Rechercher
Rechercher

Actualités

TOURISME - «Bienvenue au Liban, votre seconde patrie» Le Golfe s’éclate sur un air de Aley by night(photo)

Une avenue longue de deux kilomètres, une cinquantaine de cafés et de restaurants, des centres commerciaux, des lumières… et une foule d’estivants arabes qui ne dorment pratiquement pas et qui se promènent jusqu’aux petites lueurs de l’aube. Aley, la nuit, est redevenue l’adresse préférée des ressortissants du Golfe, qui aiment se retrouver le soir dans cette localité, chef-lieu de caza qui a bel et bien retrouvé sa prospérité d’avant-guerre.

La nuit à Aley, il faut compter un minimum d’une demi-heure pour franchir en voiture la longue avenue. Ici, plus de 70 % des voitures, qui circulent jusqu’à trois heures du matin, portent des plaques d’immatriculation arabes ou de location. Et l’on voit, garées côte à côte ou roulant pare-chocs contre pare-chocs, des Lexus, des BMW X5, des Mercedes, des Ferrari et d’autres véhicules luxueux immatriculés en Arabie saoudite, au Koweït, à Qatar, au sultanat d’Oman ou aux Émirats arabes unies.
Ici les épiciers, bouchers, marchands de fruits et légumes et tous les autres propriétaires de fonds de commerce (habillement, chaussures, meubles, jouets…) ouvrent les portes de leurs magasins jusqu’à minuit. Et rien n’est introuvable dans le souk de Aley: des égouttoirs pour la vaisselle, des peluches et autres jouets pour les enfants, en passant par les CD et les DVD, les ballons, les plantes et les fleurs. Aley n’échappe pas à la règle: comme partout dans le pays, ce sont les restaurants, les cafés et les marchands de glace qui ont la cote. Les piétons, nombreux à se promener sur les trottoirs de la localité, peuvent opter pour des falafels, des hot dogs, des hamburgers, de la barbe à papa, de la glace arabe ou italienne, des pâtisseries orientales…
Et pour attirer encore la clientèle, certains restaurants, comme la Terrasse du Foch, se sont payé le service de voyantes qui prédisent l’avenir en lisant dans les lignes de la main ou le marc de café…
Dans les cafés et les restaurants de la localité, tout a été prévu pour plaire et attirer la clientèle du Golfe. Il y a certes le mezzé libanais – frais et propre –, le narguilé, les boissons alcoolisées, mais aussi et surtout les chanteurs, chanteuses, artistes, ou musiciens qui animeront la soirée. Et la promenade à pied entre les restaurants qui ont poussé les uns à côté des autres pourrait provoquer une migraine aiguë chez les personnes dotées d’oreilles sensibles ou d’un véritable sens musical…

Chanter pour le Liban
et le Sud
Une scène se répète inévitablement dans tous les cafés et les restaurants de la localité; dès son apparition devant le public de noctambules arabes, l’artiste ou le pseudo-artiste qui animera la soirée donne le ton : « Bienvenue au Liban, votre seconde patrie.»
Tout dépendra ensuite de la capacité du chanteur à tenir la scène. Il y a ceux, à l’instar d’Anouar au Petit Café, qui entraînent les noctambules arabes à chanter pour le Liban et le Sud, ou à exiger les applaudissements du public quand ils citent pêle-mêle les noms des équipes sportives libanaises (Sagesse, Sporting, ou Nejmé), des dirigeants libanais ou des princes et rois des pays du Golfe (le roi Fahd et la famille Sabah, entre autres).
Véritable phénomène, Anouar. Il se déplace avec son micro de table en table, veut entendre «les youyous et les applaudissements koweïtiens, saoudiens, qataris, omanais», et encourage son public en lançant: « Allez les Arabes.»
Et les ressortissants du Golfe s’amusent, s’éclatent dans cette « seconde patrie » qu’ils ont décidé, depuis longtemps, d’adopter comme lieu de villégiature préféré.
Dans les restaurants de Aley, on rencontre des femmes arabes, voilées ou non, attablées ensemble, sans aucune présence masculine. Elles mangent, boivent du soda, fument des narguilés et s’amusent. Les jeunes hommes, eux, quand ils se retrouvent sans la présence de leurs aînés à table, commandent de la bière et dansent en groupe.
Il y a aussi et surtout les familles arabes qui sortent ensemble. Trois générations de convives, des cousins, des tantes, des parents, des grands-parents, ainsi que des enfants en bas âge et des nourrissons qu’on amène tard dans la nuit au restaurant. Il ne faut pas également oublier les tables mixtes où les Libanais qui travaillent au Golfe, en vacances au pays, retrouvent leurs amis arabes qui estivent au Liban.
Siham, une jeune femme koweïtienne passe, depuis le début des années quatre-vingt-dix, toutes ses vacances d’été au Liban. Généralement, elle opte pour un hôtel de Jounieh ou de Beyrouth et fait le tour du pays. Elle n’a jamais séjourné à Aley, mais elle se rend souvent dans cette localité du Mont-Liban pour passer la soirée avec les membres de sa famille koweïtienne ou ses amis libanais qui travaillent dans l’émirat. Pourquoi passe-t-elle ses vacances au Liban et pas ailleurs: « Pour la beauté du pays et pour la convivialité et l’accueil des Libanais », dit-elle.
Elle n’est pas la seule à donner ce genre de réponse. D’autres ajouteront que «le Liban est tout à fait comme l’Europe, avec la langue arabe en plus». De plus, les ressortissants du Golfe qui estivent au Liban ressentent une certaine sécurité à Aley la nuit. Et l’on remarque, sur la grande avenue de la localité, des adolescents et des adolescentes arabes qui se promènent sans la surveillance des adultes.

Une petite maison
de cinq chambres à coucher
Fajr, une Koweïtienne de 14 ans, est accompagnée de ses sœurs et de ses cousines. Elles font du lèche-vitrines à Aley. L’adolescente explique que «ses parents sont restés avec ses jeunes frères, sœurs et cousins au Burger King (qui a ouvert ses portes dans la localité)». «Nous les retrouverons après avoir fait nos achats», ajoute-t-elle. Les parents de Fajr achèteront bientôt une maison à Hammana, pour passer tous les étés au Liban. Actuellement, elle habite chez ses cousins dans une «petite maison de cinq chambres à coucher, à Bhamdoun». Petite? «Oui, nous sommes quatorze avec les deux employés de maison», dit-elle.
Alors que les Koweïtiens semblent préférer Hammana et Bhamdoun, les Saoudiens et les Qataris, eux, choisissent de vivre à Aley durant l’été. La localité s’est dotée de 11 hôtels et de 18 complexes, où l’on peut louer pour l’été des appartements meublés. Il faut également compter les centaines de maisons louées à des particuliers.
Wajdi Mrad, le président du conseil municipal de Aley, indique que «la localité n’attire pas uniquement les ressortissants du Golfe qui estivent dans plusieurs régions du pays, mais aussi les Libanais d’Afrique, originaires du Liban-Sud, et qui sont en vacances dans le pays».
Un brin de fierté dans la voix, il évoque son plan marketing. «Beaucoup de restaurants et de cafés, qui ont pignon sur rue à Beyrouth, ont ouvert leurs portes l’année dernière à Aley. Afin de les encourager, la municipalité leur avait proposé, au départ, de s’installer gratuitement des deux côtés de l’avenue», dit-il. «Cette année, pour revenir, ils ont dû payer et le loyer et les taxes municipales», ajoute-t-il.
Wajdi Mrad ne veut pas que Aley soit associée uniquement à la longue avenue qui grouille de monde la nuit. Dans cette artère principale, on trouve certes 47 restaurants et cafés, une boîte de nuit et deux cabarets mais il ne faut pas oublier le Belvédère de Aley, un balcon de 80 mètres de long qui a une vue imprenable sur Beyrouth et ses banlieues.

Plusieurs activités pour
le mois d’août
La municipalité a également misé sur l’écotourisme. Ainsi, à Ras el-Jabal, quartier boisé de la localité, les estivants peuvent louer des bicyclettes pour découvrir la zone. Le club hippique de Aley n’a pas été oublié. Tous les jours, trois randonnées de six kilomètres chacune sont organisées. Et la nuit, les touristes libanais et étrangers peuvent se promener sur l’avenue dans une calèche tirée par des chevaux.
Sur le plan artistique et culturel, plusieurs statues sont exposées en plein air. Une exposition permanente, présentant 260 œuvres venues du monde entier, a également vu le jour il y a quelques années.
Pour le mois d’août, la municipalité organise deux événements. À la première quinzaine du mois, des produits traditionnels (aliments, textiles…) libanais et arabes seront exposés. Et à partir du 15 août, la localité accueillera un festival de la chanson. À la fin de l’été, un jardin public, d’une superficie de 2600 mètres carrés, sera inauguré près de la grande avenue.
Mrad est fier du travail de sa municipalité «qui s’est inspirée de Solidere» et de son village, «lieu d’estivage favori des Beyrouthins au début du XXe siècle», dit-il, racontant que «les premiers estivants sont arrivés de la capitale en 1897, avec la construction du chemin de fer». Il souligne encore que Aley d’avant-guerre était le centre d’estivage favori de plusieurs Premiers ministres libanais et de divers princes et futurs rois arabes. «Les choses n’ont pas tellement changé: actuellement nous accueillons cinq princes saoudiens et plusieurs ministres venus de divers pays du Golfe», ajoute-t-il.
Et pour souligner l’ampleur de la prospérité de Aley durant la saison estivale, le président du conseil municipal cite l’exemple d’un marchand de légumes qui, l’été dernier, a effectué des gains s’élevant à 26000 dollars en deux mois. Et il semble bien que pour ce marchand, les autres commerçants de la localité et les restaurateurs venus de Beyrouth, l’été 2003 sera encore plus prospère.

Patricia KHODER
Une avenue longue de deux kilomètres, une cinquantaine de cafés et de restaurants, des centres commerciaux, des lumières… et une foule d’estivants arabes qui ne dorment pratiquement pas et qui se promènent jusqu’aux petites lueurs de l’aube. Aley, la nuit, est redevenue l’adresse préférée des ressortissants du Golfe, qui aiment se retrouver le soir dans cette...