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Actualités - INTERVIEWS

Elections - Ma liste, contrairement aux deux autres, est tout sauf un fourre-tout Tammam Salam, naître avec un nom, se faire ensuite un prénom (photo)

Sa ressemblance avec Saëb bey est de plus en plus frappante. Physiquement d’abord, certainement. Mais à écouter Tammam Salam, à l’entendre répéter, marteler parfois les convictions auxquelles il tient, l’on s’aperçoit bien vite que les similitudes ne se limitent pas aux traits du visage. Loin de là. Génétique politique... Avant-hier mardi, Tammam Salam, après Rafic Hariri et Sélim Hoss, a annoncé la composition de sa liste dans Beyrouth II. Dans un entretien exclusif à L’Orient-Le Jour, le leader de Mousseitbé a mis en évidence la cohésion de sa liste, la comparant à celles de MM. Hoss et Hariri, déplorant leur totale absence de représentativité. Nous nous sommes penchés avec lui sur l’indispensable réconciliation nationale, sur la présence syrienne au Liban, sur la situation socio-économique. Tammam Salam est né avec un nom, celui d’un des derniers géants libanais, et Tammam Salam a réussi, sans aucun doute, à se faire un prénom, on parle parfois de lui comme éventuel futur Premier ministre. Son discours détonne par sa clarté, sa logique, ses positions par leur constance. Il est clair que Tammam Salam ne s’est jamais frotté à l’exercice – à haut niveau – du pouvoir, sa critique des deux Cabinets d’après-guerre peut donc sembler, pour certains, facile, et gratuite. Sauf que le Liban a besoin de sang neuf. Terriblement. Lorsque vous avez annoncé votre liste, vous vous en êtes pris avec une très grande virulence au pouvoir de l’argent, «ils achètent le ciel, la terre, l’espace et même les fenêtres», aviez-vous dit. Vous partagez ainsi avec M. Hoss par exemple le même credo électoral, non ? «Il n’y a aucune similitude entre ma liste – ma position et mon discours qui en découlent de facto, et n’importe quelle autre liste, notamment celles des présidents Hoss et Hariri, puisque nous sommes tous les trois à Beyrouth. Mon discours politique, puisque c’est de cela qu’il s’agit, n’a pas varié d’un iota : l’unité nationale dans les actes et non plus en paroles, ainsi que les indispensables réforme administrative et redressement économique. Et je n’ai vu, autant avec le président Hariri qu’avec son successeur, aucune avancée réelle à ces deux niveaux». Qu’est-ce qui distingue alors votre liste de celle de MM. Hoss et Hariri ? «Ma liste, contrairement aux deux autres est tout sauf un fourre-tout, elle est monochrome, c’est une liste d’entente. Aujourd’hui plus que jamais, l’entente résulte des demandes des gens. Il faut y répondre, c’est-à-dire qu’il faut représenter les gens, et c’est de cette représentation que nous tirons notre force, notre légitimité. Les colistiers de M. Hariri n’ont rien en commun, ne représentent aucune institution, et c’est idem chez M. Hoss, à l’exception peut-être de Mohammed Youssef Beydoun, avec la Amilieh. Moi je ne prends en considération que les critères représentatifs». Quels ont été ces critères justement lorsque vous prépariez votre liste ? «Personne ne peut prétendre qu’aujourd’hui le Hezbollah n’a pas une importante portée nationale – il signifie dans l’inconscient collectif d’une grande partie de la population libanaise la résistance à Israël. Il fallait donc qu’il soit présent. Et je suis très bien avec lui. Idem pour le front arménien, qui est on ne peut plus représentatif de cette communauté. Pourquoi les ignorer et inclure des noms qui n’appartiennent pas à la majorité ?» Que s’est-il passé entre vous et M. Hariri ? «Moi j’étais pour un travail en commun, j’ai beaucoup essayé de coopérer avec le président Hariri, parce que le peuple le voulait. Les Beyrouthins sont des gens qui préfèrent de loin les accords aux rivalités, sinon Beyrouth n’aurait pas été capitale du Liban. Un accord entre nous aurait contribué à créer un climat d’entente, beaucoup plus paisible en réalité. Le fait est que nous nous étions entendus pour laisser chacun le siège grec-orthodoxe vacant, et il a annoncé une liste complète de six personnes. Ce n’est pas moi qui ai rompu l’accord…» Il a ensuite laissé le siège chiite vacant. Pourquoi à votre avis ? «Écoutez, c’est un donné pour un rendu, par rapport à la candidature de sa sœur au Liban-Sud. Et puis il sait parfaitement mesurer l’impact national acquis désormais par le Hezbollah, cela le dépasse. Ce n’est pas son intérêt que de se mettre le Hezbollah sur le dos». « Tout le monde a sa place au Liban » Comment ça se passe entre vous et la famille royale séoudienne ? «Mes relations n’ont pas changé, elles sont toujours bonnes. Vous savez, les relations que j’entretiens avec la famille royale se concentrent autour du soutien financier du royaume à une institution populaire implantée depuis bien longtemps, les Makassed. Ces relations ne datent pas d’aujourd’hui, elles prévalaient déjà à l’époque de mon père et du roi Abdel-Aziz, et je tiens beaucoup à les préserver». Pas de rivalité à ce niveau entre vous et M. Hariri ? «Moi je ne suis en rivalité avec personne sur ce plan-là. Les relations qu’entretient la famille royale séoudienne, avec entre autres les Libanais, ne se limitent aucunement à M. Hariri ou à moi-même». Pensez-vous que M. Hariri veuille grignoter de votre impact sur Beyrouth II, à Mousseitbé particulièrement ? Même s’il ne parraine là aucun grand nom ? «C’est à lui qu’il faut poser la question. Moi je pense que personne ne peut prétendre exclure qui que ce soit. Il se peut que m’affaiblir dans cette circonscription fasse partie de ses visées. Il se peut aussi qu’il cherche tout simplement à accroître sa présence, son impact. Il pense peut-être que c’est en m’affaiblissant qu’il y arrivera – plutôt qu’en s’alliant avec moi». Vous avez rencontré le président Gemayel hier… «Effectivement, il est venu rendre hommage à la mémoire de mon père». Tout le monde sait cela, M. Salam ! «Vous savez, je l’ai beaucoup écouté parler de son retour, du rôle qu’il a à jouer, de sa position aujourd’hui, des rapports qu’il entretient avec son parti…». Vous pensez que le président Gemayel a toujours un rôle à jouer ? Il jouit toujours d’un capital-confiance ? «Le président Gemayel ne part pas de zéro. Et quant à l’évolution de sa situation, sa popularité, seul le temps et les actions de M. Gemayel en décideront. Tout le monde a sa place au Liban. Parce que c’est la nature du pays, tout le monde se connaît, les uns se raccrochent aux autres, nous sommes en Orient, l’affect est primordial. L’affection s’installe et il est difficile de la chasser. La relation entre les Libanais et leurs familles politiques se renforce, et on ne peut pas la briser comme ça… Et ce n’est pas l’apanage du Liban. Au Japon, il y a 10 ans, 54 % des députés appartenaient à des familles politiques. Chez nous, c’est comme ça, c’est la nature, la texture du pays, sa géographie, sa composition, notre Constitution, qui explique tout ça. C’est sanguin». On parle de vous comme possible futur Premier ministre. Comment expliquez-vous cela ? «Peut-être parce que j’inspire une certaine confiance aux gens, peut-être parce que je suis constant dans mes positions, clair, franc, indépendant, peut-être parce que je suis honnête». Quelles sont vos relations avec le président Lahoud ? «Elles sont bonnes jusqu’à présent et dès le début, j’avais de l’espoir en lui. Il a de bonnes intentions et il faut les mettre à profit». L’abolition du confessionnalisme politique et la 520 L’indispensable réconciliation nationale, M. Salam... Quelles doivent être les conditions pour y arriver enfin ? «Une des conditions les plus importantes pour cette réconciliation nationale, c’est une stabilité, un bien-être, tant économique que moral. Tant que la situation socio-économique reste déplorable, personne n’est à l’abri des troubles, des secousses, les velléités constructives se font rares. En assainissant tout cela, les gens pourront réfléchir sainement, positivement, on contribuera à la redynamisation de cette réconciliation nationale, on contribuera surtout à l’éloignement du confessionnalisme politique. Le confessionnalisme politique est le principal obstacle face à la réconciliation nationale». Mais vous savez très bien que la quasi-totalité du pôle chrétien s’oppose à l’abolition du confessionnalisme politique. «Les chrétiens réagissent à cela en parlant d’injustice, d’affaiblissement. En d’autres temps et d’autres circonstances, les musulmans ont ressenti la même chose. Mais à long terme, tout le monde se rendra compte que c’est vraiment ce qui pourrait se faire de mieux pour le pays». Abordons si vous le voulez bien la présence des 35 000 soldats syriens sur le territoire libanais, et l’application, après la 425, de la résolution 520 de l’Onu. «C’est un sujet qui demande une attention particulière, vous le savez bien, une analyse politique à long terme, on ne peut pas se baser sur les sentiments. On ne peut pas occulter la nature privilégiée des relations syro-libanaises. Les soldats syriens se sont retrouvés au Liban à un moment donné, et à la demande d’une faction précise de la classe politique locale. La Syrie joue un rôle essentiel au Liban, on ne peut pas effacer cela comme ça, en appuyant sur un bouton et par caprice. Dans tous les cas, personne ne souhaite, et moi inclus, une présence étrangère sur notre territoire, même les Syriens ne veulent pas rester indéfiniment». Bon nombre de voix, celles de Walid Joumblatt ou de Négib Mikati par exemple, se prononcent en faveur d’un rééquilibrage des relations syro-libanaises. Où vous situez-vous par rapport à cela ? «C’est une très bonne chose, mais cela demande également une vision à long terme. D’ailleurs, dès son discours d’investiture, le président Bachar el-Assad a entrouvert la porte à un éventuel rééquilibrage ; il a été précis et sincère, même si d’aucuns lui ont reproché son manque de clarté». Croyez-vous, après la succession en Syrie, à plus de changement ? «Je ne pense pas qu’il y ait de changements profonds à ce niveau. Bachar poursuit la politique de son père». La famille Salam n’a pas toujours approuvé la politique de Hafez el-Assad, non ? «Peut-être qu’à certains moments dans le passé, nous n’étions pas d’accord sur tout, mais ensuite, non, je me rendais compte qu’il fallait faire attention à certaines choses, et notamment au cours des dernières années. Il n’est pas rare que l’on ait parfois des reproches à formuler à l’encontre de certaines politiques, de certaines positions. Mais en règle générale, les éléments positifs sont plus nombreux que les éléments négatifs, en ce qui concerne les relations bilatérales». L’héritage de Saeb bey Une solution pour la crise socio-économique ? «Il faut créer un comité d’experts, c’est indispensable. Évaluer les étapes indispensables, et en premier lieu la réforme administrative. En mettant en route la machine administrative, en la huilant, les choses iraient beaucoup mieux : les investissements, le tourisme, un secteur qui a besoin de beaucoup d’attention, c’est le “pétrole” du Liban. L’Administration doit faire son travail avec rapidité, dynamisme, au diable la bureaucratie, la nonchalance, l’obsolète et la corruption». Quel est l’héritage que vous a légué Saëb bey ? «Il m’a appris à être patient, courageux, sincère, raisonnable, modeste. Il m’a donné une bonne réputation, un nom solide, une confiance chez les gens». Est-ce qu’il est lourd parfois à porter, cet héritage ? «Le poids du nom on le sent toujours, la présence aussi, quant au poids de l’héritage, il est parfois lourd à porter, mais en règle générale il est beaucoup plus moteur, c’est un soutien, une aide». Vous vous demandez ce qu’aurait fait Saëb bey avant de prendre une décision ? «Parfois, oui, je compare. Mais lorsque je ne me sens pas très fort, j’utilise ce capital qu’il m’a légué, et automatiquement, tout va mieux». M. Salam, vous êtes né avec un nom, et quel nom ! Comment êtes-vous arrivé à vous faire un prénom ? «Vous savez, cela fait des années, depuis 1985, que mon père ne fait plus de politique, qu’il est absent du pays. Ensuite, il a été à la retraite. Et c’est ça qui a permis une continuité naturelle, qui s’est faite en douceur. Et puis des occasions se sont présentées où je me suis battu tout seul, des occasions qui m’ont permis de me mettre en relief. C’est tout cela qui m’a permis de me faire un prénom, comme vous dites».
Sa ressemblance avec Saëb bey est de plus en plus frappante. Physiquement d’abord, certainement. Mais à écouter Tammam Salam, à l’entendre répéter, marteler parfois les convictions auxquelles il tient, l’on s’aperçoit bien vite que les similitudes ne se limitent pas aux traits du visage. Loin de là. Génétique politique... Avant-hier mardi, Tammam Salam, après Rafic...