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Actualités - REPORTAGES

Liberté d'expression - Marche internationale des femmes pour l'égalité La question des statuts personnels a semé la zizanie (photo)

Leur nombre n’était pas impressionnant. Mais peu importe puisque la bonne volonté et l’enthousiasme y étaient. La marche mondiale des femmes, dans sa version libanaise, n’est pas passée inaperçue hier, bien que condamnée par des chefs religieux qui ont boycotté ce rassemblement – le premier du genre – dont les slogans dénonçaient la violence et la pauvreté, et réclamaient l’égalité des droits. Mais qui dit égalité des droits dit nécessairement révision des statuts personnels. Ces revendications ont ainsi été perçues par les tenants des courants traditionalistes comme une remise en question de «l’ordre établi», surtout qu’il a été manifestement question de droits civils, lors de cette manifestation. Le point de départ était la place du Musée national. Près de 2 000 manifestantes, portant des drapeaux libanais et des banderoles arborant les différents thèmes soulevés lors de la marche, se sont dirigées vers la région de Barbir en direction de l’Unesco où devait les rejoindre Mme André Lahoud, qui présidait l’événement. Cette marche, qui s’inscrit dans le prolongement d’une manifestation mondiale qui doit se tenir dans 156 pays jusqu’à la fin octobre, est venue exprimer, pour la première fois, en public, les doléances de la gante féminine libanaise. Entonnant des chansons populaires, dont une qui a été spécialement écrite pour l’occasion, les participantes ont ensuite scandé avec frénésie quelques-uns de leurs slogans, que reprenait d’ailleurs le refrain de la chanson de la marche. Plusieurs Palestiniennes étaient également présentes à cet événement, joignant leurs revendications – politiques et historiques – à celles de leurs homologues libanaises, qui ont été rejointes pour l’occasion par une cinquante d’hommes et beaucoup de jeunes. «Non à la pauvreté, à l’injustice, à la discrimination, à la violence, à la tyrannie, à l’humiliation, pratiquées contre la femme» ; «Pour une participation à la vie politique» ; «Pour une modification de la législation sur le droit au travail et la sécurité sociale» ainsi que «Toute autre législation injuste envers la femme» ; «Pour combattre le chômage et créer des opportunités de travail afin de mettre fin à la pauvreté, surtout celle des femmes». Pour couronner le tout, le fameux slogan réclamant l’amendement et le développement «des statuts personnels de manière à répondre aux ambitions de chacun, afin de faire évoluer la vie de famille». Bref, si les questions d’égalité, de droits sociaux et économiques n’ont pas posé de problèmes sérieux en tant que tels, c’est autour du dernier slogan, celui des droits civils, que les dissensions sont apparues, ce qui explique le nombre relativement restreint des participants. «Le conseil féminin libanais qui devait également se joindre à la marche, s’est rétracté à la dernière minute, sous la pression de certains de ses membres qui ont refusé de consentir à la question des droits civils», certifie l’une des organisatrices, qui stigmatise l’attitude «traditionaliste» d’un mouvement censé défendre les droits de la femme et qui «a été fini par être récupéré par des groupes religieux». Anouar Khanji est employé dans le secteur privé à Tripoli. Il est également actif dans un des clubs universitaires de Tripoli. Il est l’un des rares à avoir bravé la décision des chefs religieux de la capitale du Nord de boycotter et d’interdire aux ONG de la région de participer à cette manifestation à cause de la fameuse revendication prônant la modification des statuts personnels et celle réclamant l’amendement du droit de garde des enfants en faveur de la mère jusqu’à l’âge de 14 ans au lieu de 9 ans. «Ce sont pratiquement toutes les régions libanaises qui sont présentes aujourd’hui sauf Tripoli. C’est dommage car c’est la ville où il y a le plus de pauvreté et de violence», souligne M. Khanji, qui affirme que des pressions ont été exercées sur tout le monde, y compris sur le président de la municipalité. Également courageuse a été la décision du cheikh sunnite Saleh Hamed, lui aussi originaire de Tripoli, venu soutenir un peu à contre-courant ce mouvement, pour «encourager la femme en tant qu’individu et partenaire à part entière dans la société» comme il dit. «Nous ne demandons pas l’impossible, mais la simple application des droits de la femme et des conventions internationales», souligne le jeune cheikh. Mais il n’ira pas plus loin. Cheikh Hamed n’est pas – on le pense bien – en faveur de l’amendement des statuts personnels – cela est contradictoire avec la Charia’ islamique, même lorsque l’on parle de mariage civil facultatif, comme il nous l’explique. Pourtant, il est fier de son acte et estime représenter un courant libéral plutôt minoritaire dans son milieu tripolitain. «Je m’élève contre toute une tranche de la société en prenant partie aux côtés d’une autre qui exprime une opinion tout à fait différente». «Quoi qu’il en soit, conclut cheikh Hamed, le plus important dans tout cela est le dialogue». Fadia Kiwan, elle est optimiste. Membre fondateur de la commission de suivi des résolutions du sommet de Pékin et membre du Bloc national, elle estime qu’en tant que première expérience, cette mobilisation est d’autant plus réussie qu’elle a réuni beaucoup de jeunes et un large courant des formations libérales et progressistes. Mais elle, c’est la jeunesse qui l’intéresse surtout. Le regard qu’elle porte sur cette manifestation est forcément celui d’une sociologue. «C’est un bon signe, dit-elle. Cela prouve que les jeunes sont de plus en plus sensibilisés sur les questions légales et humanistes, d’où un dépassement de la logique de la guerre. C’est un véritable acte de citoyenneté». Au milieu d’une ambiance euphorique, ponctuée par des chants de Feyrouz et des dabkés libanaises, les participantes ont été rejointes par Mme André Lahoud devant le palais de l’Unesco. C’est là qu’elles devaient conclure leur marche en énonçant leurs réclamations, par la bouche de la coordinatrice du mouvement, Ibtissam Atallah, qui a alors remis un mémorandum à l’épouse du chef de l’État. Mme Atallah a précisé que les pétitions, dans tous les pays du monde, seront remises au secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, lors de la marche finale qui doit se tenir à New York. Commentant les revendications affichées par les manifestantes, sur les thèmes de la pauvreté et des droits humains, Mme Kiwan expliquera «qu’au niveau de la réflexion au sein des organisations internationales, la lutte des hommes et des femmes est désormais mieux enracinée lorsqu’elle est intégrée à la lutte pour les questions de développement et de démocratie». Par conséquent, estime la sociologue, «la stratégie de lutte sociale doit être focalisée sur la lutte des genres pour que des ressources spéciales soient allouées à la catégorie des femmes, à partir de l’idée que c’est le maillon faible à soutenir». Bref, l’idée a germé en 1995 lorsqu’un groupe de 800 femmes canadiennes ont voulu marcher en direction du Parlement pour protester contre la pauvreté et la discrimination. Le mouvement a pris de l’ampleur et une dimension internationale. Aujourd’hui, ce sont toutes les femmes du monde qui sont concernées par une marche qui peut mener loin, si la solidarité humaine est au rendez-vous.
Leur nombre n’était pas impressionnant. Mais peu importe puisque la bonne volonté et l’enthousiasme y étaient. La marche mondiale des femmes, dans sa version libanaise, n’est pas passée inaperçue hier, bien que condamnée par des chefs religieux qui ont boycotté ce rassemblement – le premier du genre – dont les slogans dénonçaient la violence et la pauvreté, et...