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Rentrée scolaire - Touchés par la crise économique, de plus en plus d’élèves du privé se tournent vers le secteur officiel Rush sur l’école publique ; les parents sont exigeants sur la qualité (photos)

C’est aujourd’hui qu’a lieu la rentrée scolaire dans les écoles publiques. Une rentrée bien morose pour la majorité des élèves, dont les parents, touchés de plein fouet par la crise économique, peinent sous le poids des frais d’inscription, des fournitures et des manuels scolaires. Combien d’élèves resteront-ils cette année à la maison car leurs parents n’ont plus de quoi payer les frais d’inscription de l’école publique ? Combien d’élèves du secteur privé feront-ils désormais leurs classes à l’école publique, faute de moyens ? À ces questions, toujours pas de réponses, mais rien que l’année passée, 5 % des élèves des écoles catholiques, soient 42 000 environ, avaient déserté le secteur, qui accueille 25 % des élèves du pays, pour se diriger vers un autre secteur. Le malaise s’amplifie alors que les parents dénoncent le manque de sérieux de certaines écoles publiques et demandent une plus grande démocratisation de l’éducation. L’ouverture de seize nouveaux établissements publics à Beyrouth en serait-elle les prémices ?
Une foule dense se presse aux guichets de la nouvelle école publique de la rue de Verdun aux bâtiments flambant neufs, vert et blanc. Une école qui accueillera des élèves des trois cycles, primaire, complémentaire et secondaire. Tout le monde veut y inscrire ses enfants : habitants du quartier dont les enfants passent d’un cycle à un autre, parents désireux d’enlever leurs enfants d’une école publique proche qu’ils jugent « nulle et infréquentable », élèves redoublants, désireux de changer d’établissement, mais aussi parents résignés à retirer leurs enfants de l’école privée, car ils ne peuvent plus en assumer l’écolage.
Ici, chacun a son histoire, chacun veut parler au directeur, chacun veut donner le meilleur à ses enfants, mais évidemment, dans la limite de ses moyens. « Les bâtiments sont neufs et il paraît que les enseignants sont bons », remarque une mère de famille. « J’espère que mes enfants seront acceptés, car nous pourrons ainsi économiser les frais de transport », ajoute-t-elle, observant que l’école est proche de son domicile.

Des problèmes financiers
à la pelle
Devant l’insistance de nombreux parents, qui ont littéralement envahi les locaux, désireux d’obtenir de plus amples renseignements quant aux modalités d’inscription, d’examens ou d’acceptation de leurs enfants, le ton monte, les visages et les portes se ferment. De temps à autre, les responsables entrebâillent une porte ou apparaissent aux fenêtres pour donner une explication, appeler un élève ou signifier que les demandes émanant des enfants venant d’une autre école publique du même quartier ne seront plus acceptées. Quant à la priorité, elle sera donnée aux élèves venant du privé.
Au niveau des parents, on s’inquiète, on se pose des questions. On critique tel ou tel établissement public dont l’enseignement et l’ambiance laissent à désirer. « Je ne peux garder mon fils dans une école où les fréquentations sont mauvaises », lance une mère indignée. Du côté de ceux qui viennent du privé, et dont le nombre augmente de jour en jour, on semble rasséréné ; on espère encore être admis. « Ils n’ont aucune raison de refuser ma fille », observe un père de famille. « Elle vient d’une école privée prestigieuse et ses notes sont excellentes. Malheureusement, je n’ai plus les moyens de payer la scolarité car les religieuses ont refusé de m’accorder la moindre réduction. Tant pis pour elles, leur école va se vider et elles nous supplieront bientôt de revenir », dit-il avec véhémence. Mais, il exprime néanmoins son inquiétude d’essuyer un refus. « Où vais-je l’inscrire si elle n’est pas admise ici ? Les religieuses ne la reprendraient plus, car j’ai retiré son dossier », dit-il.
Les problèmes financiers qui empoisonnent leur vie, ils sont des dizaines à en parler, à l’instar de cet homme. Touchés par le chômage, les réductions de salaire ou la crise économique, ils espèrent un geste du gouvernement qui allégerait quelque peu le poids de leur misère. « Rien que dans le complémentaire, la facture des livres scolaires s’élève à 200 dollars », se plaint une mère de famille. « Nous attendons que le gouvernement nous exempte des frais d’inscription pour ce cycle, comme il l’a déjà fait pour le cycle primaire. » Mais jusqu’à ce jour, le gouvernement n’a pris aucune mesure concrète et de nombreux parents n’ont même pas pu s’acquitter des 140 000 LL requis pour inscrire leurs enfants dans le complémentaire.
Tel est le cas de cette femme de ménage qui attend patiemment à la porte du directeur de l’école complémentaire et secondaire de Raml el-Zarif pour y inscrire son fils en classe de troisième. « J’habite tout près et j’espère pouvoir inscrire mon fils, qui est un bon élève, dit-elle. Malheureusement, ma fille restera à la maison cet hiver, car je n’ai pas les moyens de payer son inscription. D’autant plus qu’elle devait redoubler son année et qu’elle éprouve d’immenses difficultés à apprendre la langue française. »

Horaire décousu
Dans cet établissement, contrairement à la nouvelle école officielle de la rue de Verdun, les gens ne se bousculent pas aux guichets ou devant la porte du directeur, Khalil el-Jamil. Ce dernier reçoit chaque candidat, dont une importante partie de redoublants, et étudie chaque demande, refusant de laisser un seul enfant à la rue. Et pour cause, de nombreuses places sont encore disponibles dans son établissement, notamment dans le complémentaire où il n’a même pas le nombre suffisant d’élèves pour former une classe. « Je soupçonne mes anciens élèves d’être allés présenter des demandes dans les écoles complémentaires qui viennent d’ouvrir leurs portes non loin d’ici, déplore-t-il, même si cette pratique n’est pas autorisée. » Mais peut-on reprocher aux parents de rechercher pour leurs enfants de meilleures conditions d’études ?
Aux limites de la cour de récréation de cette école, les travaux de réfection d’une route battent leur plein. Le bruit est infernal et la poussière a envahi les lieux. « Le gouvernement a trouvé le moment idéal pour entreprendre les travaux », lance le directeur avec humeur. « Ils ont même empiété sur une partie de la cour de récréation ». « Par ailleurs, précise-t-il, dans mon établissement, les élèves sont contraints de se plier à un horaire décousu, car le local accueille deux établissements scolaires différents. Les cours leur sont donnés tantôt le matin, tantôt l’après-midi, afin de permettre aux élèves de l’autre établissement scolaire d’en faire de même. Je suis persuadé que le fait de terminer parfois les cours à 19 heures est une des raisons de la défection de nombreux élèves. Mais qu’y puis-je ? L’école publique est en manque de locaux. »
Comment expliquer alors ce manque d’effectifs qui touche cette école, à l’instar de nombreuses autres écoles publiques ?
À l’école officielle primaire et complémentaire Salma Sayegh, située à Achrafieh, la directrice, Siham Achkar, explique le phénomène par le fait que de nombreux parents attendent la dernière minute pour inscrire leurs enfants. Ils espèrent ainsi que le gouvernement les dispensera des frais d’inscription du complémentaire, comme il l’a fait pour le secteur primaire. Si une soixantaine d’enfants sont venus s’inscrire en l’espace de trois heures, de nombreuses places sont encore disponibles. « Nous sommes censés donner la priorité aux élèves du quartier, remarque la directrice, mais peu d’habitants de la région mettent leurs enfants à l’école publique. C’est la raison pour laquelle nous accueillons les enfants de toutes les régions environnantes, qui choisissent notre établissement pour sa bonne réputation. »

Plus de 40 %
des élèves viennent du privé
Il en est de même à l’école officielle secondaire de garçons d’Achrafieh, où les inscriptions se déroulent dans le calme, faute d’effectifs. Je n’ai pas assez d’élèves, remarque tout bonnement Youssef Rahmé, directeur de cet établissement. « Et pourtant, plus de 40 % de nos élèves viennent du secteur privé, non seulement parce que leurs parents n’ont plus les moyens de payer les scolarités, mais aussi parce que le double programme préparé par de nombreuses écoles privées représente pour eux une surcharge inutile de travail », explique-t-il. « Nous recevons, par ailleurs, de nombreux redoublants d’autres écoles, intéressés par le taux élevé de réussite de nos élèves aux examens officiels. Mais, conclut-il, 16 nouvelles écoles viennent d’ouvrir leurs portes dans le secteur ouest de Beyrouth. C’est tout naturel que les parents y inscrivent leurs enfants. »
Si de nombreuses écoles de Beyrouth accusent une baisse de fréquentation due à l’ouverture de ces établissements publics, les écoles des régions périphériques, elles, continuent, comme chaque année, de refuser des élèves, faute de place. L’école secondaire d’Antélias, aménagée dans une vieille maison en pierre de taille, ne peut recevoir que 170 élèves et n’avait de places disponibles pour la rentrée scolaire qu’en classe de seconde. « J’ai dû me résoudre, comme chaque année, à orienter de nombreux élèves vers d’autres établissements, explique le directeur, Nader Fakhoury. Je devais donner la priorité aux élèves habitant le quartier et sélectionner ceux ayant obtenu des résultats satisfaisants au brevet », explique-t-il, ajoutant qu’il a reçu autant de demandes d’élèves venant de l’école privée que de l’école publique. Et ce malgré l’exiguïté de ses locaux et la vétusté de son matériel.
Des horaires difficiles, des locaux vétustes, du matériel en mauvais état, une qualité d’enseignement difficilement contrôlable. Tel est le lot de la majorité des enfants qui poursuivent leurs études à l’école publique. Malgré le rush des élèves du secteur privé, touchés par la crise économique. Nombre qui est en augmentation constante chaque année. Certes, l’ouverture d’une quinzaine de nouvelles écoles publiques à Beyrouth est une initiative louable. Encore faudrait-il qu’elle pave la voie à un ensemble de mesures qui réhabiliterait le secteur public de tout le pays.

Anne-Marie EL-HAGE
C’est aujourd’hui qu’a lieu la rentrée scolaire dans les écoles publiques. Une rentrée bien morose pour la majorité des élèves, dont les parents, touchés de plein fouet par la crise économique, peinent sous le poids des frais d’inscription, des fournitures et des manuels scolaires. Combien d’élèves resteront-ils cette année à la maison car leurs parents n’ont...