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Actualités - OPINION

Tribune Dérapage et confusion

Que dire aujourd’hui à ceux-là qui jugeaient l’État libanais insuffisamment mûr pour accréditer en son sein un organisme investi du contrôle constitutionnel de sa législation ? L’expérience apporte aujourd’hui un complément d’appui à leur scepticisme, quand on apprend l’attitude désinvolte, adoptée par la République (Exécutif et Législatif confondus) vis-à-vis d’un arrêt rendu par la précédente formation du Conseil constitutionnel en date du 7 août 1996. Cet arrêt avait invalidé une des dispositions de la loi électorale du 11 juillet 1996, celle qui, en son article cinquième, gratifiait le mandat parlementaire, traditionnellement quadriennal depuis l’avènement de la Constitution libanaise en 1926, d’une prolongation soudaine de huit mois. Cette modification apportée d’une manière impromptue à la durée traditionnelle du mandat, regardée constamment comme un élément stabilisateur de la gestion démocratique, pouvait être lourde de conséquences. Elle risquait de se muer progressivement en une investiture progestative ouverte à tous les aléas. La durée se voyait ainsi appelée à d’autres dépassements. De quadriennale, elle pouvait devenir décennale ou même viagère, et pourquoi pas héréditaire, en souvenir de nombreux titres défunts, chers aux passéistes libanais. Un précédent historique alarmant s’était déjà produit au sein du Parlement libanais durant le dernier conflit libanais armé et affligeant, au cours duquel une Chambre impuissante prétendait avoir mission de légiférer, en un temps où l’État avec toutes ses législations sombrait avec fracas, et à l’heure où des milices armées faisaient la loi et s’enrichissaient à satiété, pendant que des citoyens pacifiques s’appauvrissaient, mouraient ou s’expatriaient. Cette sombre période de l’histoire du pays et de son Parlement désarticulé connut plusieurs renouvellements de législation par le biais d’un vote irrégulier. Car toutes ses reconductions étaient manifestement fausses et inconstitutionnelles en raison du fait que le texte impératif de l’article 42 de la Constitution étant conçu dans les termes suivants : «Les élections générales pour le renouvellement de l’Assemblée ont lieu dans les soixante jours qui précèdent l’expiration de son mandat», stipulait donc clairement des élections obligatoires en fin de chaque législature. Ce qui implique que ces élections ne pouvaient être éludées ou enfreintes qu’au moyen d’un texte constitutionnel nouveau, amendant la teneur de cet article. Ce texte régularisateur ne vint jamais et l’article fut transgressé arbitrairement. Il était donc naturel après la création du Conseil constitutionnel de se rappeler les errements fantaisistes relatifs à la durée du mandat parlementaire et de ses capricieuses élongations. C’est pourquoi le dépassement de la traditionnelle durée, imposé à ce mandat par la loi électorale de 1996, soumise au contrôle du Conseil constitutionnel d’alors, se vit aussitôt sanctionné et fut invalidé en s’inspirant de l’esprit institutionnel et prometteur de l’article 19 de la Constitution. La grande tristesse fut de voir la loi électorale nouvelle, parue le 6 janvier 2000, défier en son article premier les effets de l’arrêt du 7 août 1996 et d’«adjuger» une prolongation nouvelle au nouveau mandat parlementaire au-delà de la période quadriennale, dans les termes sibyllins de l’article premier de la loi du 6 janvier 2000, tout cela en dépit – ou en oubli – de l’arrêt du Conseil constitutionnel du 7/8/1996. Il y a lieu de déplorer aujourd’hui cette transgression abusive d’un arrêt majeur antérieur du Conseil constitutionnel, perpétrée par le Législatif et l’Exécutif dans une même culpabilité (intentionnelle ou désinvolte). Cette déficience au sanctuaire même du pouvoir est fort alarmante. Elle laisse prévoir des lendemains sombres à une République déboussolée.
Que dire aujourd’hui à ceux-là qui jugeaient l’État libanais insuffisamment mûr pour accréditer en son sein un organisme investi du contrôle constitutionnel de sa législation ? L’expérience apporte aujourd’hui un complément d’appui à leur scepticisme, quand on apprend l’attitude désinvolte, adoptée par la République (Exécutif et Législatif confondus)...