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FESTIVAL DE BAALBECK - Sur des airs jazzy et rhythm and blues « Chicago » : un vent de cabaret a soufflé sur le temple de Jupiter(photos)

Soyons honnêtes, « Chicago » est le prototype même du spectacle qui fait très peur. Au départ, on y va avec les pires appréhensions. On pense que le film qui a raflé la mise aux oscars va influer sur notre jugement, que le musical va pâtir d’un manque d’originalité et qu’il va être plombé de parallélismes avec la superbe œuvre cinématographique de Rob Marshall. On se pose également des questions sur le casting de la troupe, qui sont-ils d’où nous viennent-ils ? Est-ce la production originale américaine ou british ?

Disons-le d’emblée, le pedigree de Chicago, The Musical donné à Baalbeck est la dernière chose à laquelle on pense lorsqu’on est devant des acteurs, chanteurs, musiciens et danseurs aussi talentueux et « pêchus ». S’il ne s’agit pas des mêmes têtes d’affiche qui se produisent actuellement à Manhattan ou à Londres – oui, Melanie Griffith endosse en ce moment même le tutu pailleté de Roxy Hart à Broadway –, les membres de cette troupe y sont passés, à un moment ou à un autre. Si certains ne l’ont pas fait, ils le mériteraient amplement. On n’ignore pas que ce spectacle célèbre sa 7e année sur Broadway et sa sixième sur West End, ni que le « cast » est sujet à beaucoup de changements. Cela dit, Caroline O’Connor (Roxy la rousse), et Nicola Hughes (Velma Kelly), les deux principaux rôles féminins, se sont bien produites, avec beaucoup de succès, à Broadway. O’Connor s’est taillé par ailleurs une réputation à la mesure de son talent dans la production australienne de ce musical (elle a obtenu le MO Award et le Green Room Award de la meilleure actrice dans un musical pour Chicago et le Oliver Award pour son interprétation de Mabel dans Mack and Mabel, de Jerry Herman, à Londres). Une journaliste, correspondante d’un magazine australien, assise parmi l’assistance, n’a pas tari d’éloges sur cette merveilleuse artiste british, très célèbre au pays des kangourous. O’Connor la flamboyante a aussi tenu le rôle de Velma à Broadway, jusqu’en janvier 2003.
Quant à Nicola Hughes, elle est entrée dans les annales de Chicago comme étant la plus jeune Velma Kelly (23 ans), rôle tenu, et acclamé par la presse, de 1998 à 2001.
Voilà, les doutes dissipés, reste le spectacle, pas moral pour un sou. Au début, le maître de cérémonie annonce : « Mesdames et messieurs, vous allez assister à une histoire de meurtre, de corruption, de cupidité, de violence, d’exploitation, d’adultère et de trahison. » Bien entendu, il s’agit également de danse, de chants... et de fun.
Mais au-delà de la kyrielle de chansons et chorégraphies tout aussi enlevées et esthétiquement travaillées, Chicago s’offre le luxe de raconter une histoire croustillante. Dans le Chicago des années 20, au temps d’Al Capone, deux femmes du music-hall vont croiser leurs destins. D’un côté Roxie, une apprentie vedette de music-hall qui vient de tuer son amant, de l’autre côté Velma, tête d’affiche du cabaret « L’Onyx » qui vient de refroidir son homme et sa sœur. Les deux femmes se retrouvent en prison où rêve et réalité vont nous bercer et nous envoûter tout au long de leur parcours carcéral. Billy, un avocat, va se servir de la presse pour les faire acquitter....

Des minutes de célébrité
Derrière les paillettes et le rythme entraînant des musiques et des chorégraphies, le monde dépeint dans ce spectacle est fondamentalement injuste. On passe de la corruption en prison, des manipulations des médias, de la satire d’une justice à spectacle, à la cupidité et la méchanceté. Au résumé : les gentils sont ridiculisés (dans le meilleur des cas) et les méchants s’en sortent.
Dans ce spectacle sexy, plein d’esprit et rigolo, chaque interprète aura ses quelques minutes de célébrité. O’Connor, en Roxie, s’est composé un caractère inouï, entre fausse cruche nunuche et vraie garce bimbo ; Tim Flavin (Billy Flynn) tire son épingle du jeu en interprétant Razzle Dazzle ; Nicola Hughes se déchaîne en vraie panthère noire féminine et sensuelle (elle a une de ces voix rugissantes !) ; Susannah Fellows, absolument géniale dans le rôle de la matrone de prison, et Paul Baker, pathétique à souhait dans Mr Cellophane. Et, bien entendu, le chef d’orchestre qui s’acquittait de sa tâche avec une énergie jubilatoire. Il mériterait tous les égards.
Chicago, The Musical, savoureuse satire des affres de la célébrité, du désir absolu d’être sous les feux du projecteur, de la superficialité des médias et du système judiciaire, volontairement complices de cette course à la starification. Telle est l’histoire de l’Amérique d’Al Capone (ou de l’Amérique tout court ?). Telle est l’histoire de Roxie Hart.

Maya GHANDOUR HERT
Soyons honnêtes, « Chicago » est le prototype même du spectacle qui fait très peur. Au départ, on y va avec les pires appréhensions. On pense que le film qui a raflé la mise aux oscars va influer sur notre jugement, que le musical va pâtir d’un manque d’originalité et qu’il va être plombé de parallélismes avec la superbe œuvre cinématographique de Rob Marshall. On se pose...