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JUSTICE - Entre réquisitoire et plaidoiries, une audience animée pour clore le dossier La Cour de cassation prononcera son jugement définitif le 23 avril dans l’affaire de la MTV(photos)

En dépit des tentatives pour dépolitiser le dossier de la MTV, la situation régionale a rattrapé la Cour de cassation, présidée par le juge Afif Chamseddine, en pleine audience. Alors que Me Fouad Chebaklo plaidait en faveur de la réouverture de la chaîne, les nouvelles de la chute de Bagdad ont commencé à parvenir aux personnes présentes dans la salle du tribunal, faisant souffler un vent d’excitation sur l’assistance, comme si, soudain, les raisons qui ont entraîné la fermeture de la MTV étaient sur le point de se dissiper. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si la représentante du parquet, Mme Rabiha Kaddoura, a pressé la cour de prononcer son jugement dans 48 heures, alors que la défense a demandé une délibération publique dans les prochaines 24 heures. Le président a résisté aux pressions et le verdict est fixé au 23 avril. Cette fois, en principe, la décision sera définitive, et d’une manière ou d’une autre, le long feuilleton de la MTV connaîtra son épilogue. En entrant dans la salle du tribunal, nul ne pensait que la chute de Bagdad serait si rapide. Et si juges, avocats et assistance affichent une belle indifférence pour bien montrer qu’il s’agit d’une affaire judiciaire, au fond, tous savent que ce contentieux a un volet politique évident. De report en report, le moment semblait enfin être venu de régler définitivement ce problème qui dure depuis le 4 septembre dernier, lorsque le tribunal des imprimés présidé par M. Labib Zouein avait décidé la fermeture totale de la MTV en se basant sur l’article 68 de la loi électorale. Bien que les détails juridiques, notamment les questions de procédure, soient le côté le moins intéressant de l’affaire, la représentante du parquet et les avocats de la défense les ont largement développés, jouant jusqu’au bout la carte juridique. Et entre Mme Rabiha Kaddoura et les avocats de la défense, notamment MM. Chakib Cortbawi, Ghassan Zeidane et Jean Chidiac, les échanges ont souvent été un peu vifs, Mme Kaddoura insistant pour répondre à toutes les accusations portées contre le parquet de cassation en particulier. MM. Fouad Chebaklo et Ramzi Jreige sont souvent intervenus pour calmer le jeu et éviter tout dérapage, alors que l’assistance, essentiellement formée de M. Gabriel Murr, de ses deux fils, Jihad et Michel, de sa fille et de leurs proches, leurs partenaires, employés ou associés, bouillonnait d’impatience. Entre la forme et le fond, des détails à la pelle Réquisitoire et plaidoiries ont donc porté sur la forme, notamment sur la question de savoir si le recours devant la cour est recevable après l’écoulement du délai légal, et sur le fond, pour déterminer si la MTV représente réellement une menace contre la paix civile et si les actes qui lui sont reprochés sont réellement des crimes passibles de sanctions. Pour Mme Kaddoura, le recours est évidemment irrecevable. D’abord parce qu’une mesure préventive, comme la décision de fermer la MTV, peut être prise même si le coupable présumé n’a pas encore perpétré son crime (une notion on ne peut plus d’actualité si l’on pense à la guerre contre l’Irak), et tant qu’il reste en mesure d’agir dans l’avenir, la menace persiste et la décision reste justifiée. « La gravité de la menace dicte la rapidité de la décision et autorise le non-respect des procédures normales », estime Mme Kaddoura qui ajoute que, comme l’article 68 de la loi électorale n’a pas prévu une possibilité de recours contre les mesures prises dans ce cadre, celui de la défense est donc irrecevable. D’ailleurs, même si la défense pouvait présenter un recours, le délai légal s’est écoulé depuis longtemps et par conséquent, il serait aussi irrecevable. Mme Kaddoura a rejeté les allégations de la défense sur l’illégalité de la notification de la décision du tribunal des imprimés en date du 4 septembre aux responsables de la chaîne. En réalité, la notification est un élément important du dossier puisque c’est à partir de cette formalité que commence à courir le délai de présentation d’un recours. C’est pourquoi une vive discussion a opposé à ce sujet Mme Kaddoura à Me Ghassan Zeidane qui avait reçu la notification de la décision de fermeture le 4 septembre. Et lorsque Me Zeidane a précisé qu’il n’avait pas reçu une copie de la décision de la cour, Mme Kaddoura a rétorqué que même s’il y avait des irrégularités dans la notification, celles-ci n’étaient pas de nature à annuler la décision. Échanges vifs entre le parquet et la défense Mme Kaddoura a enfin estimé que sur le plan du fond, la menace demeure et elle demande donc à la cour de maintenir la fermeture de la chaîne. Me Chakib Cortbawi a rejeté tous les arguments du parquet avec la clarté et l’éloquence qui lui sont familières. Il a particulièrement relevé l’absence de poursuites engagées par le parquet et s’est demandé comment un dossier peut être déféré devant le tribunal des imprimés en passant outre une telle procédure. Il s’est aussi demandé comment on pouvait appliquer les dispositions de l’article 68 de la loi électorale, alors que la période électorale est terminée. Pour lui, c’est clair, ce dossier est truffé d’irrégularités et la meilleure solution serait de lever l’injustice qui frappe la MTV. Me Ramzi Jreige a ensuite pris la parole, rappelant que le terme de fermeture totale cité dans l’article 68 ne signifie pas définitive ou permanente. D’autant qu’une mesure préventive, telle que celle qui a été prise par le tribunal des imprimés le 4 septembre dernier, est, par essence, provisoire puisqu’elle est liée à une situation donnée. De plus, prétendre que la MTV est une menace pour la paix civile, revient à lui faire un procès d’intention, car comment savoir si l’intention criminelle existe ou non tant que la chaîne est fermée ? « À l’heure où on parle de dialogue national et où de graves dangers pèsent sur la région, pouvons-nous rester prisonniers de conflits électoraux ? N’est-il pas temps que la justice fasse entendre sa voix à travers une décision qui permettrait de panser les blessures ? » s’est écrié Me Jreige, avant de céder la parole à Me Fouad Chebaklo, qui sait à merveille parler sur le ton de la confidence, gommant les distances entre avocats et magistrats, dans une sorte d’intimité bienveillante. Une petite pause et c’est ensuite le tour de MM. Ghassan Zeidane et Jean Chidiac, qui ont repris pratiquement les mêmes points tout en s’en prenant violemment à la représentante du parquet de cassation. Les avocats ont toutefois tenu à préciser que la MTV n’a pas attaqué le chef de l’État, le président Émile Lahoud, se contentant de reproduire une déclaration du député élu, Gabriel Murr, et que de toute façon, elle n’a nullement l’intention d’ouvrir une bataille avec le président devant la justice. Par contre, selon eux, il est temps que la justice retrouve son rôle et sa place, qui ont été ternis par le vote d’un texte de loi « inique » (l’article 68 de la loi électorale), qui exige de sa part une grande liberté d’interprétation. Me Zeidane a même été jusqu’à réclamer que le parquet se retire du tribunal puisqu’il n’est pas partie dans cette affaire, n’ayant pas pris la peine d’engager des poursuites. Ce qui a positivement mis Mme Kaddoura hors d’elle. Elle s’est empressée de lire des articles de loi qui montrent que le parquet fait partie de l’ensemble du tribunal. Toutes ces escarmouches n’ont pas dépassé les limites de la bienséance. Finalement, après avoir écouté tous les points de vue et pris note des revendications des deux parties, le président Chamseddine a annoncé que le jugement définitif sera prononcé le 23 avril. La MTV et ses 450 employés seront enfin fixés sur leur sort. Scarlett HADDAD
En dépit des tentatives pour dépolitiser le dossier de la MTV, la situation régionale a rattrapé la Cour de cassation, présidée par le juge Afif Chamseddine, en pleine audience. Alors que Me Fouad Chebaklo plaidait en faveur de la réouverture de la chaîne, les nouvelles de la chute de Bagdad ont commencé à parvenir aux personnes présentes dans la salle du tribunal, faisant...