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Actualités - REPORTAGES

Environnement - Double sit-in hier Le ras-le-bol des beyrouthins privés d'espaces verts (photos)

Les mouvements revendiquant la préservation des espaces verts dans la capitale prennent de l’ampleur. Des associations écologiques, des députés et des candidats aux législatives, mais aussi des citoyens ordinaires, ont exprimé, en deux sit-in, leur indignation de voir les derniers espaces verts de la capitale se rétrécir comme peau de chagrin. À seize heures trente, un premier regroupement a eu lieu devant le siège du Conseil municipal de Beyrouth sous l’égide du Rassemblement pour les espaces verts de Beyrouth. Une centaine de personnes revendiquaient la création de jardins publics dans les deux grands derniers espaces non construits qui restent à Beyrouth : l’hippodrome (qu’ils proposent de transférer hors de Beyrouth) et le terrain de l’Unrwa, rue de Verdun (qui devrait être le lieu d’une future construction). Le second rassemblement a eu lieu au Cercle sportif français à Koraytem, un superbe terrain de 7 800 mètres carrés appartenant au gouvernement français et dont celui-ci négocie apparemment la vente, selon les organisateurs du mouvement. Dans les deux cas, un même cri de désespoir : «Sauvez les derniers espaces verts de la capitale ! Nous n’avons plus besoin d’immeubles mais nous ne pouvons pas vivre sans arbres !» Le sit-in qui a eu lieu devant la municipalité de Beyrouth a regroupé des militants et des hommes politiques mais aussi des citoyens révoltés par la forêt de béton qu’est devenue leur capitale. Emma Mallah a trois enfants et nulle part où les promener. «Je possède un appartement comme tout le monde dans cette ville, dit-elle. Mais mes enfants ne voient aucun arbre près de l’immeuble». Pour sa part, Jamal Hermès Ghobril, une autre habitante de Beyrouth, déclare qu’elle s’est jointe à la centaine de manifestants pour exprimer sa solidarité. «Il est scandaleux que nous suffoquions en plein Beyrouth alors qu’un terrain majeur est réservé aux chevaux !», s’exclame-t-elle. Hiba Dahoui, une jeune militante au sein d’un mouvement écologique universitaire, déclare qu’elle suit cette campagne depuis ses débuts, il y a deux ans. Sont-ils fatigués de militer sans résultat ? «Nous ne désespérons pas», répond-elle d’un ton ferme. Comme beaucoup d’autres militants, elle porte un masque symbolisant la sensation d’étouffement des Libanais. Le mouvement a également attiré des députés de la capitale comme Najah Wakim qui, comme à son habitude, n’y va pas par quatre chemins. «Beyrouth suffoque, dit-il. Un grand terrain est réservé aux courses de chevaux alors qu’il aurait pu être transformé en jardin public, en centre culturel, en école… Le problème dans ce pays, c’est que l’intérêt du plus grand nombre est sacrifié au profit de celui de minorités». Interrogé sur l’obstacle qui entrave l’application de mesures en faveur de l’environnement, M. Wakim déclare : «C’est tout simplement l’intérêt de certains hommes politiques». Il est accompagné de M. Jean-Pierre Haddad, candidat vert à Beyrouth. Mme Ghada Abdallah Yafi, également candidate, est venue apporter son soutien aux manifestants. 0,8 mètre carré de verdure par habitant Cependant, il ne faut pas oublier les écologistes qui mènent campagne depuis deux ans afin d’obtenir gain de cause dans cette affaire complexe. Salmane Abbas, membre de Greeline (l’une des associations du Rassemblement), rappelle, dans une allocution, les déboires des militants depuis deux ans. «Quand nous avons lancé notre campagne il y a deux ans, j’ai personnellement cru que nous convaincrions le Conseil municipal de la justesse, si évidente, de notre cause en un mois tout au plus, s’indigne-t-il. Malheureusement, ils sont restés insensibles au fait que les habitants de Beyrouth n’ont plus que 0,8 mètre carré d’espace vert par habitant, alors que les normes internationales sont de 40 mètres !» M. Abbas énumère ensuite les rendez-vous avortés, d’une façon ou d’une autre, avec les responsables. «Certains députés de Beyrouth ont signé la pétition de plus de 16 mille noms, d’autres pas, et nous respectons leur décision, poursuit-il. Mais certains nous ont simplement évité et ceux-là, nous ne pouvons nous taire à leur propos. À la veille d’élections, je demande aux habitants de Beyrouth de faire de cette cause une préoccupation centrale. Cet espace appartient aux habitants de Beyrouth, la municipalité ne peut le léguer à des entreprises privées». L’atmosphère n’était pas moins fébrile au second sit-in qui a eu lieu deux heures plus tard au Cercle sportif français. Des parents et des enfants sont venus par dizaines exprimer leur refus de voir cet îlot de verdure en pleine ville disparaître au profit de nouvelles constructions, «on le devine aisément», dit l’un d’eux. Les enfants sont ceux qui portent les bannières avec des slogans éloquents : «Beyrouth étouffe. Des arbres, pas du béton», «Pour nos enfants, sauvons nos espaces verts», «Davantage de verdure». Ramzi Salmane, l’un des principaux organisateurs, déclare : «Nous avons pris connaissance de la vente en cours, par le gouvernement français, du Cercle sportif français. Nous vous soumettons une pétition afin de réclamer votre intervention à ce sujet». Le Cercle sportif français a plus de cent ans d’âge et abrite de grands arbres conifères, des jardins, de nombreux terrains de sport, une maison traditionnelle libanaise. «Ce site est une propriété historique d’une grande beauté que Beyrouth doit absolument conserver, poursuit M. Salmane. Nous demandons que cette propriété soit préservée comme terrain vert non constructible». M. Salmane est entouré de M. Nabil Soubra, du Mouvement pour le développement du travail municipal, de M.Georges Sérof, architecte, ainsi que de Mme Mona Hallak et M. Abdel Halim Jaber, de l’Apsad. Étaient présents les députés Sélim Diab et Khaled Saab, ainsi que M. Wissam Eid, représentant le ministre de l’Environnement, M. Arthur Nazarian. «Les espaces verts de Beyrouth deviennent de plus en plus rares, ce qui les rend d’autant plus précieux», ajoute M. Salmane, qui précise que la vente n’a pas encore eu lieu pour autant qu’il le sache. « Cette pétition sera soumise aux différents ministres concernés, ainsi qu’au gouvernement français». Une copie sera adressée au président Chirac. Tenter d’arrêter la vente au cas où celle-ci n’a pas encore eu lieu semblait être, hier, la meilleure option. «Il ne faut pas oublier que la France a joué un rôle actif dans le reboisement de régions libanaises», souligne-t-il. M. Jaber fait remarquer qu’«il y a cent mille appartements vides à Beyrouth, et il n’est nul besoin de nouveaux immeubles, alors que les espaces verts sont une nécessité pour la santé et le bien-être de la capitale». M. Sérof avance que la notion de propriété devrait évoluer parce qu’on ne peut transformer tout le Liban en une ville géante ! M. Diab, lui, demande alors de «préparer une loi en ce sens, le processus étant très long». Une personne lui fait remarquer que c’est aux députés de légiférer ! Les participants à la réunion ont ensuite été invités à signer une pétition. «Les espaces verts jouent un rôle de premier plan dans le maintien de l’équilibre urbain», rappelle M. Salamé Houchaimi, un architecte venu soutenir cette cause. «Transformer cet espace vert en immeubles de béton est un crime». Il exprime probablement les pensées et les sentiments de toute une population.
Les mouvements revendiquant la préservation des espaces verts dans la capitale prennent de l’ampleur. Des associations écologiques, des députés et des candidats aux législatives, mais aussi des citoyens ordinaires, ont exprimé, en deux sit-in, leur indignation de voir les derniers espaces verts de la capitale se rétrécir comme peau de chagrin. À seize heures trente, un...