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Actualités - REPORTAGES

Correspondance Les Bobos ou bourgeois-bohémiens Le nouvel establishment de l'ère informatisée

La bohème, ce n’est plus, comme le chante Aznavour, «moi qui criais famine et toi qui posais nue ». En l’an 2000, on est «Bobo» ou bourgeois-bohémien. Pour savoir ce qu’est cette nouvelle élite et si vous en faites partie, il faut consulter un ouvrage intitulé Les Bobos au paradis : comment ils sont devenus la crème de la crème, signé David Brooks. Écrivain, éditorialiste dans plusieurs grands titres de la presse américaine, spécialiste de la littérature européenne des XVIIIe et XIXe siècles, Brooks, âgé de 38 ans, a joué au sociologue décapant auprès de ceux de sa génération. À savoir, les produits de l’âge de l’informatique qui continuent leur irrésistible ascension. Pour cette caste, le monde des idées et de la créativité est aussi vital à la technologie de pointe que les ressources naturelles et les grands capitaux. Elle a ainsi fait tomber les barrières qui ont toujours existé entre la bohème, qui chérit la liberté et exècre l’argent, et les bourgeois, leur conservatisme et leur veau d’or. À la première, elle a emprunté l’inspiration et l’émotion qu’elle a mises au service du marketing, non pas par seul amour du gain, mais dans le but de changer le monde. Donc, il n’est plus du tout question de guerre entre les transcendantalistes et les barons de l’argent, les beatniks et l’homme au sinistre complet gris, les hippies et le monde vorace des affaires. Les «Bobos» sont un mélange de la contre-culture des années 60 qui dénigre la richesse, de l’esprit d’entreprise des années 80 et des années 90 qui, par l’argent, veulent améliorer le monde. Cette gent est très éduquée et ne jure que par le savoir et les grandes universités. Tout devient pour elle matière à étude, y compris ses loisirs et ses vacances. Quand elle pense détente et congé ce n’est pas du tout en terme de farniente et de luxe comme synonymes de futilité et de superflu. Elle fera des dépenses énormes dans l’acquisition, par exemple, d’un équipement super sophistiqué pour escalader l’Himalaya. Car en tout, au travail comme au repos, elle doit être performante. Le règne de la méritocratie On a affaire là à un nouvel establishment basé sur le pouvoir cérébral et l’effort personnel plutôt que sur le pouvoir politique, le pedigree et le lignage. Le règne d’une méritocratie dans toute sa splendeur qui allie intellect et finances et qui se veut rédemptrice. Un establishment à qui son érudition et son mode de vie donnent des ailes. Son intérêt multiculturel se manifeste dans sa manière de vivre et de consommer. Voici un petit questionnaire destiné à vous faire savoir si vous êtes un réel «Bobo» : – Pensez-vous que dépenser 15 000 dollars en gadgets pour PC, cela fait ordinaire alors que cette même somme peut vous procurer une douche zen qui vous mette au diapason de la nature ? – Est-ce que votre cuisine nouvellement réaménagée ressemble à un hangar d’avion, avec un four à l’ancienne et chaleur diffuse valant 2 400 dollars ? – Travaillez-vous pour une de ces firmes haut de gamme où tout le monde arrive en chaussures de randonnée et en lunettes de ski, comme si un immense mur de glace allait s’abattre sur vous ? Si vous avez répondu oui à ces questions, vous faite partie du club des «Bobos» dont voici encore quelques règles de conduite : Payer cher le fonctionnel et non le visible Les personnes m’as-tu-vu ne lésinent pas sur les signes de richesse extérieure. Les «Bobos» font les mêmes dépenses pour tout ce qui est fonctionnel. Pour 65 000 dollars, ils achètent une Range Rover et non une voiture clinquante. De la texture avant toute chose Surtout pas de tapis soyeux, plutôt du tissage rugueux à la manière tibétaine. Et haro sur le papier peint, quitte à faire venir d’Ombrie des artisans capables de créer un look de fresques en ruines. Être un cran au-dessous du voisin N’essayez pas de faire mieux que votre voisin. Brillez par votre simplicité et par votre patine. Pas de service de table à la Buckingham Palace, mais du design épuré. Anoblir les petites choses de la vie Cela fait mauvais genre de débuter un repas en parlant de rivières de diamants. Il est recommandé de disserter sur le service à salade d’inspiration africaine. Et David Brook précise que selon Marx, les bourgeois s’approprient le sacré pour le profaner. Les «Bobos» sacralisent tout ce qui peut paraître terre à terre. Ils ont le pouvoir de donner une âme à tout ce qui en est dépourvu.
La bohème, ce n’est plus, comme le chante Aznavour, «moi qui criais famine et toi qui posais nue ». En l’an 2000, on est «Bobo» ou bourgeois-bohémien. Pour savoir ce qu’est cette nouvelle élite et si vous en faites partie, il faut consulter un ouvrage intitulé Les Bobos au paradis : comment ils sont devenus la crème de la crème, signé David Brooks. Écrivain,...