Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

L'application de l'accord de Taëf, une hérésie ?

Commentant le récent communiqué des évêques maronites et les réactions qu’il a suscitées, un ancien ministre estime qu’aucun sujet essentiel ne saurait être résolu au Liban en dehors du cadre de l’entente et de la compréhension mutuelle entre chrétiens et musulmans. Parallèlement, aucune tranche de la population libanaise ne saurait ignorer le point de vue de l’autre tranche ou tenter de lui imposer son propre point de vue. Le consensus libanais sur la nécessité de libérer le Liban-Sud de l’occupation israélienne doit se rééditer dans le cas de la présence armée syrienne au Liban, car la persistance du différend et l’absence de toute entente à ce niveau risquent de mettre en danger l’union intérieure et d’ébranler les bases mêmes de la convivialité. L’histoire du Liban regorge d’exemples de troubles et de dissensions chaque fois que les Libanais étaient en désaccord sur des sujets essentiels, alors qu’en cas d’accord, ils sont toujours parvenus à surmonter leurs problèmes. Quand les Libanais se sont trouvés en désaccord sur l’indépendance et le mandat, ils ont réussi à élaborer le pacte de 1943 par lequel les musulmans renonçaient à l’union avec la Syrie et les chrétiens se désistaient de la protection de la France. Le slogan était alors «ni Orient ni Occident» et l’armée française a évacué le pays sur cette base. Les buts du pacte de 1943 étaient une indépendance complète, sans tutelle, sans protectorat, sans statut privilégié pour quelque pays que ce soit, une coopération totale avec les pays arabes et des liens d’amitié avec tout pays étranger reconnaissant et respectant l’indépendance du Liban. Le pacte de 1943 n’était pas un simple compromis entre deux confessions dont l’une souhaitait la fusion avec un autre pays et l’autre réclamait le maintien de la tutelle et du protectorat. Il a servi à abolir ces deux tendances diamétralement opposées et les remplacer par un acte de foi en un Liban unique. Dans son ouvrage intitulé Cinquante ans avec les gens, l’écrivain Youssef Salem raconte que Riad el-Solh lui avait confié qu’il œuvrait uniquement en faveur de l’indépendance et de la souveraineté du Liban, sans autre but que l’abolition de la tutelle étrangère. Riad el-Solh, poursuit Salem, avait répété à maintes reprises à ses amis syriens : «Laissez le Liban en paix. Un Liban souverain et indépendant est à même de servir les causes arabes mille fois mieux qu’un Liban fusionné avec un autre pays arabe». Par contre, quand les Libanais n’ont pu parvenir à un accord pour régler leur division en pronassériens et partisans du pacte de Bagdad, le Liban a connu les évènements sanglants de 1958. La division libanaise entre partisans et adversaires de la présence armée palestinienne au Liban a abouti à la guerre de deux ans qui a donné naissance à d’autres guerres aux multiples facettes, de l’accord du Caire à son abrogation 18 ans plus tard jusqu’à l’accord du 17 mai que l’histoire s’est chargée de révoquer avant même sa signature. Les guerres du Liban n’ont cessé qu’à la suite de la signature de l’accord de Taëf qui s’est transformé en véritable Constitution, même s’il demeure sujet à controverse entre partisans et adversaires. Après avoir fait unanimement face à l’occupation israélienne, les Libanais se trouvent actuellement en désaccord sur la présence militaire syrienne. Tout comme ils sont parvenus, en 1943, à un accord sur la nécessité de l’évacuation des troupes françaises, il leur est actuellement possible de parvenir à l’une des deux solutions suivantes au niveau de la présence militaire syrienne au Liban : Que le pouvoir prenne l’initiative d’entamer des pourparlers libano-syriens, soit au niveau d’un sommet entre les présidents Lahoud et Assad, soit à celui d’une réunion des gouvernements des deux pays, pour discuter de la présence militaire syrienne au Liban conformément au texte de l’accord de Taëf. L’organisation d’un congrès pour le dialogue national qui servirait à étudier, dans une atmosphère de franchise et de clarté totales, les relations libano-syriennes afin qu’elles cessent d’être, une fois pour toutes, un sujet de controverse. Ceci, parce que le dialogue est à la base de toute démocratie et demeure le moyen le plus sûr de parvenir à une compréhension réciproque des positions de chacune des parties en présence et, par voie de conséquence, à un règlement des divergences. Le dialogue requis en la circonstance est celui qui doit aboutir à un accord et non provoquer des échanges d’accusations. Ce dialogue doit s’établir sur la base d’une reconnaissance mutuelle et du respect de l’opinion des autres. Il doit aboutir à la découverte d’un dénominateur commun et non à la séparation. Certains recommandent la tenue d’un sommet spirituel destiné à aboutir à un accord favorisant le rapprochement entre les parties en présence. L’inconvénient de cette alternative est qu’elle annule le rôle du pouvoir et des institutions libanaises et, par voie de conséquence, celui des leaderships politiques. D’autre part, elle écarte les instances spirituelles de leur rôle naturel. Seule une initiative officielle est de nature à cantonner les hommes de Dieu dans le cadre du rôle qui leur est dévolu et de restituer à César ce qui lui appartient. L’ancien ministre estime que la mise en application de toutes les clauses de l’accord de Taëf, dont celle de la présence militaire syrienne au Liban, doit être évoquée dans la déclaration ministérielle du prochain Cabinet. Ceci permettrait de contenir les réactions au communiqué de Bkerké et, simultanément, de répondre à tous les points qui y sont soulevés. Ce communiqué, contrairement aux interprétations négatives de son contenu, ne conteste pas les bases de l’entente nationale, mais invite à un accord pour faire face à tout ce qui pourrait les ébranler. Cet accord doit découler d’un dialogue franc, sincère et fraternel, dans une atmosphère de respect mutuel. En effet, le communiqué affirme qu’ »il est temps que l’État étende sa souveraineté effective pour que les Libanais sentent qu’ils se trouvent sous sa protection. Maintenant qu’Israël s’est retiré, n’est-il pas temps que l’armée syrienne considère son redéploiement en prélude à un retrait définitif conformément à l’accord de Taëf ?». S’agit-il là d’une hérésie, et la simple demande de la mise en application de l’accord de Taëf serait-elle devenue une tentative de porter atteinte à l’entente nationale ? Le pouvoir libanais est invité, avant toute autre instance, à informer en toute franchise les Libanais que la présence militaire syrienne persistera dans telle ou telle autre région pendant une période déterminée, car il est de leur droit de savoir, de connaître les raisons et d’en être convaincus… ou, alors de convaincre le pouvoir des raisons de leur refus.
Commentant le récent communiqué des évêques maronites et les réactions qu’il a suscitées, un ancien ministre estime qu’aucun sujet essentiel ne saurait être résolu au Liban en dehors du cadre de l’entente et de la compréhension mutuelle entre chrétiens et musulmans. Parallèlement, aucune tranche de la population libanaise ne saurait ignorer le point de vue de l’autre...