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Vie universitaire - Le ministre de l’Économie rend hommage à Abou au cours de la remise de diplômes à la faculté de gestion Hamadé : Le monde politique risque d’être décrédibilisé au profit de l’uniforme et de l’argent

Le ministre de l’Économie et du Commerce, Marwan Hamadé, a affirmé que l’État libanais « ne semble plus être à même de résoudre toutes les difficultés que posent nos sociétés modernes », soulignant que cette incapacité risque d’avoir pour conséquence de « décrédibiliser le monde politique et de tenter de lui substituer d’autres formes de pouvoirs, notamment ceux de l’uniforme et de l’argent ». M. Hamadé a tenu ces propos au cours de la cérémonie de remise des diplômes de la faculté de gestion et de management de l’Université Saint-Joseph. La cérémonie a eu lieu samedi soir au campus des sciences et technologies, à Mar Roukoz, l’invité d’honneur étant le ministre de l’Économie.
La remise des dipômes de fin d’études de la faculté de gestion concernait cette année 203 étudiants de la promotion de juin 2003 ainsi que 10 diplômés de la promotion de septembre 2002, en sus de 33 diplômés du centre régional de Tripoli, 42 diplômés de Zahlé et 43 diplômés du centre de Saïda.
Après l’hymne national, le père Abou – dont le mandat vient à expiration le 31 juillet prochain – a prononcé un discours de circonstance qu’il a entamé par un hommage à M. Hamadé. « À deux semaines de la fin de mon mandat de recteur, a-t-il notamment déclaré, je voudrais vous rendre hommage pour avoir toujours répondu à l’appel de l’Université Saint-Joseph, soit pour présider une cérémonie de remise des diplômes – celle-ci est la troisième –, soit pour présider un colloque ou un séminaire, soit enfin pour intervenir au cours d’une conférence internationale organisée par l’une de nos facultés. Votre amitié pour l’université et votre appui à son recteur se sont manifestés de plusieurs manières. Vos interventions aux réunions du conseil stratégique dont vous êtes membre ont toujours été hautement appréciées. De tout cela et de votre présence parmi nous ce soir, je vous remercie en mon nom et au nom de l’université (...) »
S’adressant ensuite aux nouveaux diplômés, le père Abou a notamment déclaré : « (...) Placée sur le devant de la scène, l’entreprise a le choix entre trois options, la première est celle de l’entreprise dure et pure : c’est une entreprise uniquement sensible au résultat et ne se préoccupe que du droit à la survie. C’est une situation extrême, qui est celle des entreprises en danger de mort. La survie devient alors la finalité immédiate et absolue. L’entreprise peut se croire tout permis, travailler en sens contraire du bien commun, sous prétexte de ne pas fermer et mettre son personnel au chômage. »
« La deuxième option est celle de l’entreprise qui compose dans les limites de la loi et du marché, a poursuivi le recteur de l’USJ. Elle ne transgresse pas la loi et elle cherche à satisfaire la loi du marché. Mais elle n’ira pas au-delà. Ainsi par exemple, elle ne cherchera pas à réfléchir sur la légitimité des lois ou le bien-fondé de telle ou telle exigence du marché. Pour ce type d’entreprise, il n’y a pas de comportement éthique en tant que tel, mais seulement des obligations qui viennent de l’extérieur et qu’il lui faut respecter. »
« La troisième option est celle de l’entreprise qui choisit le service, ajoute le père Abou. Elle va au-delà de la précédente. Elle favorise le développement des personnes et des institutions, celles-ci trouvant leur raison d’être dans le service des personnes. Ce type d’entreprise permet l’œuvre commune, pour le bien de chacun et de tous. L’entreprise éclairée s’appuie sur la liberté des personnes, sur les droits de l’homme et sur la recherche d’un véritable bien commun » (...).

L’intervention de Hamadé
M. Hamadé a ensuite pris la parole, déclarant, notamment : « (...) De ces mêmes podiums, je me suis adressé à vos anciens, tantôt comme ministre de la Santé et parfois comme ministre des Déplacés. Aujourd’hui, par un juste retour des choses, je salue, en ma qualité de ministre de l’Économie, une nouvelle génération de gestionnaires, échantillon singulier de ce qui manque le plus au Liban, autant au niveau du public que du privé. N’avez-vous pas, tous ici présents, le profond sentiment que notre pays est mal géré quand il n’est pas géré du tout ? N’éprouvez-vous pas, chers professeurs et chers parents autant que nos jeunes promus, le sournois malaise d’une dérive générale » ? (...)
« Je ne vous cacherai pas, en ce moment solennel de remise des diplômes, ni ma crainte ni mes espoirs, a poursuivi M. Hamadé. Ma crainte, d’abord, qui se situe au niveau institutionnel, car notre État dans ses fonctions régaliennes originelles ne semble plus être à même de résoudre toutes les difficultés que posent nos sociétés modernes. Cette incapacité a notamment pour conséquence de décrédibiliser le monde politique et de tenter de lui substituer d’autres formes de pouvoirs, notamment ceux de l’uniforme ou de l’argent. Et comme notre démocratie ne peut se contenter de vivre sur les gloires passées et folkloriques du Liban de papa, elle doit se régénérer sans cesse en inventant de nouveaux mécanismes pour accroître la participation des citoyens à la gestion de la “chose publique”. Je souligne ici le mot gestion qui demeure après tout le label de votre cursus et le titre de votre diplôme. »
Et de poursuivre : « Voilà pour la crainte. Mais même dans la grisaille actuelle, je conserve un immense espoir pour le Liban et surtout pour les Libanais. Permettez-moi donc de m’arrêter un instant sur le laboratoire vivant que constitue notre pays, dont l’histoire, l’évolution institutionnelle et la diversité communautaire et culturelle permettent de tirer quelques leçons. Celles d’abord d’une immunité acquise qui a permis au Liban de faire face à toutes les adversités, qu’elles proviennent de l’intérieur ou de l’extérieur. Celle, ensuite, d’une volonté farouche de ses fils de préserver leurs libertés essentielles dans une région où l’exercice de la démocratie est encore une périlleuse velléité. Celle enfin de maintenir une unité qui traduit, malgré de fréquentes querelles de famille, un sincère désir de vivre en commun. Tout cela, bien sûr, selon la fameuse devise de Paul Valéry : “Si l’État est fort, il nous écrase ; s’il est faible, nous périssons”. D’où ces éternels flux et reflux qui caractérisent nos choix constitutionnels et nos pactes d’entente, dont bien sûr le dernier et combien controversé accord de Taëf (...) »
« Sur la prospérité à construire, puisque c’est le devoir de mon ministère et la vocation de votre diplôme, je m’avancerais à dire que les indicateurs macroéconomiques émergent lentement du rouge ; que la conférence de Paris II nous a apporté une bouffée salutaire d’oxygène, que le marché commun arabe et l’ancrage à l’Europe traduisent bien notre rôle, à retrouver et à restructurer, de pont entre l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud, a également déclaré M. Hamadé. Il reste certes de lourdes tâches : juguler puis réduire la dette, moderniser l’Administration, reformer la justice, bref créer l’environnement où vous pourrez, dès demain, en gestionnaires qualifiés, gérer des entreprises viables et prospères, basées au Liban, ouvertes sur le monde arabe et projetées à l’étranger. N’ayez pas peur de la globalisation, car nos ancêtres ont été les premiers mondialistes et vous pouvez en être les meilleurs spécimens » (...)
Et M. Hamadé de conclure : « Révérend Père Abou, je n’ai pas toujours été d’accord avec vous, mais je ne pousserai pas le ouf de soulagement que l’on entend dans certains cercles politiques. Je vous ai toujours aimé, respecté, admiré. D’abord pour ce que vous avez été. Un exceptionnel recteur. Ensuite pour ce que vous êtes, un admirable homme de cœur, d’esprit, de culture. Enfin et surtout pour ce que vous resterez toujours, non seulement à mes yeux, mais au regard de toute la jeunesse de ce pays : un inlassable défenseur des libertés aux plans académique, socioculturel et politique. Un remarquable héraut et héros dans les deux orthographes du terme, de la démocratie, un père fouettard de tous les régimes autoritaires et policiers. Des paradoxes de l’université à ses défis, à ses tâches, à ses apports, à ses espoirs, à ses veilles, à ses colères et à ses résistances, vous avez tracé le parcours d’une culture politique et balisé le chemin d’une génération de jeunes auxquels je conseille votre dernier recueil, Les Libertés. À ce père Abou entre tous, j’adresse ce soir des sentiments (qui sont, je le sais, les vôtres) d’amitié affectueuse et d’infinie gratitude. Que Dieu vous accorde, avec une longue vie, toutes les ressources pour continuer votre œuvre et votre mission. »
« Cher RP Chamussy, l’Université Saint-Joseph, je le sais, je le sens, est en confiance avec vous. Le remarquable éducateur, l’admirable homme de lettres et d’esprit, l’infatigable professeur, doyen, éditeur est désormais aux commandes du rectorat, à la tête d’une université en plein essor qui ne se contente pas de fabriquer des diplômés et qui peut se vanter d’avoir apporté et de continuer d’apporter au Liban ses jeunes femmes et ses jeunes gens les plus compétents et les plus cultivés. Dans cette passation des pouvoirs, je vois des signes de continuité solide et innovante dans la plus pure tradition de la compagnie de Jésus, que je salue, et qui, je le rappelle, nous a fait l’honneur de nous associer à son conseil stratégique. À ce titre, RP Chamussy, je vous apporte notre soutien indéfectible et notre engagement solidaire (...) »
Le ministre de l’Économie et du Commerce, Marwan Hamadé, a affirmé que l’État libanais « ne semble plus être à même de résoudre toutes les difficultés que posent nos sociétés modernes », soulignant que cette incapacité risque d’avoir pour conséquence de « décrédibiliser le monde politique et de tenter de lui substituer d’autres formes de pouvoirs, notamment...