Rechercher
Rechercher

Actualités

Conférence - Le devoir de vérité du journaliste envers le citoyen La situation des médias dans le monde arabe : un bilan négatif

Comme une peau de chagrin, la liberté d’information continue de se réduire au Liban et dans le monde arabe, au rythme des transformations survenues sur la scène internationale et des priorités politiques internes que dictent des régimes autoritaires de plus en plus insécurisés. Encadrés par des législations adaptées aux circonstances, les médias ont fini par jouer le jeu. Séduits par les avantages financiers ou autres que font miroiter les responsables politiques, les journalistes ont abdiqué leur rôle de quatrième pouvoir, compromettant ainsi leur mission sacrée de dire la vérité, rien que la vérité. Tel est le bilan autrement négatif qui a été dressé hier sur l’état des médias au Liban et dans la région. Organisée par la Fondation Joseph et Laure Moghayzel, dans le cadre du programme de l’Observatoire de la démocratie au Liban, en coopération avec l’Union européenne, la conférence, qui se poursuit encore aujourd’hui, a tenté de faire la lumière sur la question des libertés et de la démocratie en rapport avec le droit des citoyens à l’information. Que ce soit du point de vue du cadre juridique qui régit le métier de journaliste ou de la dimension professionnelle à proprement parler, l’état des lieux est on ne peut plus décevant en ce début de siècle, si l’on en croit les multiples intervenants qui se sont succédé à la tribune. « L’espace de liberté laissé aux journalistes dans le monde arabe pourrait à peine suffire à un seul. » Exprimée par un journaliste égyptien, Sayyed Mahmoud Hassa du quotidien al-Ahram, cette opinion sera amplement partagée par ses collègues. En Égypte comme en Jordanie d’ailleurs, c’est surtout la presse à scandales qui a le mieux réussi à critiquer et à dénoncer la corruption et les violations en tout genre. À l’abri de l’emprise exercée par les gouvernements respectifs sur la presse officielle ou semi-officielle, ces médias ont subtilisé un espace de liberté relativement important, constatent les conférenciers égyptiens et jordaniens. Ils dénoncent toutefois les multiples pressions et contraintes, juridiques notamment, qui entravent leur travail au quotidien . « Sur une durée de six ans, la loi sur les médias a été modifiée quatre fois. Le dernier amendement en date a abrogé le droit du journaliste à ne pas dévoiler ses sources, sauf décision du tribunal. » Rédactrice à Jordan Times, Bissam Chami cite pour preuve les passages fréquents – 2 à 3 fois par semaine – de l’un de ses collègues devant les tribunaux. Plus pernicieux, les obstacles qui entravent le métier de journaliste au Liban n’en sont pas moins fatals à la liberté d’information. « Avant même de parler de droit du citoyen à l’information, parlons donc de notre droit à nous, journalistes, à cette information », s’indigne Hyam Kossayfi, journaliste au quotidien an-Nahar. Témoignant de la difficulté, voire du calvaire de tout journaliste à obtenir des informations, notre collègue explique comment celles-ci sont devenues le monopole des trois présidences qui distillent, à leur gré, par bureaux de presse interposés, renseignements et révélations. « Dans ce métier, on ne peut obtenir des informations que si l’on se rapproche de telle ou telle personnalité politique », précise l’intervenante avant de dénoncer les autres types de contraintes internes que peut rencontrer le journaliste au sein même de son média. Mme Kossayfi rappelle à ce titre comment, le jour de la mutation du chef des services de renseignements syrien au Liban, Ghazi Kanaan, les médias se sont vu interdire, la veille, la publication de toute information à ce propos. Mais les journalistes ne sont pas que des victimes. Ils sont souvent complices d’un système dont ils tirent eux-mêmes profit. C’est le constat amer que fait à son tour Walid Abboud, secrétaire de rédaction de Nahar ach-chabab, en faisant le procès du pouvoir de l’argent sur le milieu médiatique et la dégénérescence du système politique. Avec un franc-parler devenu inhabituel, il stigmatise « les liens de connivence » qui se sont créés entre les responsables politiques – « ces sultans qui ne tolèrent ni la critique ni la liberté » – et un nombre grandissant de journalistes « pétrifiés par le suivisme ». Énumérant les dangers qui menacent ce métier, Walid Abboud cite au passage la situation sécuritaire qui a poussé les responsables « à s’inspirer des modèles autoritaires qui prévalent dans le monde arabe plutôt que du modèle libéral ». Il dénonce en outre « le caractère sacré et l’intangibilité de certaines institutions, telles que la présidence de la République, l’armée, la justice et les institutions religieuses », qu’aucun journaliste ne saurait aborder. « Enfin, dit-il, les liens que tissent certains organes de presse (avec le pouvoir notamment ) les conduisent à occulter les informations concernant leurs bailleurs de fonds ou leurs alliés en puissance, reflétant ainsi une vérité sélective, selon les intérêts en jeu. » Et le rédacteur en chef exécutif d’an-Nahar, Edmond Saab, de rappeler qu’il ne faut surtout pas oublier « qu’en définitive, ce n’est pas le journaliste qui est détenteur du pouvoir, mais l’opinion publique ». « C’est elle qui doit fixer les règles d’éthique et les garde-fous de ce métier », dit-il, en soulignant qu’après tout « le pouvoir ne veut pas la vérité mais sa propre vérité ». Je.J.
Comme une peau de chagrin, la liberté d’information continue de se réduire au Liban et dans le monde arabe, au rythme des transformations survenues sur la scène internationale et des priorités politiques internes que dictent des régimes autoritaires de plus en plus insécurisés. Encadrés par des législations adaptées aux circonstances, les médias ont fini par jouer le jeu....