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Actualités - ANALYSE

Législatives - Le choix des candidats chrétiens, reflet d'un déséquilibre croissant Le vide politique à l'Est fausse le jeu électoral

Le découpage des circonscriptions prévu dans les trois lois électorales approuvées successivement depuis Taëf a défavorisé, à de rares exceptions près (notamment au Mont-Liban), l’électorat chrétien qui a été en quelque sorte «dilué» dans des circonscriptions à majorité musulmane. Il en a résulté, depuis 1992, l’entrée au Parlement d’une large majorité de députés chrétiens très peu représentatifs, puisque élus par les électeurs d’une autre communauté. Ce déséquilibre indéniable a été accentué davantage encore par le vide politique qui se manifeste dans le camp chrétien. Un vide dont l’impact s’est fait nettement sentir au niveau des alliances, de la formation des listes et du choix des candidats aussi bien cette année qu’en 1992 et 1996. Ce jeu électoral perceptible depuis Taëf contraste fortement avec la situation d’avant-guerre. Il serait sur ce plan particulièrement significatif d’établir un parallèle entre le poids et la présence des partis et pôles d’influence chrétiens lors des élections de 1968 et 1972, d’une part, et le profil des candidats chrétiens depuis 1992, d’autre part. Lors des scrutins qui ont précédé l’éclatement du pays en 1975 (à l’époque où les cazas avaient été adoptés pour le découpage des circonscriptions), les Kataëb, le Parti national libéral et le Bloc national constituaient la pierre angulaire du jeu électoral dans plusieurs régions. Au Metn-Nord, à titre d’exemple, la principale liste forte était formée par l’axe Kataëb-PNL. M. Michel Murr n’était alors que l’un des colistiers des candidats Kataëb et chamounistes. Aujourd’hui, il aura fallu entreprendre des démarches au plus haut niveau pour que le chef du parti Kataëb soit toléré sur la liste formée par M. Murr, aux côtés du représentant du Parti syrien national social et d’autres colistiers parachutés par un concours de circonstances en 1992 et 1996. À Baabda, c’est le même axe Kataëb-PNL qui formait la principale liste dans la circonscription, tandis qu’au Chouf, la bataille électorale opposait traditionnellement le PNL de Camille Chamoun au PSP de Kamal Joumblatt. Avec la marginalisation délibérée des partis et leaders chrétiens, le paysage électoral a radicalement changé. Au Chouf, le PSP est depuis 1992 seul maître du jeu. Le vide laissé par le boycottage pratiqué par le PNL ne saurait être comblé par l’action d’un seul individu, en l’occurrence M. Naji Boustany, qui ne peut se substituer au leadership de M. Chamoum. Dans la nouvelle circonscription de Baabda-Aley créée cette année, la bataille électorale a pris l’allure d’un duel essentiellement druze entre MM. Walid Joumblatt et Talal Arslane. La présence kataëb s’est réduite à une seule place pour un siège maronite sur la liste Joumblatt. Au Kesrouan, les trois partis chrétiens parvenaient traditionnellement à concilier leur forte implantation électorale avec les considérations familiales et claniques, de manière à s’imposer comme l’élément moteur dans la formation des listes. Même scénario à Jbeil où le Bloc national et Raymond Eddé étaient incontournables dans la désignation (et l’élection) des candidats. Au stade actuel, la marginalisation des partis chrétiens a eu pour conséquence, aussi bien au Kesrouan qu’à Jbeil, de favoriser un retour aux candidatures à connotation strictement personnelle et familiale. Cet effritement politique perceptible depuis plusieurs années s’est manifesté ces dernières semaines dans le choix des candidats chrétiens à Beyrouth et, tout récemment, à Jezzine. Avant la guerre, l’axe Kataëb-PNL était maître du jeu électoral à Beyrouth I (qui ne regroupait alors que les quartiers Est de la capitale). Pour ce scrutin 2000 (et comme ce fut le cas en 1992 et 1996), le sort du siège maronite de Beyrouth, à titre d’exemple, est tributaire du bon vouloir des pôles sunnites. Ainsi, M. Rafic Hariri cherche à imposer M. Ghattas Khoury comme postulant au siège maronite de Beyrouth, alors que nul n’ignore que M. Khoury ne possède absolument aucune assise électorale dans la capitale. Cette tentative de M. Hariri d’imposer comme député maronite de Beyrouth un nouveau venu dans la vie politique est d’autant plus déplorable que ce même siège était occupé jadis par des personnalités aussi prestigieuses que Pierre Gemayel et Pierre Eddé. Un problème similaire se pose pour le prochain scrutin à Jezzine. Sous prétexte de vouloir compenser la perte d’un siège maronite qui leur était revenu à Baalbeck-Hermel en 1992 et 1996 (et qui a été octroyé par les Syriens, cette année, à M. Nader Succar), le Hezbollah désire imposer son choix pour l’un des deux députés maronites de... Jezzine, en la personne de Georges Najm, un nouveau venu qui représentera peut-être le Hezbollah, mais sûrement pas les électeurs de Jezzine. Ce dérapage dangereux sur le plan de l’équilibre communautaire au sein du Parlement risque de miner à la base non seulement les spécificités du Liban, mais également les fondements même du système démocratique. Un député est censé représenter ses électeurs. S’il est élu grâce aux voix d’un électorat qui n’est pas le sien (dans le cas du Liban, celui de sa communauté), c’est sa légitimité qui est remise en cause. Dans le contexte des bouleversements que connaît actuellement la région, le pouvoir est ainsi confronté à un défi de taille : mettre un terme au dérapage qui marque l’équilibre politico-communautaire du pays. Il y va, dans une large mesure, de l’avenir et de la stabilité interne de l’entité libanaise. Et de la sauvegarde du pluralisme et des spécificités propres du Liban.
Le découpage des circonscriptions prévu dans les trois lois électorales approuvées successivement depuis Taëf a défavorisé, à de rares exceptions près (notamment au Mont-Liban), l’électorat chrétien qui a été en quelque sorte «dilué» dans des circonscriptions à majorité musulmane. Il en a résulté, depuis 1992, l’entrée au Parlement d’une large majorité de...