Pendant trois jours, ils ont suivi, au gré des déplacements des artistes, une programmation aussi exigeante qu’excitante concoctée par Sharif Sehnaoui, le discret et talentueux fondateur de l’événement, secondé par sa femme Christine et par son acolyte Mazen Kerbaj.
Recherche immédiate,
entraînement incessant
Si la deuxième édition d’Irtijal (improvisation en arabe) était fortement mélodique, l’édition qui vient de se terminer marque l’entrée en force des dispositifs électro-acoustiques et du minimalisme en provenance du Japon.
Les improvisateurs libanais, entourés par des professionnels venus du Japon donc, mais aussi de France, de Chine et d’Autriche, ont donné un aperçu plus qu’appréciable d’une musique libre, plus échevelée et intransigeante que jamais.
Quand certains choisissent de pousser les limites de leurs instruments au maximum, d’autres ajoutent à cette gageure des transformations opérées sur ces mêmes instruments. Ainsi, un piano verra rebondir sur ses cordes bien apparentes grâce à son couvercle relevé, au gré du jeu, balles, verres en plastique tout comme une trompette ou des saxophones se verront agrémentés d’extensions, de poussoirs mélodiques ou totalement repensés, ne conservant plus que le bec d’origine, auquel a été accolé un immense tube en plastique. Quant aux guitares électriques, certaines d’entre elles sont posées sur les cuisses et leurs cordes frappées par des tiges en bois, en cuivre et par d’autres petits accessoires qui les font passer à un niveau supérieur d’interprétation.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit, en musique improvisée libre : si, sur scène, la recherche est immédiate, l’entraînement, quant à lui, est quasi incessant, afin d’extraire de l’objet musical concerné une substantifique moelle insoupçonnée.
Fil de notes nouvelles
Il ressort donc de ces trois soirées deux constatations majeures : d’abord, de grandes espérances musicales attendent le Liban – contrairement au cinéma, du moins jusqu’à l’arrivée d’un homme ou d’une femme cachés derrière le masque de Zorro –, qui voient ses preux chevaliers, parmi les plus rigoureux et les plus persévérants, se produire sur une scène « off » avec un très grand bonheur (tous ont eu la sagesse d’attendre un niveau honorable pour se produire en public, ce qui est rare ici, où la prétention n’a d’égale que la médiocrité de l’enseignement public).
Ensuite, le plaisir que l’auditeur se réserve, une fois rentré chez lui, de dérouler à loisir le fil interminable de notes nouvelles échouées dans ses oreilles et de se poser de petites questions, aux réponses d’ailleurs bien secondaires : «Instruments bruts ou préparés? Solos ou ensembles? Minimalisme ou polyphonie? Électronique ou acoustique ?». Le public d’Irtijal, comme les vrais enfants gâtés, a droit à tout.
Diala GEMAYEL
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