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Déception, inquiétude sociale, recherche d’une identité, défense d’un mode culturel et peur du « communisme » Le réveil des classes moyennes ou « l’alliance » rompue

Elles avaient déserté la politique pendant des dizaines d’années, mais depuis sept semaines les classes moyennes vénézuéliennes battent quotidiennement le pavé de Caracas, dans une ambiance festive malgré certains dérapages sanglants, pour se débarrasser du président Hugo Chavez qu’elles avaient pourtant contribué à élire. Pour expliquer ce phénomène de réveil des classes moyennes et de leur engagement nouveau dans la lutte politique, des universitaires vénézuéliens de diverses tendances interrogés par les journalistes dressent le portrait d’un groupe social à la fois déçu, inquiet pour son niveau de vie économique, à la recherche d’une identité, défendant un mode culturel et travaillé par la peur du « communisme ». L’enjeu est le « changement d’élite » en cours, explique Miguel Lacabana, un chercheur du Centre d’études du développement (CENDES) de l’Université centrale du Venezuela (UCV). « Elles ont été les alliées de Chavez quand il a proposé un projet national, mais rapidement elles se sont rendues compte que ce projet ne les concernait pas », dit-il. À partir de la fin des années 60, les classes moyennes « ont délégué la conduite du pays, puis ont délaissé la politique, et Chavez a été aussi leur candidat », approuve le Dr Trino Marquez, responsable du département des sciences sociales de l’UCV. Pour lui, le point de rupture est atteint à partir de 1999 lorsque le président Hugo Chavez tente de réformer l’Éducation nationale. « L’État a voulu intervenir dans l’école privée et utiliser le système éducatif pour transmettre les valeurs de la révolution bolivarienne », explique-t-il. Ensuite, Hugo Chavez a voulu mettre en œuvre une loi sur la terre et fait voter une loi pour gouverner par décrets, rappelle-t-il. « Pour la première fois nous nous trouvons empêchés de mener des activités dans une forme d’atteinte aux libertés », ajoute le professeur Tomas Paez, un militant expérimenté de gauche engagé dans le combat anti-Chavez. « Il y a là une peur historique face au fantasme du communisme », répond le sociologue du CENDES, Ramon Casanova. « L’alliance a été rompue » sur la question de l’enseignement, opine aussi le chercheur Miguel Lacabana, mais également parce que les classes moyennes ont senti qu’elles « perdaient des avantages sociaux accumulés », alors « qu’elles étaient déjà appauvries et plus vulnérables », poursuit le sociologue Ramon Casanova. Leur réaction est « identitaire », et notamment la présence massive de jeunes dans les manifestations de l’opposition répond en miroir « à la prise de conscience des classes populaires de leurs droits », explique-t-il. Dans cette crise, il y a aussi « une confrontation culturelle », note pour sa part Francisco Javier Velazco, un autre chercheur du CENDES. Les jeunes des classes moyennes « repoussent les valeurs culturelles du chavisme, qu’ils identifient au Canal 8 de la télévision, la chaîne du gouvernement qu’ils appellent “le canal gris” », poursuit le Pr Casanova. Ils « défendent un mode de vie, une identité par la différence » souvent en référence au modèle américain alors que Hugo Chavez représente une « récupération nationale », ajoute Miguel Lacabana, qui voit « aussi une composante raciste » dans leur mouvement. Quant à la joie qui s’exprime dans les manifestations, « elle répond à un phénomène de tribalisme », estime Ramon Casanova. « C’est comme aller à une fête, on y va avec ses amis », ajoute Cecina Caviola, elle aussi du CENDES. Non, « ils refusent simplement le modèle monacal, triste, de ne vivre que pour la lutte, d’avoir des ennemis », que leur propose Hugo Chavez, juge Tomas Paez.
Elles avaient déserté la politique pendant des dizaines d’années, mais depuis sept semaines les classes moyennes vénézuéliennes battent quotidiennement le pavé de Caracas, dans une ambiance festive malgré certains dérapages sanglants, pour se débarrasser du président Hugo Chavez qu’elles avaient pourtant contribué à élire. Pour expliquer ce phénomène de réveil des classes...