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Actualités - ANALYSE

Législatives - Le découpage électoral depuis Taëf a créé un profond déséquilibre La représentation chrétienne au coeur du débat

Les élections législatives qui auront lieu dans les prochains jours illustrent d’ores et déjà – pour la troisième fois consécutive depuis le scrutin de 1992 – le grave problème de la représentation chrétienne au Parlement et au niveau de la vie politique, en général. Un problème causé par deux facteurs qui se complètent et se renforcent mutuellement : la nature de la loi électorale et le laminage systématique du leadership et du pouvoir politique chrétiens depuis Taëf. Force est de constater qu’au cours des dix dernières années, les «décideurs» ont sciemment fait le vide sur la scène politique chrétienne dans le pays. Cette faille – qui constitue un potentiel de déstabilisation aux retombées incalculables – a eu pour conséquence, entre autres, de faciliter l’approbation, depuis 1992, d’une série de lois électorales dont l’un des principaux objectifs était précisément d’affaiblir encore plus la représentation des chrétiens au niveau du pouvoir législatif. Les chiffres à ce sujet sont particulièrement éloquents. Comme l’a souligné le politologue Farid el-Khazen (professeur à l’AUB) dans une de ses études, seuls 16 des 64 députés chrétiens élus en 1992 l’ont été par des voix chrétiennes, alors que les 48 autres ont fait leur entrée à la Chambre grâce aux voix mahométanes. Par contre, 39 des 64 députés mahométans ont été élus par des voix mahométanes. En 1996, le déséquilibre a été encore plus profond. Seuls 13 députés chrétiens ont été élus par les voix chrétiennes alors que 39 députés mahométans ont été élus par les voix mahométanes. Quant aux députés mahométans élus grâce à des voix chrétiennes, leur marge de manœuvre ne s’est pas trouvée réduite pour autant du fait de l’absence de leaders ou de pôles d’influence chrétiens bénéficiant d’un certain poids sur la scène politique. Le scrutin de cette année ne fait que confirmer cette tendance. D’une manière générale, le découpage des circonscriptions ne devrait pas changer grand-chose dans le déséquilibre communautaire au sein de la nouvelle Chambre dans la mesure où il diffère très peu (quant à son impact) de celui de 1996 ou de 1992. Le découpage de l’après-Taëf, qui a «dilué» l’écrasante majorité de l’électorat chrétien dans des circonscriptions à forte majorité mahométane, contraste fortement avec le découpage de l’avant-guerre. Ce dernier était basé sur le caza. D’une manière générale, et à quelques exceptions près, les cazas sont homogènes sur le plan communautaire. Les députés étaient donc élus, dans la plupart des cas, par les électeurs de leur propre communauté, ou, dans la pire des hypothèses, par un électorat dont la répartition confessionnelle était équilibrée. Le choix du caza comme circonscription électorale assurait donc (dans une large mesure) une représentation véritable, juste et équitable, de la base populaire au sein du Parlement, en évitant – comme c’est le cas depuis Taëf – que l’écrasante majorité des députés d’une communauté soit élue par les électeurs d’une autre communauté. Ce souci d’équilibre interne était également perceptible à Beyrouth avant la guerre. La capitale était alors divisée en trois circonscriptions de manière à permettre aux chrétiens et aux musulmans d’élire respectivement leurs députés. La circonscription de Beyrouth I regroupait huit députés chrétiens, Beyrouth II comptait un sunnite, un chiite et un minoritaire, et Beyrouth III, cinq députés sunnites et un grec-orthodoxe. Ce découpage, qui évitait ainsi que le choix des députés soit tributaire de la volonté d’une autre communauté, avait été adopté en 1960 par feu le président Fouad Chéhab à la demande même des leaders musulmans. Ces derniers avaient formulé cette requête à la suite du scrutin de 1957. Le découpage de Beyrouth (qui comprenait, notamment, une circonscription regroupant Achrafieh, Saïfi, Rmeil, Mazraa et Mousseitbé) avait alors permis l’éviction des deux grands leaders sunnites Saëb Salam et Abdallah Yafi, vaincus par des candidats de second rang, Khalil Hibri et Fawzi Hoss, grâce aux voix chrétiennes. Les leaders musulmans s’étaient alors élevés, au début des années 60, contre un tel découpage et avaient réclamé que les candidats mahométans soient soumis uniquement au verdict des électeurs de leur communauté au lieu d’être tributaires du choix de l’électorat chrétien. Le président Chéhab avait donné une suite favorable à cette requête, ce qui avait abouti au découpage des circonscriptions qui est resté en vigueur jusqu’au début de la guerre. Cette nécessité de permettre aux électeurs d’une communauté d’élire leurs propres représentants, ou tout au moins une large majorité d’entre eux, ne constitue nullement une approche sectaire, comme pourraient le prétendre certains. Le principe même du partage du pouvoir et de la répartition des sièges parlementaires entre les communautés est prévu dans la Constitution et reconnu comme une nécessité impérieuse par toutes les parties. Mais plus important encore, cette option reflète surtout la réalité de la société libanaise qui est par essence pluraliste et dont la structure est profondément confessionnelle. Compte tenu de ces réalités socio-culturelles qui font la spécificité du Liban, quoi de plus normal que le système politique soit conçu de manière à permettre une juste participation de toutes les composantes communautaires du pays à la gestion des affaires publiques. Ceci implique, à l’évidence, une représentation équilibrée (réelle et non théorique) au sein du Parlement. Il s’agit là d’un principe démocratique des plus élémentaires qui est d’ailleurs suivi dans les pays occidentaux à structure pluraliste, tels que la Belgique ou la Suisse. Il y va de la stabilité et de la cohésion internes de tels pays pluralistes. Encore faut-il, dans le cas du Liban, que les représentants légitimes d’une quelconque communauté ne soient pas délibérément marginalisés par ceux qui tirent profit d’un rapport de forces conjoncturel qui ne peut être qu’éphémère.
Les élections législatives qui auront lieu dans les prochains jours illustrent d’ores et déjà – pour la troisième fois consécutive depuis le scrutin de 1992 – le grave problème de la représentation chrétienne au Parlement et au niveau de la vie politique, en général. Un problème causé par deux facteurs qui se complètent et se renforcent mutuellement : la nature de la loi...