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Actualités - REPORTAGES

Correspondance Une galerie de portraits à ne pas rater Romaine Brooks, la magnifique voleuse d'âme

Une galerie de portraits à ne pas rater, celle actuellement sur les cimaises du Musée national pour les arts féminins à Washington. Au total 104 toiles représentant en majorité des femmes, traitées grandeur nature, avec à la fois beaucoup de sobriété et d’intensité émotionnelle. Leur auteur est celle que Robert de Montesquiou qualifie de «voleuse d’âme». À savoir l’artiste américaine, Romaine Brooks, qui a fait partie des cercles culturels du Paris des années 20 et 30. Romaine Brooks, un talent puissant et nuancé qui traduit l’apparemment impénétrable et une personnalité vivant pleinement sa différence en temps de conformisme. Peintre accomplie et féministe avant l’heure, elle ne cachait nullement son homosexualité. Une triple marginalité, avec en prime une fortune personnelle consistante qui lui avait donné accès à l’univers du jet-set et à celui des intellectuels de l’époque : Somerset Maugham, Norman Douglas, Charles Freer, le comte Robert de Montesquiou, Jean Cocteau, Augustus John, Carl Van Vechten et Ida Rubenstein. Née à Rome, (en 1874), de parents américains de la famille Goddard, elle a passé la plus grande partie de sa vie à Paris et elle est décédée en 1970 dans sa maison, au sud de la France. Elle avait commencé par contracter un mariage de convenance avec le pianiste britannique John Brooks, lui aussi homosexuel. Puis, après une brève et fougueuse relation avec le poète Gabriel d’Annunzio (qu’elle a conservé comme ami durant toute sa vie), elle a privilégié les amours féminines. Ses plus célèbres compagnes sont la danseuse russe Ida Rubenstein et la romancière américaine Nathalie Barney avec laquelle elle restera liée pendant 50 ans. La première image de la femme androgyne Sur les toiles de Brooks, apparaît pour la première fois l’image de la femme androgyne qui sera le label du XXe siècle. De même que le style minimaliste, précurseur d’une veine picturale à venir. Ses modèles, elle les choisit elle-même, car elle ne travaille jamais sur commande. Ils appartiennent au milieu dans lequel elle gravite. C’est avant tout leur intériorité avec ses angoisses et ses bouillonnements qu’elle cherche à restituer. Parfois, elle les pare de vêtements spectaculaires qui en disent long sur leur identité : tels ses premiers portraits de femmes en costumes masculins ou d’autres en robes élaborées. Parfois elle les déshabille pour laisser deviner ces élans et ces flottements de corps entre le rêve et la réalité. Il y a toujours un accessoire (un oiseau, un piano, un chien), et cette connexion qu’elle établit entre l’objet et le sujet constitue la part du surréel. Pour donner encore plus de profondeur à ses personnages, elle les place sur un fond sombre et détache leur silhouette par d’infinies modulations de gris, qui vont du gris gris au gris noir, en passant par le gris rouge, vert, parme etc. Annunzio l’avait proclamée «la plus profonde et la plus sage orchestratrice du gris dans la peinture moderne». La femme des temps modernes que Romaine Brooks veut intellectuellement, émotionnellement et sensuellement libérée, elle la peint avec infiniment de pondération et de délicatesse. Ses photographies (car elle maniait aussi l’objectif) de nus sont de cette même facture, toutes en retenue et en symbolique érotique.
Une galerie de portraits à ne pas rater, celle actuellement sur les cimaises du Musée national pour les arts féminins à Washington. Au total 104 toiles représentant en majorité des femmes, traitées grandeur nature, avec à la fois beaucoup de sobriété et d’intensité émotionnelle. Leur auteur est celle que Robert de Montesquiou qualifie de «voleuse d’âme». À savoir...