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Paris et Berlin ne jouent plus le rôle moteur dans l’Europe, déplore Helmut Schmidt (photo)

Paris et Berlin ne jouent plus le rôle moteur dans la construction européenne qu’ils ont joué par le passé, déplore l’ancien chancelier social-démocrate allemand Helmut Schmidt, 85 ans, père avec l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing du Système monétaire européen, dans un entretien accordé à l’AFP et au quotidien Le Monde. Q. Le traité de l’Élysée de 1963 est-il aussi important que les festivités d’aujourd’hui l’affirment ? R. Le traité lui-même est moins important que la coopération entre Paris et Berlin. Aujourd’hui, le moteur franco-allemand de l’Europe n’existe plus. Son « renouveau » est surtout une auto-intoxication dont on se gargarise à Paris et à Berlin. Bien sûr, leur relation est bien meilleure que celles qu’entretiennent les deux pays avec Washington, mais elle est, et de loin, bien moins bonne qu’entre 1974, à l’arrivée au pouvoir en France de Valéry Giscard d’Estaing (et de Helmut Schmidt en Allemagne) et la chute du mur en 1989. Q. Comment l’expliquez-vous ? R. La réunification allemande a ravivé de vieilles craintes françaises à l’égard de la « grande » Allemagne. Et Bonn n’a plus eu la même sensibilité aux intérêts français qu’avant. Seules initiatives notoires, depuis 1989 : l’euro et l’élargissement de l’Union européenne. Mais qu’il s’agisse du cadre institutionnel ou financier, cet élargissement n’a pas été préparé en commun par Paris et Berlin. Q. Pourquoi ? R. Par opportunisme. Ils étaient trop lâches pour en tirer les conséquences institutionnelles. Cela vaut pour tous les responsables européens, et encore plus pour la France et l’Allemagne. Faute d’accord, Paris et Berlin ont accouché, en dernière minute, de la Convention sur l’avenir de l’Europe. Q. Mais Paris et Berlin viennent de s’entendre sur une « double présidence » de l’UE... R. Ce n’est pas une contribution suffisante pour réussir l’élargissement. Rien n’est dit au sujet du futur ministre des Affaires étrangères européen. Quelles compétences auront les deux présidents ? Et quelles compétences aura l’UE ? Q. Schröder a-t-il raison de refuser une participation allemande à un conflit en Irak ? R. J’aurais applaudi si, en la matière, Berlin avait étroitement collaboré avec Paris. Aujourd’hui ils disent qu’ils vont se consulter étroitement. C’est possible et même souhaitable. Mais seule la Pythie de Delphes sait ce qu’il en sera. Q. Comment jugez-vous la politique européenne à l’égard de la Turquie ? R. C’est une politique hypocrite. Les Quinze donnent l’impression de saluer une adhésion future de la Turquie, mais en réalité ils savent qu’elle n’en remplit pas les conditions. La Turquie doit être associée économiquement à l’UE, mais son adhésion serait une erreur. Après la Turquie, pourquoi pas demain le Maroc ou l’Algérie ? L’élargissement vers l’Asie ou l’Afrique rendrait toute politique étrangère commune pratiquement impossible. Enfin, à la fin du XXIe siècle, il y aura plus de Turcs que de Français et d’Allemands réunis. Nous ne sommes pas préparés à une vague d’immigration et nous n’y avons pas intérêt. Q. Qu’est-ce qui fait défaut à l’actuel couple franco-allemand ? R. La reconnaissance qu’un bon fonctionnement européen est dans l’intérêt vital de la France et de l’Allemagne fait défaut à Paris comme à Berlin. Beaucoup des initiatives décisives de la construction européenne sont venues de France et sans elles, rien n’aurait abouti. Il en ira de même dans les années à venir. La France dispose d’atouts que les Allemands n’ont pas et n’auront jamais : l’arme nucléaire, le droit de veto au Conseil de sécurité, le prestige mondial de la culture française. À l’inverse, le souvenir d’Auschwitz et de l’Holocauste pèsera encore pendant des générations sur les Allemands. En clair : les Allemands ont besoin des Français un peu plus que les Français ont besoin des Allemands.
Paris et Berlin ne jouent plus le rôle moteur dans la construction européenne qu’ils ont joué par le passé, déplore l’ancien chancelier social-démocrate allemand Helmut Schmidt, 85 ans, père avec l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing du Système monétaire européen, dans un entretien accordé à l’AFP et au quotidien Le Monde. Q. Le traité de l’Élysée de...