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Actualités - ANALYSE

Les responsables commencent à s'inquiéter pour l'image de marque du pays

Mieux vaut tard que jamais. Même quand il s’agit de pousser le paradoxe à son paroxysme : tout en contribuant avec un zèle sans précédent à l’affligeante farce électorale, les responsables en déplorent les effets sur l’image de marque du pays. Les vétérans le soulignent en chœur : le Liban a toujours été un pays à sang chaud dont la fièvre s’élève considérablement en période électorale. Mais il n’a jamais connu une telle vulgarité dans les attaques ou les ripostes. Et rarement autant d’immixtions occultes polluant l’ambiance. Pour se défendre, les loyalistes affirment que «le pouvoir a tenu à assurer un climat de liberté». Ce qui se traduit en réalité par de l’anarchie, sur le plan verbal. Car sur le plan organisationnel, tout par contre semble avoir été minutieusement préparé et «fabriqué», comme on le dit à propos des listes agréées par le pouvoir ou du moins, puisqu’il a le front de s’en démarquer, par les «services», Télé-Liban comprise. Cette contradiction signifie que la «liberté» en question, ce sont surtout lesdits services qui en profitent, pour faire tout ce que bon leur semble. Sans paraître craindre d’être tancés par les responsables, qui s’en lavent manifestement les mains. Ainsi, interrogé sur les débordements de la télé publique, le ministre de l’Information a répondu que cette institution a un directeur qui établit les programmes et que c’est à ce dernier que la question doit être adressée. Le plus étrange c’est que ces propos ont été tenus à l’occasion d’une conférence au cours de laquelle le ministre invitait les médias à un meilleur contrôle ! Quoi qu’il en soit, le mal va si loin que même des membres éminents du gouvernement s’en plaignent. L’un d’eux, nordiste, affirme ainsi que les médias officiels boycottent délibérément ses activités de campagne et mettent en avant ses adversaires. De leur côté, des cadres sécuritaires et politiques considérés comme proches du régime fustigent «le laxisme étatique» et estiment que le gouvernement «devrait jeter tout son poids dans la balance pour réguler effectivement les choses et juguler les excès médiatiques ou de terrain». Ces cadres relèvent, non sans pertinence, que «la kermesse est facilement exploitée par les contempteurs du pouvoir pour le présenter comme faible et dépassé. Il s’agit donc d’y mettre rapidement un terme». C’est sans doute trop tard. Ces sources relèvent cependant, avec une certaine lucidité, que «le déchaînement des médias officiels contre M. Hariri apparaît en définitive si partial, voire si ridicule, qu’il fait les affaires de l’ancien président du Conseil qui en sort sinon victimisé du moins grandi. On ne doit pas oublier que les gens ont toujours une présomption favorable à l’égard de celui qui se présente comme opposant au pouvoir en place. Et si on veut l’attaquer, il faut que cela soit fait habilement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui». «Le plus regrettable dans cette campagne mal dirigée, souligne un responsable sécuritaire, c’est que tous les Libanais sont maintenant convaincus qu’elle se fait au profit des listes qu’on dit soutenues par le pouvoir. Or l’État ne parraine pas de candidats. La position du président de la République à ce sujet est très claire, très nette : les institutions officielles doivent rester neutres, à égale distance de tous». À cela un opposant modéré réplique que «si des ordres ou des directives ont été donnés dans ce sens, on n’en voit pas les effets en pratique. Et la question se pose de savoir si les services désobéissent délibérément à l’autorité républicaine ou s’ils bénéficient de sa couverture en sous-main. On peut aussi se demander si les dirigeants sont sur la même longueur d’onde. Il n’y a pas de raison de douter de l’impartialité de Baabda, mais en est-il de même du Sérail, du ministère de l’Intérieur ou encore d’autres départements puissants ?» Le cadre sécuritaire cité plus haut répond à ces doutes en affirmant que «quiconque aura transgressé les ordres de neutralité devra en répondre disciplinairement». Un jour ou l’autre sans doute. La source reprend en reconnaissant que «des bévues ont pu être commises», mais en ajoutant que «ce sont là des initiatives, des fautes individuelles qui recevront des sanctions appropriées. Les institutions ne sont pas en cause : elles respectent les directives et appliquent la loi. En veillant de près à la sécurité». Et de révéler que pour bien montrer la neutralité de son département, le général Jamil Sayyed a ordonné aux fonctionnaires de la Sûreté générale de rester reclus à leurs postes le 27 août et le 3 septembre, de ne pas s’approcher des bureaux de vote.
Mieux vaut tard que jamais. Même quand il s’agit de pousser le paradoxe à son paroxysme : tout en contribuant avec un zèle sans précédent à l’affligeante farce électorale, les responsables en déplorent les effets sur l’image de marque du pays. Les vétérans le soulignent en chœur : le Liban a toujours été un pays à sang chaud dont la fièvre s’élève...