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Actualités - ANALYSE

Naturalisations - Les failles du décret de 1994 restent évidentes Le fait accompli est pratiquement consommé

«Yalli darab, darab ; wa yalli harab, harab» : ce dicton libanais, très populaire, condense bien l’esprit oriental de résignation devant un fait accompli. Ainsi, tout aussi décrié que Taëf dont il est le rejeton direct, le fameux décret de naturalisation, qui a coopté en 1994 des centaines de milliers d’étrangers, ne sera pas rapporté ni même amendé. C’est ce que soulignent en chœur des personnalités politiques pour qui «même un arrêt suspensif du Conseil d’État resterait lettre morte. En effet, trop de temps s’est écoulé pour que les effets pratiques du décret puissent être gommés. Des naturalisés ont acquis du bien au soleil, embrassé des carrières libérales, fondé des sociétés ou se sont fondus dans la société civile. D’autres se sont mariés et ont eu des enfants qui ont reçu à la naissance la nationalité libanaise. Qu’en ferait-on si l’on devait abroger les naturalisations ? Aucun jugement à la Salomon ne peut résoudre ce problème de droits acquis. De plus, le décret est tellement bâclé qu’il est techniquement impossible de procéder à des enquêtes pour séparer le bon grain de l’ivraie, pour vérifier quel bénéficiaire a effectivement droit à la nationalité libanaise et quel autre l’a usurpée. Il faudrait des milliers d’enquêteurs et des investigations à l’étranger qui prendraient des années». Pour ces personnalités, «le réalisme le plus élémentaire commande qu’on rétablisse un peu l’équilibre démo-confessionnel rompu en faveur des mahométans en publiant un nouveau train de naturalisations englobant une majorité de chrétiens. Faute d’une solution idéale, il faut recourir à un pis-aller et traiter, comme le recommandent les homéopathes, le mal par le mal». Concrètement, «on pourrait faire d’une pierre coup double, en redonnant la nationalité libanaise aux descendants d’émigrés qui l’ont perdue par inadvertance», suggèrent ces sources. Qui critiquent le compromis visant à reconnaître à ces Libanais d’origine tous les droits des nationaux, sauf celui de voter. «Car, affirment ces personnalités, il faut avant tout remédier au déséquilibre intérieur, ce qui ne peut se faire que par une mesure politique. Il est dangereux pour l’entité nationale que des étrangers soient abusivement naturalisés par dizaines de milliers, alors qu’ils n’ont rien de libanais et souvent ne résident même pas dans ce pays. On les voit regroupés et conduits en cars-charters vers les bureaux de vote lors des élections, et leur poids numérique fait pencher excessivement la balance en faveur d’une communauté déterminée. C’est d’autant plus inadmissible que des Libanais de souche pure, dont les parents ou les grands-parents expatriés n’ont pas été informés en 1924 qu’ils devaient faire une proclamation de nationalité, n’ont pas le droit de voter. Ce qui est ahurissant, c’est qu’en même temps, on leur dit qu’il est de leur devoir de confier leurs fonds, sans intérêt, à leur pays d’origine en souscrivant à des bons du Trésor spéciaux émis sur cinq ans, destinés à alléger la dette publique libanaise. Pour qu’ils consentent à un tel effort, le moins que le pouvoir local peut faire à leur égard est de les rétablir dans leur nationalité libanaise. Il est alors probable que non seulement ils prêteraient leur argent sans intérêt à la mère-patrie, mais encore qu’ils y investiraient de considérables capitaux. Une fois que le gouvernement leur aurait redonné la nationalité, qu’on créerait un centre fonctionnel pour eux à Beyrouth, il est tout à fait certain qu’une éventuelle tournée de promotion du chef de l’État, le président Lahoud, dans les contrées d’émigration déboucherait sur un éclatant succès. Les émigrés, reconnus, sauraient se montrer reconnaissants. Et travailler activement pour le Liban, sur tous les plans, dans les continents où ils sont disséminés». Du temps de M. Farès Boueiz, en 1992, le ministère des Affaires étrangères avait fait un effort sensible en direction des émigrés. Il avait adressé une note à nos chancelleries à l’étranger, les priant de démarcher les colonies, les associations et les clubs pour encourager les Libanais d’origine à remplir des fiches d’état civil et des curriculum détaillés, mentionnant ascendants, conjoints, enfants et activités, afin de mieux les recenser et d’en mieux cerner les capacités. La même année, M. Boueiz adressait au ministre de la Justice, censé plancher sur une nouvelle loi des naturalisations, une note signalant avec insistance le cas des émigrés, le besoin que le pays en a pour sa reconstruction et la nécessité de leur redonner la nationalité libanaise. Mais cet appel, on ne le sait que trop, est resté sans suite.
«Yalli darab, darab ; wa yalli harab, harab» : ce dicton libanais, très populaire, condense bien l’esprit oriental de résignation devant un fait accompli. Ainsi, tout aussi décrié que Taëf dont il est le rejeton direct, le fameux décret de naturalisation, qui a coopté en 1994 des centaines de milliers d’étrangers, ne sera pas rapporté ni même amendé. C’est ce que soulignent en...