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Électricité - Des descentes-surprises sont prévues sur l’ensemble du territoire L’EDL ne veut laisser aucun répit aux fraudeurs (photo)

Après une interruption d’au moins une semaine due au rationnement imposé par la pénurie des dérivés pétroliers, l’opération d’élimination des branchements illicites a repris depuis quelques jours. En multipliant l’installation des compteurs et en améliorant la perception des factures, l’EDL peut ainsi espérer redresser un tant soit peu sa situation financière et rembourser ne serait-ce qu’une infime partie de ses dettes de fonctionnement qui se sont accumulées depuis des années. Cette opération de fond, qui s’inscrit dans le cadre d’un plan de sauvetage comprenant un volet financier et un autre judiciaire, devrait permettre d’assurer à l’office des rentrées fixes qui n’existaient pas jusque-là.
Selon les prévisions du conseil d’administration, l’office s’attend à percevoir près de 88 % des factures appelées à être émises en 2004 et 92 % en 2005, ce qui réduirait les pertes non techniques dans une proportion de 20 % d’ici à 2004 et de 17 % en 2005. Autrement dit, il s’agit d’une campagne à long terme, qui devrait être suivie et soutenue de près, notamment par les forces de l’ordre ainsi que par les autorités judiciaires qui doivent accompagner le mouvement jusqu’au bout.
Sur le terrain, les multiples procès-verbaux qui ont été dressés depuis le début de la campagne (près de 1 900 en trois jours) révèlent une fraude flagrante dans les rangs de la population, toutes classes confondues. Cette situation trahit une certaine mentalité, à savoir qu’« il y a des gens qui sont tout simplement convaincus que l’électricité ne se paye pas », comme l’affirme un responsable de l’EDL.
« Il faut à tout prix que la justice suive son cours, non seulement pour que les procès-verbaux soient payés, mais aussi pour éviter les récidives et rappeler une fois pour toutes les gens à l’ordre », explique ce responsable, en précisant que cela fait plus d’un an que l’office réclame un appui judiciaire dans son effort de recouvrement des quittances. De son côté, le procureur général près la Cour de cassation, Adnane Addoum, a renvoyé mercredi dernier la balle dans le camp de l’EDL, affirmant que les contrôleurs de l’office ou les sociétés privées de collecte préfèrent entre-temps régler les problèmes « à l’amiable » avant de recourir à la justice, soulignant que les tribunaux n’ont reçu à ce jour que « quelques centaines de PV et non des milliers, comme l’affirment certains ». Toutefois, et si l’on en croit un responsable de l’EDL, des dizaines de milliers de contraventions ont déjà été dressées, et ce bien avant le début de la campagne de débranchement.

Près de 35 000
procès-verbaux
Il faut savoir que la chasse aux fraudeurs avait été initiée depuis longtemps, notamment par EDF, chargée depuis un an et demi d’une mission de consultation, de gestion des règlements de factures et de lutte antifraude dans les secteurs de Chiyah et d’Antélias. Une tâche que le groupe français a entamée dès le début de l’année 2002, marquant une amélioration nette du taux d’encaissement qui a dépassé au bout d’un an les 95 % dans les deux secteurs dont il a la responsabilité. Parallèlement et dans le cadre de leur stratégie de lutte contre les PNT (pertes non techniques), les experts de l’EDF sont parvenus au bout d’un an et demi de travail sur le terrain à augmenter le volume d’énergie enregistré de 30 % par rapport à 2001, considérée comme année de référence.
Cela s’est traduit sur le terrain par la vérification systématique des quelque 300 000 compteurs et plusieurs passages dans toutes les chambres de comptage pour trouver et supprimer les accrochages illicites. Trente-cinq mille procès-verbaux ont été dressés et plus de 20 000 nouveaux compteurs ont été posés.
« Plus de compteurs se sont mis à tourner, et certains plus vite », explique l’expert de l’office en allusion aux compteurs installés pour ceux qui n’en avaient pas, ainsi qu’aux compteurs trafiqués qui dans certains cas n’enregistraient que le un dixième de l’énergie consommée. Tous les compteurs ont été vérifiés et sont aujourd’hui sous haute surveillance.

Les débranchements,
une opération complexe
Ce n’est qu’à partir de 2003 que la société française a pu s’attaquer au problème du branchement illicite, « une opération autrement plus difficile puisqu’il s’agit d’abord de savoir qui est accroché au bout du fil ». En d’autres termes, repérer le fraudeur est techniquement parlant assez compliqué, puisqu’il faut suivre le câble au-dessus des toits et à travers des réseaux de fils inextricables pour localiser l’origine du vol.
Commentant l’opération de débranchement en cours, un expert explique que le problème majeur est la récidive, puisque les fraudeurs se rebranchent dès que l’équipe de contrôle a le dos tourné, « certains dans l’heure qui suit », dit-il.
Mais il n’en reste pas moins que le passage, de plus en plus fréquent, des contrôleurs semble avoir assagi une grande partie des consommateurs qui ont réalisé que les autorités semblent, cette fois-ci, déterminées à aller jusqu’au bout. Ainsi, explique la source de l’EDL, pour le secteur d’Antélias, le nombre de chambres de comptages où sévissait la fraude a baissé de 20 % dès la deuxième opération de contrôle, et de 60 % par rapport a la situation initiale au 3e passage.
Aujourd’hui, la situation présente une baisse de 75 % des accrochages.
Pour le secteur de Chiyah dont le traitement a commencé plus tard, les taux de baisse sont de l’ordre déjà au-delà de 50 % à ce jour. Un résultat significatif qui prouve l’efficacité de la méthode : la présence répétée des contrôleurs est dissuasive. En effet, « une fois les contrôles suspendus, le taux de récidive augmente proportionnellement », poursuit l’expert, en expliquant que les équipes techniques ont cessé de se rendre dans une municipalité de la division d’Antélias pendant trois semaines, un test que l’EDF a voulu mener pour évaluer l’efficacité du système.
À la quatrième semaine, les équipes techniques ont constaté une augmentation de 18 % des fraudes sur la municipalité concernée quand le reste de la division voyait cette proportion baisser d’autant. « Cela prouve que la présence des forces de sécurité est indispensable et qu’elle doit absolument être relayée par la justice », insiste la source, qui relève toutefois qu’il est important de définir le profil des récidivistes.
Selon elle, ce sont surtout les « gros voleurs » – à savoir certains commerçants ou les revendeurs d’électricité – qui font des affaires sur le compte de l’EDL.

L’étau se resserre
« Les petits fraudeurs viennent généralement de familles d’origine modeste qui n’ont pas les moyens de régulariser leur situation. Mais une fois pris, ils n’osent plus se rebrancher », selon la source. C’est le cas par exemple de certains fraudeurs dans les camps palestiniens ou dans les quartiers déshérités de Beyrouth, qui aujourd’hui sont pratiquement sans lumière, n’ayant pas les moyens de payer leurs PV et d’installer un compteur (les PV commencent à 200 000 LL et atteignent plusieurs millions de LL selon l’estimation de l’énergie volée, la moyenne étant aux alentours de 750 000 LL). Ce qu’il faut par contre craindre le plus et réprimer sévèrement c’est « la fraude dite industrielle, qui est bien plus organisée et qui coûte infiniment plus cher à l’EDL », un délit assez fréquent à Jounieh et à Antélias. Les chiffres sont d’ailleurs là pour corroborer ce constat.
À Chiyah, où la facture d’un abonné moyen équivaut aux deux tiers de celle d’un consommateur d’Antélias, « les vols de courant sont plus nombreux. Mais c’est ce dernier secteur qui figure en tête pour ce qui est du volume d’électricité détournée par fraude », fait remarquer l’expert.
Mais comment faire si, malgré les contrôles devenus presque quotidiens, les voleurs n’abdiquent pas. Pour cet expert, l’étau se resserre petit à petit et bientôt il n’y aura plus qu’un petit noyau de récalcitrants qui finiront par se plier à la loi. Car, promet le responsable de l’EDL, des descentes surprises à toute heure du jour ou de la nuit, week-end compris, couplées avec des sanctions sévères sont prévues prochainement sur l’ensemble du territoire national. Cette opération devrait viser les gros fraudeurs essentiellement. « Il faut que les gens sachent que l’EDL se met désormais en ordre de bataille pour attaquer, cette fois-ci avec le soutien effectif de la justice, tous ceux qui, jusque-là, ont fait fi de la loi », conclut le responsable.
Jeanine JALKH
Après une interruption d’au moins une semaine due au rationnement imposé par la pénurie des dérivés pétroliers, l’opération d’élimination des branchements illicites a repris depuis quelques jours. En multipliant l’installation des compteurs et en améliorant la perception des factures, l’EDL peut ainsi espérer redresser un tant soit peu sa situation financière et...