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Accusations réciproques d’obstruction paralysante La petite guerre entre loyalistes prend de nouvelles formes

L’union sacrée face aux périls. Pour honorer ce vibrant slogan, les dirigeants ont décidé de geler les sujets qui fâchent. Comme l’électricité, les privatisations, les nominations diplomatiques, les postes vacants dans l’Administration, la loi sur la fusion des banques, la loi électorale, la décentralisation administrative, les naturalisations, le cellulaire, les engagements de réforme pris à Paris II, le sort du gouvernement. On en passe et des meilleures. Du coup, l’État se trouve pratiquement paralysé. Avec de pénibles effets collatéraux sur l’économie du pays. Dignes émules des plus grands surréalistes, les protagonistes ne trouvent rien de mieux que de s’accuser réciproquement de ce blocage. Dont ils sont conjointement, mais pas solidairement, responsables. Le peuple grogne, mais ils ont des boules Quies. Naguère, la règle du jeu tacite permettait encore à l’un ou l’autre président, souvent à tour de rôle, d’emporter la décision concernant un projet qui lui tenait à cœur. Même au prix de fortes entorses à la démocratie, en contournant les institutions. C’était le cas pour la refonte du code de procédure pénale ou pour le projet contre les exclusivités d’agences. Mais au fil des jours et des affrontements, chacun a perfectionné un système prophylactique qui consiste à empêcher le vis-à-vis de marquer des points avant même de se soucier de ses propres avantages. D’où une obstruction radicale de tous les dossiers. C’est presque l’histoire classique des deux caprins qui se rencontrent sur une passerelle étroite au-dessus du vide sans qu’aucun ne veuille céder le passage en reculant. La différence est qu’en l’occurrence locale, nul ne risque la chute, et c’est sûrement très heureux. Parce que le pays serait déstabilisé si le régime était affaibli. Et financièrement, ou économiquement, désemparé si la présidence du Conseil n’était plus aux mains d’un certain milliardaire. On se trouve donc dans une situation paradoxale où l’abus de pouvoir se traduit par un vide de pouvoir. En effet, l’on en est arrivé au point où des éléments purement techniques, comme les rotations diplomatiques ou les nominations administratives, sont bloqués par la lutte d’influence entre les grands. Et par leur entêtement à ne suivre qu’une seule règle, celle du partage du gâteau étatique. Quand l’exemple vient d’en haut, il est normal que l’Administration, dont les bonnes prédispositions sont du reste connues, se relâche, se croise les bras ou les pouces, se laisse aller aux délices éthyliques du pot de vin arrosé (c’est le mot) de farniente. Il est normal que, plus que jamais, les fonctionnaires cherchent à se faire protéger par les politiciens, en politisant du même coup les postes qui leur sont confiés. Bref, le tableau est aujourd’hui complet, à l’ombre du parfait ménage que forment la pourriture et la politicaillerie. Dans ces conditions, un professionnel se demande si Hariri réalise l’irréalisme de sa récente promesse d’activer un gouvernement que l’on ne peut, avoue-t-il, ni changer ni même remanier. En privé, Hariri impute, selon ses visiteurs, à « certains partenaires de pouvoir » la responsabilité du marasme ambiant. Ses proches ajoutent que d’aucuns continuent à mettre des bâtons dans les roues du gouvernement, en tentant d’en marginaliser le rôle, d’en affaiblir le chef. Ils ajoutent que la seule riposte de Hariri (à part les confidences qu’ils font) est de ne pas laisser la dispute éclater au grand jour. Pour éviter au pays une crise politique grave. Enfin les haririens se plaignent des critiques reçues au sujet de la récente tournée européenne du Premier ministre, périple qualifié par ses contempteurs de fuite en avant par rapport aux problèmes intérieurs. Toujours est-il que les Syriens, on le sait, ont imposé l’apaisement. En souhaitant qu’il s’accompagne d’une dynamique de travail. Pour ne pas ignorer ces conseils, les autorités ont promis d’activer certains dossiers, dont le mouvement diplomatique et les nominations. Mais ils n’y sont pas parvenus. Le président Lahoud indique, devant ses visiteurs, que son choix de principe, depuis toujours, est de souscrire aux recommandations du ministre concerné. Il précise qu’en l’occurrence, le ministre des Affaires étrangères est le mieux placé pour savoir comment disposer le jeu d’ambassadeurs. Le président du Conseil, apprenant cette position, s’est hâté de la calquer. Il a pris contact avec le chef de la diplomatie, pour l’informer qu’il lui laissait carte blanche. Afin que le mouvement diplomatique redevienne purement routinier, comme jadis. Mais, mystérieuse énigme, malgré le feu vert des deux présidents, le ministre concerné n’a pas cru pouvoir divulguer les permutations. On en reste donc au même point de blocage. Pourquoi ? Sans doute parce que l’intéressé sait que les dires sont une chose et les actes une autre. En d’autres termes qu’il serait inutile de soumettre son projet à un Conseil des ministres qui lui renverrait sa copie séance tenante. D’autant que le locataire du palais Bustros est généralement considéré comme proche non pas de l’Exécutif mais du Législatif... C’est donc assez compliqué. Hammoud, disent ses détracteurs, n’est pas Cardahi. Ce dernier avait refusé que quiconque, le Premier ministre compris, interférât dans les affaires de son département des Télécoms. Il avait subi des pressions telles qu’il avait songé à démissionner et s’en était ouvert au chef de l’État. Omar Karamé était intervenu en sa faveur à la Chambre, en demandant à Hariri de le laisser travailler. Ce sont là cependant des détails, des anecdotes presque. Le gros morceau, relève un professionnel, c’est la présidentielle de 2004. Selon ce technicien, le régime voudrait larguer ou affaiblir Hariri, parce qu’il pense que celui-ci n’est pas disposé à favoriser la reconduction. Philippe ABI-AKL
L’union sacrée face aux périls. Pour honorer ce vibrant slogan, les dirigeants ont décidé de geler les sujets qui fâchent. Comme l’électricité, les privatisations, les nominations diplomatiques, les postes vacants dans l’Administration, la loi sur la fusion des banques, la loi électorale, la décentralisation administrative, les naturalisations, le cellulaire, les...