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« Les jeunes sont attirés, ils ne savent pas où ils vont » « Adorateurs de Satan » : témoignage d’un exorciste

«Le démon, mythe ou réalité ? » Cette question, dont le théologien René Laurentin a fait le titre d’un de ses meilleurs ouvrages (*), résume une bonne partie de la situation que nous vivons. Tout le monde parle du démon, sans trop savoir de quoi il s’agit. Car la répression contre les jeunes « adorateurs de Satan », leurs « messes noires » et leurs tatouages a pris le pas sur toute autre chose. Après une période d’ignorance totale, voici celle du délire collectif, au point que le premier bijou fantaisie est confondu avec la marque du royaume des ténèbres. Dans les cercles religieux, ce savoir est codifié, encore que la « croyance » au démon a fortement régressé. La « démythologisation » est passée par là. C’est une personnification du mal, sans plus, vous dira-t-on. Pourtant, l’expérience des exorcistes atteste, depuis le Christ qui a exercé ce ministère, l’existence de ce que l’Évangile appelle des « esprits impurs ». Une longue tradition écclésiale confirme ce ministère, d’où l’intérêt qu’il y avait à recueillir sur cette question l’avis de l’un d’eux. « En fait, ça existe. » À aucun moment, l’exorciste tranquille qui nous reçoit, assis derrière sa table de travail, et qui tient à garder l’anonymat, ne donnera d’autre nom que celui de « démon » à l’objet de notre entretien. Discret, choisissant ses mots, il fait le point plutôt brièvement sur la question, avant de nous congédier gentiment. « Il faut se rendre compte du danger. Les gens n’y croient pas. Des prêtres, des évêques n’y croient pas. Dans les facultés de théologie, on n’y croit pas. Je suis content qu’on en parle, mais peut-être en fait-on trop », admet-il. Un constat d’abord : « Les milieux jeunes sont attirés. Ils ne savent pas où ils vont. C’est assez grave. Ils y sont attirés par des adultes qui viennent souvent de l’étranger. Les jeunes participent, mais ce ne sont pas eux qui m’inquiètent. C’est ceux qui sont consciemment des instruments du démon qui lui rendent un culte. Il en existe au Liban. Ils font partie d’une société secrète. Là, il y a une sorte d’engagement au démon. Ils se réunissent à dates fixes pour des orgies et des profanations d’hosties consacrées. J’ai remarqué que ceux qui essaient d’organiser ces sectes viennent d’Europe ou des États-Unis. Ils se connaissent entre eux. Ils se contactent. C’est discret. L’argent joue parfois un rôle. On dit au jeune, viens avec nous, on paiera ta scolarité. Il faut éviter d’avoir affaire à ces gens. » « Par contre, enchaîne l’homme d’un certain âge assis devant nous, ce qu’on trouve très souvent au Liban, ce sont les maléfices et les écritures, les “ katibé ”. Ça aussi, c’est vrai. Malheureusement, les gens sont ignorants. On fait appel au voyant pour se venger, pour voir l’avenir, pour empêcher un mariage ou en forcer un. Ce sont des choses qui marquent. Ça risque de toucher toute la famille. Ce sont en général ces gens-là qui viennent voir les exorcistes. » Sur le nombre des exorcistes au Liban, notre prêtre précise : « Les exorcistes sont très peu nombreux. Vous savez qu’il faut la permission de l’évêque pour pouvoir être exorciste. Au Liban, nous sommes quatre ou cinq. Je ne crois pas qu’il y en ait plus. On se connaît tous, on s’envoie les gens. » Comment se fait la libération d’une personne oppressée ? « Il faut du temps, reprend l’exorciste. Ce n’est pas du premier coup qu’on les libère. On travaille par la prière, le jeûne. Il n’y a pas de règles générales. Je le fais avec des gens qui prient, des religieuses. La confession, le chapelet, la médaille miraculeuse, l’eau bénite sont efficaces. Les reliques de la vraie croix aussi. Ils ne peuvent supporter le crucifix. Les possédés ne peuvent pas entrer dans une église. C’est fou la force que peut avoir le prêtre. Il y a des prières spéciales. Je fais ça en latin. Les gens sont moins impressionnés par les prières, mais le démon, lui, les comprend. » Qu’est-ce qui pousse des gens à recourir à des voyants ? « Il y a des gens qui ont recours aux voyants pour obtenir de l’argent ou découvrir des trésors, répond le prêtre. Vous avez ça en montagne. Les gens se transmettent un secret sur l’existence d’un trésor enfoui dans la terre. On a recours au voyant pour le localiser. Le trésor est gardé par le démon. Il faut lui donner quelque chose en échange pour l’obtenir. » Et de poursuivre avec ces mots terribles : « Parfois, on lui donne des personnes. » « Ces choses-là se sont multipliées dans les milieux simples, commente notre exorciste. Il faut savoir que c’est un péché grave. C’est faire appel à des esprits mauvais. Il n’y a pas d’esprits bons. Il y a des anges, mais les anges ne font pas ça. Sans compter que c’est souvent pour faire le mal qu’on le fait. » Fady NOUN (*) Le démon, mythe ou réalité, René Laurentin, Fayard, 368 pages.«Le démon, mythe ou réalité ? » Cette question, dont le théologien René Laurentin a fait le titre d’un de ses meilleurs ouvrages (*), résume une bonne partie de la situation que nous vivons. Tout le monde parle du démon, sans trop savoir de quoi il s’agit. Car la répression contre les jeunes « adorateurs de Satan », leurs « messes noires » et leurs tatouages a pris le pas sur toute autre chose. Après une période d’ignorance totale, voici celle du délire collectif, au point que le premier bijou fantaisie est confondu avec la marque du royaume des ténèbres. Dans les cercles religieux, ce savoir est codifié, encore que la « croyance » au démon a fortement régressé. La « démythologisation » est passée par là. C’est une personnification du mal, sans plus, vous dira-t-on. Pourtant, l’expérience des exorcistes atteste, depuis le Christ qui a exercé ce ministère, l’existence de ce que l’Évangile appelle des « esprits impurs ». Une longue tradition écclésiale confirme ce ministère, d’où l’intérêt qu’il y avait à recueillir sur cette question l’avis de l’un d’eux. « En fait, ça existe. » À aucun moment, l’exorciste tranquille qui nous reçoit, assis derrière sa table de travail, et qui tient à garder l’anonymat, ne donnera d’autre nom que celui de « démon » à l’objet de notre entretien. Discret, choisissant ses mots, il fait le point plutôt brièvement sur la question, avant de nous congédier gentiment. « Il faut se rendre compte du danger. Les gens n’y croient pas. Des prêtres, des évêques n’y croient pas. Dans les facultés de théologie, on n’y croit pas. Je suis content qu’on en parle, mais peut-être en fait-on trop », admet-il. Un constat d’abord : « Les milieux jeunes sont attirés. Ils ne savent pas où ils vont. C’est assez grave. Ils y sont attirés par des adultes qui viennent souvent de l’étranger. Les jeunes participent, mais ce ne sont pas eux qui m’inquiètent. C’est ceux qui sont consciemment des instruments du démon qui lui rendent un culte. Il en existe au Liban. Ils font partie d’une société secrète. Là, il y a une sorte d’engagement au démon. Ils se réunissent à dates fixes pour des orgies et des profanations d’hosties consacrées. J’ai remarqué que ceux qui essaient d’organiser ces sectes viennent d’Europe ou des États-Unis. Ils se connaissent entre eux. Ils se contactent. C’est discret. L’argent joue parfois un rôle. On dit au jeune, viens avec nous, on paiera ta scolarité. Il faut éviter d’avoir affaire à ces gens. » « Par contre, enchaîne l’homme d’un certain âge assis devant nous, ce qu’on trouve très souvent au Liban, ce sont les maléfices et les écritures, les “ katibé ”. Ça aussi, c’est vrai. Malheureusement, les gens sont ignorants. On fait appel au voyant pour se venger, pour voir l’avenir, pour empêcher un mariage ou en forcer un. Ce sont des choses qui marquent. Ça risque de toucher toute la famille. Ce sont en général ces gens-là qui viennent voir les exorcistes. » Sur le nombre des exorcistes au Liban, notre prêtre précise : « Les exorcistes sont très peu nombreux. Vous savez qu’il faut la permission de l’évêque pour pouvoir être exorciste. Au Liban, nous sommes quatre ou cinq. Je ne crois pas qu’il y en ait plus. On se connaît tous, on s’envoie les gens. » Comment se fait la libération d’une personne oppressée ? « Il faut du temps, reprend l’exorciste. Ce n’est pas du premier coup qu’on les libère. On travaille par la prière, le jeûne. Il n’y a pas de règles générales. Je le fais avec des gens qui prient, des religieuses. La confession, le chapelet, la médaille miraculeuse, l’eau bénite sont efficaces. Les reliques de la vraie croix aussi. Ils ne peuvent supporter le crucifix. Les possédés ne peuvent pas entrer dans une église. C’est fou la force que peut avoir le prêtre. Il y a des prières spéciales. Je fais ça en latin. Les gens sont moins impressionnés par les prières, mais le démon, lui, les comprend. » Qu’est-ce qui pousse des gens à recourir à des voyants ? « Il y a des gens qui ont recours aux voyants pour obtenir de l’argent ou découvrir des trésors, répond le prêtre. Vous avez ça en montagne. Les gens se transmettent un secret sur l’existence d’un trésor enfoui dans la terre. On a recours au voyant pour le localiser. Le trésor est gardé par le démon. Il faut lui donner quelque chose en échange pour l’obtenir. » Et de poursuivre avec ces mots terribles : « Parfois, on lui donne des personnes. » « Ces choses-là se sont multipliées dans les milieux simples, commente notre exorciste. Il faut savoir que c’est un péché grave. C’est faire appel à des esprits mauvais. Il n’y a pas d’esprits bons. Il y a des anges, mais les anges ne font pas ça. Sans compter que c’est souvent pour faire le mal qu’on le fait. » Fady NOUN (*) Le démon, mythe ou réalité, René Laurentin, Fayard, 368 pages.
«Le démon, mythe ou réalité ? » Cette question, dont le théologien René Laurentin a fait le titre d’un de ses meilleurs ouvrages (*), résume une bonne partie de la situation que nous vivons. Tout le monde parle du démon, sans trop savoir de quoi il s’agit. Car la répression contre les jeunes « adorateurs de Satan », leurs « messes noires » et leurs tatouages a pris le...