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Actualités - ANALYSE

Cabinet - Des listes de noms par dizaines Les préparatifs s'articulent autour de la nécessité d'un consensus général

Les principales parties intéressées ont beau jouer aux rosières effarouchées qui ne veulent pas parler hymen avant les fiançailles, la caste politique bruisse aujourd’hui, comme les feuilles au vent d’automne, de rumeurs, de spéculations sur la nature, la forme, le volume, la répartition des postes-clés, la composition politique ou mondaine du prochain Cabinet. On est déjà en pleins pronostics nominatifs, et il y a autant de listes qui circulent dans les salons que de ministrables, c’est-à-dire des dizaines. Mais un cran au-dessus, et plus sérieusement, les pôles de décision, intérieurs ou extérieurs, s’activent en d’inlassables concertations préparatoires. Certes, les présidents Lahoud et Hariri répètent tous deux qu’il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs et que rien ne se dessinera avant les délais légaux, entendre avant le 17 octobre. Mais, tout en leur donnant globalement raison, à cette nuance près qu’il ramène pour sa part la date-butoir au 10 octobre, le président Berry entreprend une navette incessante entre les deux hommes. Une démarche pressante qui, au-delà d’une réconciliation de personnes déjà pratiquement acquise, vise à la mise en forme d’un large consensus politique. Ce qui permettrait au pays d’éviter les affres du suspense ou les secousses de différends de dernière heure. Au centre du dispositif envisagé, une figure de proue, M. Rafic Hariri. Pour l’heure, il revêt le costume du candidat unique, virtuellement élu d’office. Ceci bien qu’il se défende de postuler quoi que ce soit, affirmant, sans rire, que son bloc parlementaire de 18 membres doit se réunir pour fixer son choix en ce qui concerne la désignation du prochain Premier ministre. En fait, sa réserve ne procède pas d’une quelconque coquetterie de sauveur qui veut se faire désirer, mais d’une prudence élémentaire. Il est bien placé en effet pour savoir que le régime présent ne lui voue pas une cordialité absolue. S’il prenait des airs triomphalistes ou s’il faisait mine de s’imposer, il risquerait une sévère rebuffade. Dès lors, dans la mesure où il tient à retrouver le pouvoir, l’ancien président du Conseil affirme ne pas y tenir. Encore qu’il ne manque pas de préciser honnêtement que, le cas échéant, il répondrait présent «à l’appel du devoir» et du peuple réunis. C’est d’ailleurs la gravité de la situation qui provoque en pratique l’élimination de toute autre candidature. Aucun autre postulant possible n’a l’immodestie de croire qu’il peut, sur tous les plans, assumer la responsabilité. Plus exactement, aucun d’entre eux ne prétend disposer des mêmes écrasants atouts que M. Hariri : amitiés syriennes, large assise populaire et parlementaire locale, entregent puissant dans les capitales occidentales, influence certaine chez les investisseurs ou donateurs potentiels. Certes, on peut penser que M. Sélim Hoss présente de son côté certains avantages spécifiques, comme la confiance de Baabda ou la science économique. Mais voilà, il a chuté sur l’écueil des élections et, de ce fait, il n’hésite pas, lui-même, à soutenir la candidature de son rival. Homme de conscience, sincèrement soucieux de l’intérêt du pays, le chef de gouvernement sortant plaide en plein Conseil des ministres pour que tout soit fait afin d’aider le prochain Cabinet à réussir. Un exemple que d’autres, pourtant apparemment plus proches de Koraytem, pourraient bien ne pas suivre. Tant les appétences et ce que l’on appelle les intérêts particuliers sont forts. Il faut souligner cependant que la marge des manœuvres politiciennes paraît cette fois limitée par la conjoncture difficile que traverse le pays. La priorité socio-économique s’impose d’elle-même et réduit au silence toute revendication sordide. Elle va même plus loin, plus en profondeur. Dans ce sens qu’elle constitue pour le pouvoir, en place ou à venir, une perche rêvée pour se sortir du bourbier de la polémique sur la présence militaire syrienne. Le thème «Ce n’est pas le moment» a du reste été indiqué par le titulaire actuel de la baguette de chef d’orchestre, M. Sélim Hoss, à son successeur, qui n’aura plus qu’à suivre la partition (si l’on ose dire). Du reste, tout aussi prudent à ce sujet que dans son comportement à l’ égard du régime, le seigneur de Koraytem évite soigneusement de prendre position au sujet du manifeste de Bkerké et d’autres questions sensibles intéressant l’Est politique. Il reste qu’en gagnant du temps, il ne pourra quand même pas esquiver toutes les difficultés. Ainsi, pour le peu qu’il en a dit, M. Hariri s’est prononcé pour un Cabinet homogène. Ce qui sous-entend que l’idée d’un Cabinet d’entente nationale, défendue par ses deux alliés MM. Berry et Joumblatt, ne le fascine pas spécialement. Et on le comprend : il faut d’abord savoir ce qu’en pensent les décideurs. Ceci étant, M. Hariri, indiquent ses confidents, a quand même déjà sa petite idée sur ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Du moment qu’il aura le redressement à charge et qu’on l’en tiendra responsable, il veut choisir lui-même ses instruments de travail, c’est-à-dire le staff politique ou technique qui fera le vrai travail de terrain. Cela va des ministres-clés (des Finances en tête) aux contremaîtres de chantiers, en passant par les conseillers ou les Conseils, comme ce CDR que M. Hoss a eu le bon goût de ne pas passer à la trappe. N’hésitant pas à recourir à une métaphore incendiaire, l’un de ses proches compare M. Hariri à la fameuse compagnie californienne de choc Red Alert. Cette entreprise, que tout le monde du pétrole et du gaz apprécie, intervient pour éteindre n’importe quel sinistre-catastrophe. Mais elle exige d’avance qu’on ne discute pas les moyens qu’elle peut employer. Elle peut tout réquisitionner : les ports, les aéroports, les biens des particuliers qui peuvent se révéler utiles. Et pour souffler le feu d’un puits qui brûle, elle n’hésite pas à en faire sauter le cas échéant dix autres, voire à dévaster toute une région. Ça promet, pourrait-on dire. Car cette forte comparaison haririenne vient confirmer la prédication du président Nabih Berry : le prochain gouvernement prendra des décisions impopulaires pour alléger la dette publique. C’est-à-dire qu’il prendra des sous dans la poche des Libanais. Les mêmes sources croient savoir que M. Hariri veut, cette fois, former le gouvernement à sa guise. Il refuserait de jouer le jeu si on tentait de lui imposer, comme par le passé, des ministres parachutés déterminés et des contestataires invétérés. Ainsi, M. Hariri semble vouloir demander un blanc-seing à l’aveugle. La population, à bout de souffle, est sans doute prête à le lui accorder, quitte à rouspéter par la suite. Mais le camp loyaliste, et aussi les décideurs, c’est une autre paire de manches. S’il se confirme que M. Hariri tient, comme Red Alert, à assurer le concert en soliste, il risque d’y avoir de l’eau. Dans le gaz.
Les principales parties intéressées ont beau jouer aux rosières effarouchées qui ne veulent pas parler hymen avant les fiançailles, la caste politique bruisse aujourd’hui, comme les feuilles au vent d’automne, de rumeurs, de spéculations sur la nature, la forme, le volume, la répartition des postes-clés, la composition politique ou mondaine du prochain Cabinet. On est...