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Dossier régional - Salamé minimise l’impact du courrier adressé aux banques Comptes du Hamas : l’État appelé à « rectifier le tir »

À l’instar de l’ensemble des pays arabes, le Liban est soucieux de multiplier les gestes de bonne volonté à l’égard des États-Unis, mais semble peu enclin à geler les comptes du mouvement islamiste palestinien Hamas et des associations caritatives qui lui sont proches, en dépit de l’insistance de Washington.
Lundi, la Banque du Liban a révélé avoir envoyé une lettre aux banques libanaises, datée du 8 septembre, leur demandant de lui communiquer tout renseignement relatif à l’existence de comptes bancaires de six dirigeants du Hamas et de cinq associations caritatives qui lui sont liées à en croire le président américain George W. Bush.
Mais à peine rendue publique, cette information a déclenché sur la scène locale des réactions plus ou moins indignées, à commencer par celle du porte-parole du Hamas à Beyrouth, Oussama Hamdane, un des six dirigeants visés, qui a exhorté le chef d’État, Émile Lahoud, à « rectifier le tir », c’est-à-dire à annuler cette directive.
Visiblement, M. Lahoud s’est rapidement ému de l’affaire et a demandé à la BDL de lui fournir « des éclaircissements » sur la lettre adressée aux banques, selon un communiqué de la présidence.
« Le président de la République a demandé à la Banque du Liban de lui fournir des éclaircissements sur la réalité de l’information (...) selon laquelle elle aurait demandé aux banques libanaises de divulguer l’existence de comptes liés aux responsables du Hamas, dont les États-Unis appellent à geler les avoirs », indique le communiqué.
Certes, ce texte ne comporte aucune prise de position de la part du chef de l’État sur cette affaire. Il n’empêche que cette demande traduit un sentiment de surprise à la présidence de la République, qui n’avait apparemment pas été consultée au sujet de la décision de la BDL d’envoyer cette lettre aux banques de la place, alors même que cet envoi date du 8 septembre.
Il convient de signaler que la lettre provient de la Commission spéciale d’enquête sur le blanchiment d’argent, qui travaille depuis sa création en 2002 sous l’égide du gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé. Ce dernier ainsi que de nombreux autres responsables de la BDL se trouvent actuellement à Dubaï, où ils prennent part aux travaux du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
Tard en soirée, M. Salamé a fait parvenir de Dubaï un communiqué explicatif, cherchant clairement à minimiser l’impact de l’affaire.
« Afin de couper court à toute interprétation erronée », M. Salamé indique que la Commission spéciale ne dispose pas, en vertu de la loi qui régit ses activités, de « quelconques prérogatives dans cette affaire, qui porte sur des organisations patriotiques qui défendent leur peuple et leur terre » et qu’elle « ne prend pas en compte les allégations selon lesquelles ces mouvements sont terroristes ».
Le gouverneur assure, d’autre part, que la commission « n’a pris aucune décision de gel de comptes ou de levée du secret bancaire touchant une quelconque personnalité liée à ces organisations ».
Pour M. Salamé, la mesure adoptée « sans arrière-pensée » par la commission est d’ordre purement « technique » et ne sort pas du cadre des activités menées par cet organisme depuis sa création, à savoir « la collecte d’infomations à caractère légalement secret ».
Le gouverneur conclut en soulignant que la BDL est « liée par la politique de l’État libanais et par ses constantes favorables à la Résistance ».
Auparavant, dans l’après-midi, la Commission spéciale avait déjà publié un communiqué affirmant qu’elle n’avait « pris aucune décision touchant à la levée du secret bancaire ou au gel des comptes appartenant à des organisations dont il est question actuellement dans les médias ». Une façon de dire que la lettre envoyée par la commission aux banques ne constitue qu’un premier pas d’un processus qu’il n’est pas nécessaire de mener à son terme.
Une source à la BDL a d’ailleurs expliqué à l’AFP que ce courrier était destiné « à savoir si les parties concernées ou leurs proches ont des comptes dans les banques libanaises », en soulignant toutefois que cette mesure « ne comporte aucune décision de gel, du seul ressort du gouvernement libanais ».

Samaha : Une décision
« contraire » à la position libanaise
Quoi qu’il en soit, le Hamas n’a pas tardé à réagir à cette affaire. « Nous avons été surpris par cette mesure. Nous ne nous attendions pas à ce qu’une telle enquête soit ouverte par le Liban auquel nous faisons confiance dans ses choix stratégiques soutenant l’intifada et la résistance en Palestine, exprimés d’ailleurs par son président Émile Lahoud », a indiqué M. Hamdane dans un communiqué. « Nous exhortons le président Lahoud à intervenir pour rectifier le tir », a-t-il ajouté.
Pour l’instant, le seul commentaire officiel libanais est venu du ministre de l’Information, Michel Samaha, qui s’exprimait au siège du secrétariat général du Hezbollah, à l’issue d’un entretien avec le chef de ce parti, Hassan Nasrallah.
« Les États-Unis et leur Administration sont en droit de formuler les demandes qu’ils jugent opportunes, mais le gouvernement libanais a son propre point de vue », a déclaré M. Samaha. « Notre position politique est que ces mouvements (le Hamas et les autres formations accusées de terrorisme par les États-Unis) ne sont pas des organisations terroristes et, d’ailleurs, nous avons notre propre définition du terrorisme », a-t-il ajouté.
Évoquant la mise au point publiée hier par la Commission spéciale de la BDL, M. Samaha a souligné que la question du Hamas ou du Hezbollah « n’est pas l’objet d’un débat, ni à l’intérieur ni avec une quelconque partie (extérieure) ».
« De toute façon, a-t-il poursuivi, cette décision est contraire d’abord au secret bancaire, et plus important encore, à la position nationale du gouvernement libanais au sujet des mouvements de résistance au Liban et en Palestine occupée. »
Quant au Hezbollah lui-même, il a condamné, dans un communiqué au ton virulent, la mesure prise par la BDL, estimant qu’elle constitue une « acceptation suspecte et dangereuse de la campagne menée par Washington contre le Liban, la Syrie et la résistance palestinienne et libanaise ».
« Il ne suffit pas de revenir immédiatement sur cette mesure, il faut aussi prendre des mesures contre ceux qui ont trempé » dans cette affaire, souligne le communiqué de la formation chiite.
Un autre visiteur de sayyed Nasrallah, le député Nasser Qandil, a lui aussi commenté cette affaire, qualifant la lettre de la BDL de « faux pas mortel » et réclamant « du gouvernement et des plus hautes autorités » de faire le nécessaire pour éviter que cela ne se répète.
M. Qandil a également dit « craindre que la culture de la résistance n’ait régressé à un niveau quelconque » de l’État libanais.
De son côté, l’ancien Premier ministre Sélim Hoss s’est demandé, dans une déclaration, si le Liban avait décidé d’abandonner le secret bancaire et a posé la question de savoir « qui est habilité à prendre la décision de divulguer des comptes appartenant à six responsables du Hamas sans en référer à la Chambre des députés ».
Le président Bush avait annoncé en août le gel des avoirs de six dirigeants du Hamas et des cinq associations accusées de soutenir ce mouvement.
Les six dirigeants sont: le fondateur du Hamas, cheikh Ahmad Yassine, Imad Khalil el-Alami, Khaled Mechaal et Moussa Abou Marzouq, tous deux basés à Damas, Oussama Hamdane, ainsi que Abdelaziz el-Rantissi, haut dirigeant du groupe dans la bande de Gaza.
Quant aux associations caritatives concernées, ce sont : le Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP) basé en France, l’Association de secours palestinien (ASP), basée en Suisse et liée au CBSP, Interpal, dont le quartier général se trouve en Grande-Bretagne, la Palestinian Association, basée en Autriche, et la Sanabil Association for Relief and Development, basée au Liban.
M. Bush avait demandé aux pays européens et aux pays arabes où elles sont basées de prendre des mesures similaires.
À cet égard, le cas de la Jordanie est significatif. La Banque centrale de Jordanie a dû en effet renoncer le 15 septembre à sa décision d’ordonner aux banques du pays de cesser leurs transactions financières avec les six dirigeants du Hamas et les organismes caritatifs liés à ce mouvement.
Le ministre jordanien de l’Information Nabil Sharif a dû expliquer que la décision de la Banque centrale a été prise unilatéralement sans que le gouvernement ne soit mis au courant.
Cette volte-face n’a pas empêché quelque 70 députés jordaniens de réclamer la révocation du gouverneur de la Banque centrale, Oumayya Touqan, preuve du caractère hautement sensible de cette question.
La Syrie, menacée de sanctions par Washington si elle refuse de mettre fin à l’activité des mouvements palestiniens radicaux, a pour sa part ignoré cette demande. Dans ce pays où le secteur bancaire est étatisé, les autorités répètent à l’envi depuis quelques mois que le Hamas et le Jihad islamique n’ont plus d’autres activités que celles de leurs bureaux d’information. Des assurances rejetées jusqu’à présent par les responsables américains, qui continuent de tenir la Syrie en haute suspicion.
D’autres pays, comme l’Arabie saoudite, font preuve de discrétion sur le gel des comptes. Récemment, le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud el-Fayçal, a catégoriquement démenti que Ryad finançait le Hamas.
À l’instar de l’ensemble des pays arabes, le Liban est soucieux de multiplier les gestes de bonne volonté à l’égard des États-Unis, mais semble peu enclin à geler les comptes du mouvement islamiste palestinien Hamas et des associations caritatives qui lui sont proches, en dépit de l’insistance de Washington.Lundi, la Banque du Liban a révélé avoir envoyé une lettre aux banques...