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Pourquoi la Constitution devra être amendée si le Liban veut retrouver son entière souveraineté

Le Liban retrouvera son entière souveraineté, son indépendance et sa libre décision par le biais du retrait total des forces syriennes de son territoire au début du prochain mandat présidentiel, c’est-à-dire fin 2004 ou début 2005. C’est du moins ce que soutiennent certains milieux politiques, selon lesquels le pouvoir libanais sera de nouveau amené à assumer lui-même ses responsabilités à tous les niveaux, loin des interventions quotidiennes, directes et indirectes, de Damas.
Pour ces milieux, la question qui se pose est celle de savoir si le pouvoir peut effectivement s’assumer et faire face aux différents problèmes sans plus avoir recours de façon mécanique à Damas ou à tout autre capitale étrangère. Et pour cause, poursuivent-elles, le pouvoir n’est actuellement pas en mesure de gouverner seul, en raison de son incapacité, depuis la fin de la guerre, à prendre des décisions sans l’aval de son puissant voisin, ce qui a permis à l’influence syrienne au Liban de s’étendre Aprogressivement jusqu’à atteindre les principales institutions de l’État.
Charles de Gaulle disait que la France avec ses innombrables fromages était « ingouvernable ». De l’avis de certains analystes, le Liban serait ingouvernable à partir de Beyrouth tant que la Constitution de Taëf, à l’ombre de laquelle les « fromagistes » autrefois décriés par le président Fouad Chéhab ont prospéré, n’aura pas été amendée. L’objectif étant d’en finir avec le système du pouvoir à deux têtes ou plus, qui paralyse le pays en temps de crise et rend le recours salvateur à l’étranger nécessaire, sinon déterminant. C’est pourquoi, poursuivent ces analystes, il serait indispensable de mettre en place un mécanisme constitutionnel pour débloquer la situation au niveau des institutions, mais cette fois sous une impulsion intégralement libanaise, en cas de divorce entre les présidents. En d’autres termes, de combler les failles qui, au niveau constitutionnel, rendent nécessaire l’ingérence étrangère dans le processus décisionnel.
Les dispositions de la Constitution évoquant l’accord entre le président de la République et le Premier ministre comme modus operandi sont nombreuses et découlent de la volonté du législateur de déterminer, en pratique, un champ de participation au processus de décision entre les communautés chrétiennes et musulmanes. Mais, dans la pratique, l’accord n’étant pas toujours de mise, la participation a abouti au blocage institutionnel et, au-delà, à une déstabilisation sur la scène interne, bien éloignée des effets positifs escomptés. Dans ce cadre, la Syrie opérait réellement comme un deux ex-machina, neutralisant les crises avant qu’elles n’atteignent le point de non-retour. C’est pourquoi il incombe de revoir les articles de la Constitution qui ne sont opérant qu’en cas d’accord entre le président de la République et le Premier ministre, de manière à garantir la mise en application de ces articles sous l’impulsion d’un seul des deux responsables. Dans le sens où la responsabilité relèverait désormais d’une seule personne, ce qui limiterait le champ de l’irresponsabilité.
Parmi les articles qui devraient être amendés :
- L’article 53 alinéa 1, selon lequel « le président de la République préside le Conseil des ministres quand il le souhaite ». La présidence du Conseil devrait revenir au président de la République, le Premier ministre n’héritant de cette charge qu’au cas où le chef de l’État viendrait à s’absenter. L’expression « quand il le souhaite » a conduit le président de la République à présider toutes les séances du Conseil, ce qui suscite les susceptibilités du chef du gouvernement, surtout en temps de crise. D’ailleurs, cet alinéa prête à débat, puisque certains interprètent l’expression comme n’autorisant le président à présider le Conseil qu’exceptionnellement.
- L’alinéa 2 de l’article 53, qui porte sur la désignation par le président d’un chef du gouvernement « en consultation avec le président de l’Assemblée sur la base de consultations parlementaires impératives et dont il tient ce dernier informé ». Certains estiment qu’il faut corriger la disposition dans ce sens : « sur la base de consultations parlementaires aux résultats impératifs ». Sinon, certains seraient portés à croire que seul l’acte de la consultation est nécessaire, mais qu’il n’engage à rien. Cela s’est produit lors de la désignation du M. Sélim Hoss à la tête du premier gouvernement du mandat Lahoud, lorsqu’un certain nombre de députés avaient délégué au chef de l’État leur pouvoir de nommer le Premier ministre. L’amendement obligerait aussitôt les députés à nommer eux-mêmes le candidat de leur choix.
- L’alinéa 4 de l’article 53, qui stipule que le président « promulgue, en accord avec le président du Conseil, le décret de désignation du gouvernement et d’acceptation de la démission ou de la révocation des ministres ». C’est au Premier ministre que devrait revenir le pouvoir de promulguer le décret de désignation du gouvernement, parce que c’est lui qui est responsable devant la Chambre, et non pas le président. Si la composition du gouvernement n’a pas l’aval de celui-ci, il reviendrait à la Chambre de trancher. De la sorte, la formation du gouvernement ne serait plus liée à l’accord entre les deux présidents. Et pour cause : si l’accord fait défaut, nul ne peut arbitrer la question. Par ailleurs, il faudra déterminer le laps de temps réservé au Premier ministre pour former son cabinet.
- L’alinéa 12 de l’article 53 concernant la convocation par le président du Conseil des ministres à une réunion exceptionnelle, « et ce en accord avec le président du Conseil ». Il faudrait ôter la mention relative à « l’accord » pour que le président préserve son droit sans conditions de convoquer le Conseil exceptionnellement si besoin est.
D’autres amendements dans ce sens sont requis pour les articles 56, 58, 64 alinéa 6 et 65 alinéa 4 (ce dernier permettant désormais au Conseil des ministres de dissoudre la Chambre à la majorité des deux tiers des membres du gouvernement) et 5 (dans le sens où le Conseil des ministres ne se réunirait plus uniquement en un lieu qui lui est propre, mais aussi au palais présidentiel, par respect pour la présidence).
Toutefois, certaines personnalités politiques très attachées à la formule constitutionnelle actuelle s’opposent à un tel amendement de la Constitution. Pour ceux-là, la faille ne vient pas des textes, mais de l’application qui en est faite. C’est pourquoi, soutiennent-ils, au lieu de penser à amender la Constitution de Taëf, il faudrait d’abord commencer à l’appliquer. Un raisonnement qui, dans la pratique, se heurte à l’incessante querellite entre les responsables.

Émile KHOURY
Le Liban retrouvera son entière souveraineté, son indépendance et sa libre décision par le biais du retrait total des forces syriennes de son territoire au début du prochain mandat présidentiel, c’est-à-dire fin 2004 ou début 2005. C’est du moins ce que soutiennent certains milieux politiques, selon lesquels le pouvoir libanais sera de nouveau amené à assumer lui-même...