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Actualités - REPORTAGES

Elections - L'électorat chrétien et sunnite noyé dans la masse chiite dans les régions méridionales Le Liban-Sud soumis au rouleau compresseur de l'axe Amal-Hezbollah

L’actuelle loi électorale a fait, théoriquement, du Liban-Sud deux circonscriptions électorales. La première comprend Saïda et ses environs, Tyr et Bint-Jbeil, et la seconde englobe Jezzine, Nabatieh Marjeyoun et Hasbaya, comptant au total 23 députés dont 14 chiites, 2 maronites, 3 sunnites, 2 grecs-catholiques, 1 grec-orthodoxe et 1 druze. Ce découpage est contesté par plus d’une partie, car il soumet les régions des minorités chrétiennes et sunnites à la bonne volonté de la grande masse de l’électorat chiite. Cette contestation s’est accrue à l’occasion de ce scrutin 2000 car une fois de plus le Liban-Sud a été soumis à la loi d’exception : en dépit du retrait israélien, en mai dernier, les deux circonscriptions du Liban-Sud restent fusionnées en une seule alors même que cette fusion n’était motivée que par la présence israélienne dans certaines régions du Sud. Une telle unification augmente encore davantage le poids de l’électorat chiite et rend l’influence respective d’Amal et du Hezbollah encore plus déterminante. À en croire des sources dignes de foi, c’est dans le but de préserver cette double influence et afin d’éviter le bras de fer qui pointait à l’horizon entre les deux formations chiites que les «décideurs» auraient maintenu la fusion entre les deux circonscriptions du Liban-Sud et imposé pratiquement l’alliance électorale qui s’en est suivie entre Amal et le Hezbollah. Saïda et Jezzine Ce rôle prépondérant concédé aux deux formations chiites a incontestablement marginalisé, dans une large mesure, les pôles chrétien et sunnite de la mégacirconscription. La ville de Saïda, notamment, censée jouer le rôle de catalyseur de l’opposition, a été réduite à la soumission. Le Dr Abdel-Rahman Bizri, fils de l’ancien député de la ville Nazih Bizri, s’est retiré de la bataille, expliquant sa décision par le fait qu’il était inutile de «gagner la ville et de perdre au niveau du mohafazat, comme ceci s’était passé lors du scrutin de 1996». Et dans le but d’éviter toute possibilité de «déversoir» sunnite, le chef du Législatif et leader d’Amal, Nabih Berry, a jeté tout son poids dans la balance afin de surmonter le traditionnel conflit entre les actuels députés de la ville, Mme Bahiya Hariri et M. Moustapha Saad. Quant à la région de Jezzine, elle a été coupée de son entourage naturel, c’est-à-dire Saïda et Zahrani, et vit, de ce fait, dans un état de frustration. À part le fait que les habitants de cette zone se sentent complètement marginalisés, parce que noyés dans une mer qui les déboussole, ils comprennent mal que l’on puisse leur imposer des candidats jusqu’ici inconnus au bataillon (en l’occurrence le «poulain» du Hezbollah, Georges Najm, que le parti intégriste cherche à imposer comme candidat maronite à Jezzine). Ce véritable diktat explique le vent de contestation qui souffle sur la région de Jezzine. Plus d’une réunion a eu lieu ces deux dernières semaines entre différents groupements populaires pour essayer d’organiser l’expression de ce refus. Il est vrai qu’il ne faut pas trop miser sur l’importance quantitative de ces manifestations. Mais si on y ajoute le désintéressement certain d’une grande partie de l’électorat, ce mouvement devra alors être interprété différemment le jour des résultats du scrutin. La mouvance Assaad Le sentiment de frustration ne se limite pas aux seuls cercles chrétiens et sunnites. Le principal leader chiite du Liban-Sud avant la guerre, en l’occurrence le président Kamel el-Assaad, pourrait jouer le rôle de catalyseur plus ou moins important de cette frustration longuement contenue dans certaines régions méridionales du pays. Il est vrai que les choses ont terriblement changé depuis que le président Assaad n’est plus «maître chez lui». Mais ses partisans sont toujours aussi présents, aussi combatifs et peuvent perturber la grande machine électorale d’Amal et du Hezbollah. Cette réalité, les deux formations chiites la comprennent parfaitement bien, mais ont réagi de façon différente à une telle donne. Le Hezbollah a ainsi pris les devants à la suite du retrait israélien. Considérant que les habitants de l’ancienne zone de sécurité, enrôlés ou pas dans les rangs de l’Armée du Liban-Sud, sont de potentiels partisans de l’ancien président de la Chambre, il a crié haut et fort pour barrer la route à tout allégement des peines que les tribunaux pouvaient infliger aux habitants de l’ancienne bande frontalière. En empêchant cette masse d’électeurs d’être présente dans les villages et localités du Liban-Sud lors du scrutin, le Hezbollah aurait ainsi gagné aussi bien sur le plan de ses principes que sur le plan du simple calcul électoral. De son côté, conscient du danger que peut constituer le président Kamel el-Assaad, M. Berry a eu recours à une série de manœuvres : il a amadoué son allié le Hezbollah en lui concédant un siège maronite à Jezzine ; il a bouclé la brèche de Saïda et a mené une campagne organisée contre tout rapprochement entre les deux anciens ennemis, Kamel el-Assaad et Habib Sadek, qui auraient pu constituer une potentielle menace électorale. M. Sadek s’est ainsi vu obligé de monter au créneau à plusieurs reprises pour démentir tout rapprochement possible entre lui et l’ancien président de la Chambre, qu’il a combattu tout au long de ses années d’engagement contre les féodaux de la région. Parallèlement, le président Assaad n’a pas réussi à rassembler au sein d’une même liste un large éventail de candidats indépendants de différentes régions du Liban-Sud qui auraient pu, dans le cadre d’une coalition parrainée par l’ancien président de la Chambre, percer la liste Amal-Hezbollah. Mouvance PCL Autre paramètre du jeu électoral au Liban-Sud : le rôle du Parti communiste libanais qui a toujours appuyé la candidature de Habib Sadek dans la région de Marjeyoun. Le PCL a constamment combattu le féodalisme des Assaad au Sud. Actuellement, il poursuit sa bataille et a réussi à former une liste restreinte qui ne risque pas de freiner l’élan des grandes alliances. Dans la caza de Bint-Jbeil, c’est le secrétaire général adjoint du PCL, M. Saadallah Mazraani, qui tente sa chance pour la deuxième fois. Issu des grandes batailles estudiantines des années soixante et soixante dix, M. Mazraani, lui aussi, ne joue pas gagnant. Le positionnement de ces deux candidats constitue l’exemple type de la faiblesse de l’opposition au Liban-Sud. Loin de toute considération partisane ou politicienne, les observateurs ne manquent pas de relever qu’une bataille électorale face à la coalition Amal-Hezbollah aurait été envisageable si les membres des minilistes avaient pu constituer une alliance susceptible de faire face à Amal-Hezbollah. Mais dispersés comme ils sont, les frondeurs peuvent difficilement réussir. Même le président Assaad voit ses chances sérieusement réduites. Dimanche prochain, le Liban-Sud sera ainsi soumis au rouleau compresseur du pouvoir en place et des «décideurs». Et ceux qui rejettent le fait accompli devront sans doute attendre un bouleversement de la conjoncture régionale et locale afin que les véritables représentants de l’électorat chrétien et mahométan des divers cazas du Liban-Sud puissent faire entendre leur voix
L’actuelle loi électorale a fait, théoriquement, du Liban-Sud deux circonscriptions électorales. La première comprend Saïda et ses environs, Tyr et Bint-Jbeil, et la seconde englobe Jezzine, Nabatieh Marjeyoun et Hasbaya, comptant au total 23 députés dont 14 chiites, 2 maronites, 3 sunnites, 2 grecs-catholiques, 1 grec-orthodoxe et 1 druze. Ce découpage est contesté par plus d’une...