C’est donc un esprit de cimentation, dans le respect des particularismes, qui animait les législateurs réunis à Taëf. Mais ce climat ne s’est pas perpétué par la suite, à cause d’une pratique défectueuse qui a tronqué Taëf. Or l’accord consistait en un tout aux parties indissociables et le fait que ses dispositions n’aient pas été complètement appliquées, ou se sont trouvées détournées et trahies, l’a dénaturé. En effet, aucune des lois électorales votées par la suite n’en a respecté les préceptes visant à doter le pays d’une saine représentation parlementaire étendue à toutes ses composantes. Au sein de la Chambre, la parité entre musulmans et chrétiens n’est qu’apparente. De même, il n’y a eu aucun gouvernement d’entente nationale effective. Le quorum des deux tiers a été établie, pour la réunion du Conseil des ministres, afin que la participation aux décisions soit bien assurée et qu’elles ne soient pas prises d’une manière unilatérale. Dans ce cadre, la règle de base reste le consensus et veut que les décrets soient arrêtés d’un commun accord, le recours au vote ne devant être qu’exceptionnel.
Pour remédier aux dérives, Husseini souligne qu’il faut tout d’abord une loi électorale juste, équilibrée, s’inspirant de l’esprit même de Taëf comme de sa lettre. Ce qui signifie que si la formation d’un gouvernement devait se faire d’une manière non représentative, il appartient au chef de l’État, en tant que régulateur, de gommer les disparités.
Pour Husseini, Taëf peut se comparer à une ordonnance médicale. Si le pharmacien ne respecte pas les prescriptions de composition du médicament, la faute n’en revient ni à l’ordonnance elle-même ni au médecin qui l’a rédigée. Or c’est aux textes comme au praticien que l’on s’en prend actuellement.
D’autre part, on relève dans le Nahar, sous la plume de l’économiste Toufic Gaspard, ce jugement qui traduit les vues du monde économique : «La crise est certes de nature économique. Mais le début d’une vraie solution ne peut être que politique. » Le spécialiste précise que pour fonder une nation démocratique stable, gage d’une économie prospère, il faut une véritable entente nationale articulée sur le Taëf d’origine et non sur le système que l’on en a tiré. Étant entendu que le Liban doit être libre, dégagé de toute tutelle. Gaspard ajoute qu’il faut une réforme administrative autant que judiciaire ainsi qu’un pouvoir focalisé sur le développement.
Émile KHOURY
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