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FESTIVAL DU FILM DU M-O - «Labyrinthe», à voir lundi, à 17h30, à l’Empire-Sofil Lorne Thyssen dans les méandres du conflit libanais (photo)

Une salle de conférences, à Londres, six mois avant l’invasion israélienne du Liban. Un professeur explique, avec un accent british prononcé, la situation dans le Moyen-Orient. Pour conclure un exposé déjà très alambiqué, il prédit une dangereuse escalade au pays du Cèdre. Une étudiante lui demande ce que pensent les Libanais du fait que leur pays est devenu un terrain de jeu et de règlement de comptes entre les grandes puissances et les pays voisins. Il répond, en désignant un cendrier: «Si vous demandez à trois Libanais de décrire cet objet, le premier vous dira qu’il s’agit d’un complot contre les musulmans; un autre vous dira qu’il s’agit d’un complot contre les Arabes et le troisième vous dira qu’il s’agit tout simplement d’un cendrier.» «C’est quoi alors? » lance un autre étudiant. Le professeur laisse tomber le cendrier qui éclate en mille morceaux: «C’est un complot», affirme-t-il.
La première scène de Labyrinthe, de Lorne Thyssen, présenté en avant-première au Festival du film du Moyen-Orient, annonce la couleur. Le film, qui sera projeté lundi à 17h30 à l’Empire-Sofil, retrace les événements qui se sont déroulés à Beyrouth en 1982, date de l’invasion israélienne, et en 1990, lors des évènements qui ont opposé les Forces libanaises à l’armée du général Aoun. Charles Lushington (Charles Dance), éminent professeur anglais spécialiste du Moyen-Orient, a pressenti l’intervention israélienne. Il décide alors de se rendre sur place, encouragé par son ami Arvog, l’ambassadeur israélien à Londres.
Une fois à Beyrouth, il tombe amoureux de Leïla (Nabila Khajokji), une jeune Libanaise qui refuse de quitter son pays. Elle vit à Beyrouth-Ouest, chose que sa famille (de l’autre côté des barrages) regarde d’un mauvais œil. Cette relation permet au gentleman d’appréhender sous un autre angle les méandres de ce conflit labyrinthique et remet en question ses certitudes.
«Ce n’est pas un Suisse qui va expliquer leur guerre aux Libanais», se défend le réalisateur. «Mon film s’adresse à une audience étrangère qui ne connaît pas les méandres du conflit ou qui n’en a entendu que l’autre version des faits, celle que les médias occidentaux véhiculent. À travers ce long-métrage de fiction, basé sur des évènements historiques, je propose simplement une vision personnelle, un regard étranger sur les deux épisodes marquants de la guerre, deux chapitres qui sont à mon avis les plus affreux de la guerre», déclare Lorne Thyssen. «En 1982, j’avais 18 ans. Et je suivais avec un intérêt mêlé d’horreur les évènements au Liban. J’ai beaucoup d’amis libanais. Ils m’expliquaient ce qui se passait réellement.»
En 1990, Thyssen effectue son premier voyage à Beyrouth. «J’ai toujours eu une grande passion pour le Moyen-Orient. Mais là, c’était différent. Je me suis tout de suite senti à l’aise, libanais dans l’âme.»
Une fois sur le terrain, il réalise l’ampleur de la différence entre ce que les médias occidentaux donnent à voir du pays et ce qui se passe en réalité. «J’avais à cœur de présenter le point de vue des Arabes dans le conflit israélo-palestinien en général. De montrer comment l’invasion israélienne s’est déroulée et a été vécue.»
Il décide alors d’écrire un livre. Il entreprend des recherches, rencontre des hommes politiques (Amine Gemayel, Michel Aoun, Walid Joumblatt…) et recueille des témoignages par-ci par-là. «Comme il y avait trop de littérature sur ce sujet, j’ai décidé d’en faire un film. Un film neutre, qui ne prenne pas position avec les uns ou les autres mais qui montre les raisons du conflit et la perspective des deux côtés. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un film basé sur des évènements historiques et non pas d’un documentaire.»

Casquettes multiples
Comédien de théâtre de profession, Lorne Thyssen est monté sur les planches à Londres puis à Édimbourg. Il a fait un passage dans le théâtre off Broadway de New York puis s’est lancé dans des études de cinéma. Pour Labyrinthe, il a endossé plusieurs casquettes ; celles d’auteur, de réalisateur, de producteur et d’acteur.
Le tournage a duré quatre ans. Budget : 15 millions de dollars. Cette œuvre a rassemblé une équipe technique italienne, des spécialistes anglais en effets spéciaux, un directeur de la photographie prestigieux, Ennio Guarnieri (qui a travaillé avec Zefirelli), une centaine d’acteurs de différentes nationalités (dont plusieurs comédiens libanais connus, tels que Nidal Achkar, Talal Jourdi, Riad Chirazi…).
Des difficultés? Beaucoup. «Quand je n’étais pas sur le plateau, j’étais chez le général Farhat en train de régler des histoires de laissez-passer et d’autorisations diverses. Ils m’ont beaucoup aidé, cela dit.»
Lorne Thyssen est réaliste. Il sait que son film va être épluché, critiqué et même désapprouvé par le public libanais.
«On ne peut pas faire un film sur un sujet aussi épineux et s’en sortir en sentant la rose», dit-il en haussant les épaules.
«C’est un champ de mines. Mais je suis prêt à défendre l’exactitude de mes propos», conclut l’helvétique en truffant ses propos de «yaani» et de «yalla». En vrai citoyen de cœur de la Suisse du Moyen-Orient.
Fiche technique

Réalisateur : Lorne Thyssen.
Scénario : Lorne Thyssen.
Directeur de la photographie : Ennio Guarnieri.
Sons : Berbard Bats, Partice Grisolet, Dominique Hannequin.
Montage : Jean-Luc Darmon.
Producteur : Lorne Thyssen.
Acteurs : Charles Dance, Nabila Khashokji, Ivan Kaye, Jean-Marie Wiling.
Maya GHANDOUR HERT
Une salle de conférences, à Londres, six mois avant l’invasion israélienne du Liban. Un professeur explique, avec un accent british prononcé, la situation dans le Moyen-Orient. Pour conclure un exposé déjà très alambiqué, il prédit une dangereuse escalade au pays du Cèdre. Une étudiante lui demande ce que pensent les Libanais du fait que leur pays est devenu un terrain de jeu et de...