces maux ne manquent pas. En plus des médicaments, qui seront prescrits par des spécialistes selon le cas de chaque patient, la douleur chronique peut être traitée par une injection de médicaments près de l’endroit douloureux ou tout le long des nerfs qui conduisent la sensation douloureuse. Un cathéter ou une sonde peuvent être laissés dans cette zone pour contrôler l’administration du remède. « Dans certaines zones, la sensation douloureuse peut être atténuée par l’utilisation d’une stimulation électrique, note le Dr Antakly. Dans certains cas, la kinésithérapie est mise à contribution. D’autres techniques, comme l’acupuncture ou la cryothérapie (traitement par le froid), peuvent être efficaces. » Le soutien psychologique demeure toutefois important. Il peut accompagner le traitement médical.
« Il n’est plus permis de laisser les gens souffrir, insiste le Dr Antakly. Au cours des dernières années, les recherches effectuées sur la physiopathologie de la douleur nous ont permis de mieux la contrôler. En fait, la douleur est un phénomène subjectif, dans le sens qu’une même excitation peut déclencher des réactions différentes selon les personnes, alors qu’il s’agit de la même excitation nocive. Or, nous savons qu’il existe au niveau du cerveau des flux qui freinent la douleur. Pour la contrôler, nous agissons sur ces mécanismes de freinage. C’est ce qu’on appelle la neurostimulation. C’est une technique très appliquée de nos jours. »
« À travers cette campagne médiatique, nous cherchons à sensibiliser les médecins à la possibilité d’envoyer leurs patients vers des centres spécialisés dans le traitement de la douleur, poursuit le Dr Antakly. Nous en avons un grand nombre implantés au sein des hôpitaux. Mais malheureusement, nous manquons de structure permettant la prise en charge de ces personnes, notamment en ce qui concerne le soutien psychologique et le remboursement des traitements. Et nous allons poursuivre notre lutte auprès des sociétés tierces payantes pour qu’elles couvrent la prise en charge des patients souffrant d’une douleur. Un médecin ne peut hospitaliser un patient pour une douleur chronique. Il doit trouver une autre excuse pour le faire. C’est honteux et en dépit du bon sens ! »

Nada MERHI
D’une simple migraine aux douleurs fantômes en passant par les maux de dos, l’arthrose, le zona et l’angine de poitrine… les douleurs chroniques sont légion. Sournoises et latentes, elles sont infligées tel un supplice. Et pourtant la souffrance n’est plus une fatalité et la femme ne doit forcément pas enfanter dans la douleur. Jusqu’au 19 octobre, et pour la troisième année...